Revue de presse -  Banques  : retour au calme… avant la tempête  ?

Va-t-on vers une nouvelle crise financière ? Si les autorités financières se montrent rassurantes, le risque n’est pas totalement écarté. La faillite de quatre banques met en lumière les graves insuffisances des règles mises en place après 2008.

Édition 028 de mi-avril 2023 [Sommaire]

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Silicon Valley Bank (Svb), Silvergate, Signature Bank, Crédit suisse  : en douze jours, quatre banques ont fait faillite, entraînant un début de panique dans les milieux bancaires et financiers. Témoin de cette grande fébrilité, l’usage du mot «  résilient  », convoqué à l’excès pour tenter de calmer le jeu  : par le vice-président de la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) cité par Le Figaro  ; par Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (Bce), devant les dirigeants de l’Union européenne réunis en sommet.

Si la crainte d’une nouvelle crise financière fait alors chuter les marchés, le président de la Fédération bancaire française (Fbf), toujours dans Le Figaro, l’assure : «  Il n’y pas de crise bancaire  » en Europe.

Pas de panique  ? Les Banques centrales se décident pourtant, dans l’urgence, à intervenir massivement. C’est ce qui intéresse Médiapart. Ainsi, en moins de dix jours, la Fed, pour ne citer qu’elle, a débloqué plus de 300 milliards de dollars pour assurer la liquidité du système. Martine Orange écrit  : «  Les milliards se sont mis à nouveau à pleuvoir en masse. Les banques centrales et les gouvernements ont renoué avec la méthode qui leur semble la plus simple, la plus directe et la plus efficace pour endiguer la contagion  : l’argent magique. Mais seulement pour le monde financier.  »

Quand il y a le feu, l’argent coule à flots

Pour prendre la mesure du tumulte, il faut lire Le Canard enchaîné. Dans un article titré «  Le Crédit suisse et la réaction en chaîne alpine  » (édition du mercredi 29 mars 2023), Nicolas Brimo révèle les coulisses du rachat en catastrophe de Crédit suisse – cruellement rebaptisé le «  discrédit suisse  » dans Le Temps – par Ubs, son principal concurrent. Avec une conséquence inattendue, semble-t-il s’amuser  : «  La fusion Crédit suisse-Ubs a été imposée par le gouvernement suisse sans que les actionnaires des deux banques puissent l’approuver. C’est grâce à une loi dite “d’urgence” qu’ils ont été privés de leur droit de vote concernant cette opération. Quand il y a le feu, le droit sacré des actionnaires est vite piétiné.  »

Si les actionnaires ont ainsi été «  désactivés  », le sauvetage de la deuxième banque du pays, opéré en un week-end, provoque un double choc. Il est d’abord social, montre Jean-Michel Bezat dans Le Monde. Le chroniqueur explique  : si Crédit suisse prévoyait déjà de supprimer 9 000 postes, «  résultat d’une mauvaise gestion depuis plusieurs années  », la fusion va accroître la saignée. De 25 000 à 36 000 postes seraient ainsi en danger en raison de «  doublons  », croit savoir l’hebdomadaire zurichois SonntagsZeitung.

Le choc est aussi potentiellement judiciaire, le parquet fédéral ayant annoncé l’ouverture d’une enquête sur d’éventuelles irrégularités lors du mariage forcé. «  L’enjeu est là aussi très important pour la Confédération helvétique, dont l’industrie financière (banques, compagnies d’assurances et de réassurances…) pèse près de 10  % du produit intérieur brut  », explique Jean-Michel Bezat. La justice veut s’assurer que la place financière suisse reste «  propre  ».

Aux origines de celle nouvelle agitation bancaire

Va-t-on vers une nouvelle crise de financière  ? En dépit des paroles rassurantes des autorités financières, l’ensemble des titres gardent la mémoire de celle de 2008 et continue de s’interroger. Ainsi Rfi en fait un «  débat du jour  » animé par Romain Auzouy, en croisant les approches de Christophe Blot, économiste à l’Ofce, et de Thierry Philipponat, chef économiste de l’Ong Finance Watch. Tous deux y font le constat que les faillites de Svb d’une part et de Crédit suisse d’autre part, sont déconnectées. Et c’est bien le problème, relève Thierry Philipponat en mettant en évidence les insuffisances des règles (Bâle III) mises en place après 2008 : «  Il faut se demander pourquoi et comment deux banques qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre – tout comme les raisons pour lesquelles elles font faillite –, peuvent créer un début de panique alors qu’ensemble elles représentent moins de 0,5  % des actifs de la planète »…

Et tenter d’y remédier. Dans Alternatives économiques, Christian Chavagneux partage l’analyse  : «  Comme le souligne Thierry Philipponat, les règles de Bâle III ne s’appliquent pas aux petites et moyennes banques américaines et, on le sait peu, le Parlement européen a malheureusement choisi de réduire la portée des règles qui doivent entrer en vigueur sur le continent. Une erreur que nous paieront tôt ou tard.  »

En s’interrogent sur les soubassements de cette « agitation bancaire », l’éditorialiste d’Alternatives économiques plaide pour de nouvelles règles : « Contrairement à ce qu’ont fait les autorités suisses en faisant racheter Crédit Suisse par Ubs, il faut des banques moins grosses, elles seront moins risquées et chacune mobilisera plus facilement du capital que les gros mastodontes […] ; les activités doivent devenir moins opaques, ce qui signifie que, comme l’avait fait le président Roosevelt, les produits financiers très spéculatifs doivent être bannis […]. » Des vœux pieux ?