Cinq raisons pour lesquelles le Rn est l’ennemi des femmes

Féministe, le Rassemblement national ? On aura tout vu ! C’est pourtant ce qu’il tente de faire croire. Entre les élections européennes de 2019 et celles de 2024, il a gagné dix points dans l’électorat féminin, passant de 20 % à 30 % (Ipsos)*. Le 23 juin, des organisations féministes, dont la Cgt, ont appelé à manifester dans tout le pays pour faire barrage à l’extrême droite. 

Édition 053 de fin juin 2024 [Sommaire]

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À l’appel d’associations et de syndicats, dont la CGT, 75 000 personnes ont manifesté à Paris, le 23 juin, pour dénoncer l’imposture féministe du RN. © PhotoPQR / Le Parisien / Arnaud Dumontier / MaxPPP.

1. L’extrême droite est contre le droit à l’avortement

Jordan Bardella a répété à plusieurs reprises que «  Marine Le Pen a soutenu l’inscription de l’Ivg dans la Constitution.  » Si elle a effectivement voté en faveur de la constitutionnalisation de l’Ivg, une part importante des parlementaires Rn ont voté contre. Le 4 mars 2024, cette modification de la Constitution a été largement adoptée par les députés et les sénateurs réunis en Congrès, par 780 voix pour, 72 contre et 50 abstentions. Les opposants ne se trouvaient que dans les rangs du Rn et des Républicains (Lr). Au total, 36  % des parlementaires LR ont voté contre ou se sont abstenus et 40  % des élus Rn. 

Une tribune du collectif Grève féministe parue le 23 mai 2024 a scruté les votes du Rn au Parlement européen. Les militantes signalent qu’en « novembre 2020 et en novembre 2021 les élus Rn se sont opposés à une résolution condamnant la Pologne qui interdisait quasi totalement l’avortement ». En avril 2024, les eurodéputés Rn étaient absents lorsque le Parlement européen a adopté une résolution appelant à inclure le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Actuellement en Europe, quand l’extrême droite accède au pouvoir, elle remet en cause l’accès à l’Ivg. En Italie, le parlement a voté en avril 2024 une loi qui autorise les militants anti-Ivg à accéder, dans les cliniques de consultation, aux femmes qui envisagent d’avorter. En Hongrie, la nouvelle Constitution défend « la vie du fœtus dès sa conception »

2. Le Rn s’oppose à l’égalité professionnelle 

Sur les sujets ayant trait à l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, les députés et eurodéputés Rn s’abstiennent ou votent contre. En 2023, le groupe Rn à l’Assemblée nationale a été le seul à voter contre la proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. Et ils n’ont pas pris part au vote de la loi Rixain visant l’égalité femmes-hommes dans les entreprises.

Les eurodéputés Rn et Reconquête ! ont également voté contre l’instauration d’un salaire minimum européen qui serait adapté à chaque pays. La députée Dominique Bilde le justifiait ainsi  : « La question des rémunérations est une compétence exclusivement nationale. » Ce salaire minimum représenterait pourtant une avancée pour les femmes, « les plus nombreuses parmi les bas et très bas salaires », souligne la chercheuse Rachel Silvera.

En 2023, le Parlement européen a voté la directive sur la « transparence et l’égalité des rémunérations », qui renverse la charge de la preuve en cas de non-respect des obligations par l’employeur. Une avancée pour l’égalité qui n’est pas du goût du Rassemblement national qui s’est abstenu

3. Le Rn instrumentalise le féminisme à des fins racistes

Les représentants du Rn s’émeuvent des agressions subies par des femmes dans l’espace public… mais uniquement lorsque les agresseurs ne sont pas français, ou pas blancs. Jordan Bardella affirme par exemple sur le plateau de Bfm Tv, en mars 2024, que la sécurité des femmes recule en France «  sous le poids notamment d’un laxisme judiciaire et d’une pression religieuse  ». Comme si, dénonce le collectif Femmes-mixité de la Cgt, «  les violences faites aux femmes étaient liées à une culture, à un pays, à une religion ou à une classe sociale  ».

Ce faisant, le Rn entretient l’idée fausse selon laquelle les hommes qui agressent des femmes sont des inconnus qui surgissent dans les parkings ou dans les bois. C’est pourtant au sein de la cellule familiale que s’exerce en premier lieu cette violence. Parmi les 108 000 victimes de viol ou de tentative de viol déclarées en 2017 – parmi lesquelles 93 000 femmes –, 91 % connaissaient l’agresseur  ; et 47 % des violences sexuelles étaient commises par un conjoint ou ex-conjoint . 

Or le Rn ne se préoccupe pas de cette réalité. En effet, en 2018, les députés Rn n’ont pas voté la loi de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. En 2021, les eurodéputés Rn se sont opposés à une résolution de lutte contre le harcèlement sexuel au sein des institutions européennes. En 2023, le Rn a voté contre l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul, un texte juridiquement contraignant pour prévenir les violences domestiques, protéger les victimes et poursuivre les agresseurs.

4. L’extrême droite contre les droits Lgbt 

Dans un texte cosigné par 400 organisations, personnalités et militants Lgbt, le collectif Les Inverti·es rappelle que « l’extrême droite n’a jamais été et ne sera jamais l’allié·e des Lgbti. De la dépénalisation de l’homosexualité au mariage pour tou·te·s, en passant par le Pacs ou la Pma, elle s’est toujours opposée à l’avancée de nos droits ». Le collectif donne des exemples de mesures prises par l’extrême droite lorsqu’elle accède au pouvoir : des « zones sans Lgbt » ont été créées en Pologne, des associations ont cessé de percevoir des subventions en Hongrie. 

Alors qu’elle faisait campagne en région Paca, Marion Maréchal a annoncé vouloir couper les subventions des Plannings familiaux et associations Lgbt en cas de victoire car elle «  condamne fermement l’idéologie  » de ces associations «  politisées  ». De la même façon, avant d’accéder au pouvoir, la Première ministre italienne d’extrême droite Georgia Meloni exposait une vision très traditionnelle de la famille et son opposition à ce qu’elle nomme «  le lobby Lgbt  ».

En 2023, le gouvernement italien s’est attaqué aux couples lesbiens en ordonnant aux maires de ne plus écrire le nom des mères non biologiques sur les certificats de naissance des enfants nés par procréation médicalement assistée (Pma), ce qui reviendrait pour ces femmes à perdre l’ensemble de leurs droits parentaux. Il était même question de rayer rétroactivement leur nom, mesure finalement rejetée par le tribunal administratif. En France, l’eurodéputée Rn Annika Bruna reproche à la Commission européenne de vouloir « imposer aux États souverains la reconnaissance des enfants de familles homoparentales ».

5. Pour les Rn, les femmes sont avant tout des mères de famille

S’il devenait Premier ministre, Jordan Bardella a affirmé vouloir lutter contre les déserts médicaux, en particulier gynécologiques. Mais le collectif Femmes-mixité de la Cgt dénonce des mesures qui «  s’inscrivent uniquement dans une perspective nataliste  »

Pour le Rn, la famille – au sens de  : couple hétérosexuel, marié, avec des enfants – «  est le premier maillon de la chaîne solide qui constitue la communauté nationale  ». Elle constitue un «  outil de consolidation de la France  ». Pour le Rn, relancer la natalité «  française  » est nécessaire pour sauver l’identité nationale et éviter le recours à l’immigration. Sur le modèle du Hongrois Viktor Orban, qui attribue une aide de 30 000 euros aux jeunes couples qui font trois enfants, le Rn imagine un prêt de l’État de 100 000 euros à taux zéro pour les «  jeunes familles françaises  », qui serait «  transformé en subvention  » dès la naissance du troisième enfant.

Ce que défend le Rn, ce ne sont pas «  les droits des femmes  » comme le prétend Jordan Bardella, mais une certaine vision des femmes, mères de famille avant tout et limitées dans leurs libertés.

* Sociologie des électorats. Enquête Ifop sur les élections européennes de 2024.