Chronique -  Chronique juridique -  Congés payés et astreintes

Le salarié doit être libéré de toute obligation à l’égard de l’employeur pendant ses congés payés. À défaut, il est en astreinte. Or une astreinte pendant les congés payés est illicite et doit faire l’objet d’une réparation financière.

Édition 056 de mi-septembre 2024 [Sommaire]

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Pendant les congés payés, le contrat de travail du salarié est suspendu. Pendant la durée de ses congés, le salarié est libre de ses déplacements et de ses activités et n’a pas l’obligation de rester joignable par son employeur.

La définition de l’astreinte n’est pas compatible avec celle des congés payés. Lorsque le salarié doit intervenir au cours de sa période d’astreinte – répondre à un appel, se déplacer sur les lieux de travail, etc. –, il est en situation de travail effectif, l’astreinte aurait donc nécessairement pour conséquence de priver le salarié de sa journée de congé. 
L’employeur qui occupe un salarié à un travail pendant la période de son congé légal est considéré comme ne donnant pas ce congé. Il peut être condamné civilement et même pénalement.

Législation

Congés payés (article D. 3141-1 et article D. 3141-2 du Code du travail)

L’employeur qui emploie pendant la période fixée pour son congé légal un salarié à un travail rémunéré, même en dehors de l’entreprise, est considéré comme ne donnant pas le congé légal, sans préjudice des dommages et intérêts auxquels il peut être condamné.

Le salarié qui accomplit pendant sa période de congés payés des travaux rémunérés, privant de ce fait des demandeurs d’emploi d’un travail qui aurait pu leur être confié, peut être l’objet d’une action devant le juge du tribunal judiciaire en dommages et intérêts envers le régime d’assurance chômage.

Les dommages et intérêts ne peuvent être inférieurs au montant de l’indemnité due au salarié pour son congé payé.

L’action en dommages et intérêts est exercée à la diligence soit du maire de la commune intéressée, soit du préfet.

L’employeur qui a occupé sciemment un salarié bénéficiaire d’un congé payé peut être également l’objet, dans les mêmes conditions, de l’action en dommages et intérêts prévue par le présent article.

Astreinte (article L.3121-9 du Code du travail)

Une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif. La période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos. Les salariés concernés par des périodes d’astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.

Jurisprudence

M. Y., engagé par la société Rentokil Initial, à compter du 14 janvier 2008, a été promu directeur d’agence le 1er janvier 2009 et s’est vu attribuer les fonctions de directeur régional du pôle sud-ouest le 1er avril 2010.

Il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes.

L’employeur fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier, 14 décembre 2016, de l’avoir condamné à une certaine somme à titre de rappel d’indemnité d’astreinte.

La Cour d’appel avait constaté que «  la société Rentokil Initial avait mis en place un dispositif de gestion des appels d’urgence à destination des directeurs d’agence en dehors de heures et jours de travail et que ces derniers devaient laisser en permanence leur téléphone allumé,  pour en déduire que M. Y., à compter de sa promotion en qualité de directeur d’agence, était soumis à des astreintes  ».

Or, l’employeur argue  :

1°/ que selon l’article 26 de la convention collective nationale des entreprises de désinfection, désinsectisation, dératisation, dans sa rédaction applicable au litige antérieure à l’actualisation du 28 juin 2011, l’astreinte est prévue «  dans le cas où un salarié doit assurer une permanence téléphonique à son domicile  »  ; qu’en se bornant à constater que la société Rentokil Initial avait mis en place un dispositif de gestion des appels d’urgence à destination des directeurs d’agence en dehors de heures et jours de travail et que ces derniers devaient laisser en permanence leur téléphone allumé pour en déduire que M. Y., à compter de sa promotion en qualité de directeur d’agence, était soumis à des astreintes, sans caractériser à aucun moment que celui-ci était soumis, de par ses fonctions, à une obligation de tenir une permanence téléphonique à son domicile, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 3121-7 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que la période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise  ; qu’en se bornant à constater que la société Rentokil Initial avait mis en place un dispositif de gestion des appels d’urgence à destination des directeurs d’agence en dehors de heures et jours de travail et que ces derniers devaient laisser en permanence leur téléphone allumé pour en déduire que M. Y., à compter de sa promotion en qualité de directeur d’agence, était soumis à des astreintes, sans caractériser à aucun moment que celui-ci était soumis, de par ses fonctions, à une obligation de tenir une permanence téléphonique à son domicile ou à proximité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3121-5 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige.

La Cour de cassation répond :

«  Attendu qu’ayant relevé qu’en application d’un document intitulé “procédure de gestion des appels d’urgence”, les coordonnées des directeurs d’agence étaient communiquées à la société en charge des appels d’urgence et que ces directeurs d’agence devaient en cas d’appel prendre les mesures adéquates, et qu’à partir du moment où le salarié a été promu directeur d’agence, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, il avait l’obligation de rester en permanence disponible à l’aide de son téléphone portable pour répondre à d’éventuels besoins et se tenir prêt à intervenir en cas de besoin, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.  »

En conséquence, elle rejette le pourvoi de l’employeur.

Le salarié obtient donc gain de cause : réparation du préjudice causé par l’atteinte à son droit aux congés payés (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 juillet 2018 ; indemnisation de plus de 60 000 euros à son salarié que l’employeur contraignait à rester disponible et à répondre à ses sollicitations et à celles des clients durant ses congés ; voir également cour d’appel de Paris, pôle 6, chambre 11, arrêt du 2 novembre 2021 RG nº 18/13271, concernant un salarié au forfait en jours.

Michel Chapuis