Quand l’archéologie entre en Seine

Une exposition dans la Crypte archéologique de l’île de la Cité met au jour près de 150 objets, de la Préhistoire à nos jours, récoltés dans le fleuve et sur ses berges.

Édition 049 de fin avril 2024 [Sommaire]

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Tête de statue en marbre, XXe siècle. Brigade fluviale/Drac d’Île-de-France, service régional de l’archéologie. © Marc Lelièvre/Ville de Paris.

La Crypte archéologique de l’île de la Cité, sise au pied de Notre-Dame, recèle des vestiges du Paris antique, médiéval et de l’époque moderne révélés, entre 1965 et 1972, lors du creusement d’un parc de stationnement souterrain. Créée en 1974, la Crypte a été ouverte au public en 1980 et rattachée, en 2000, au musée Carnavalet-Histoire de Paris. L’institution, sur 2 200 mètres carrés, en consacre 1 800 à la présentation des vestiges archéologiques. 

Ouverte le 31 janvier 2024, l’exposition «  Dans la Seine  », riche de 150 objets issus de recherches et de collectes, rappelle les interactions entre l’homme et le fleuve depuis les temps les plus reculés. Plusieurs chercheurs ont contribué à la présentation de ces découvertes, accompagnées d’une iconographie variée et de restitutions numériques. 

Au Moyen-Âge, des armes, des ex-voto et des déchets

Il y a d’abord les témoignages d’installations humaines préhistoriques sur les berges du fleuve. L’Antiquité voit les premiers aménagements entrepris par les Romains. Le Moyen-Âge et la période moderne recueillent des armes, des ex-voto mais aussi des déchets. De nos jours encore, des trouvailles fortuites livrent des armes et des fragments d’architecture. 

L’exposition ne s’en tient pas à Paris intra-muros. Elle explore également la Seine en amont et en aval, évoquant ses sources en Bourgogne, une pêcherie antique dans l’Aube, ainsi qu’un site paléolithique à Clichy-la-Garenne. C’est fou ce qu’on peut trouver dans la Seine, hormis les vieilles bicyclettes et autres encombrants, tels les noyés assassinés ou les désespérés de tous temps.

«  La Joconde du suicide  »

Statuette de chevalier ou de guerrier, alliage de plomb. Époque moderne. © Paris musées/musée Carnavalet-Histoire de Paris.

À ce point s’impose une incise, hors de l’exposition proprement dite. Je veux parler de «  l’inconnue de la Seine  », cette jeune femme non identifiée, dont le masque mortuaire – souriant, les yeux clos – retrouvé dans l’eau, a enflammé durablement l’imagination des poètes, en France et à l’étranger. Aragon, pour sa part, vit en elle «  la Joconde du suicide  ». 

Fermons la parenthèse. Certains des objets sélectionnés sont d’ordre utilitaire. Il s’agit d’outils, de dispositifs destinés à aménager la nature, d’armes pour la chasse ou le combat. D’autres objets, dotés d’une fonction magique, s’adressent à la protection du fleuve, comme divinité ou comme médiateur auprès de puissances supérieures. 

Fragments concrets de la vie d’hommes et de femmes 

Chaque objet livre, de la sorte, des fragments concrets de la vie d’hommes et de femmes en relation avec la Seine, depuis les chasseurs de Néandertal jusqu’aux successives populations de Paris en des temps de piété et de superstition.

Les préoccupations de jadis ne rejoignent-elles pas, au fond, les nôtres, qui consistent à composer avec l’environnement, à exploiter raisonnablement la Seine, à la surveiller, à l’honorer, à la protéger  ? Au fait, on ne sait pas si Anne Hidalgo pourra se baigner dans la Seine, comme elle en a fait le vœu. Du moins, le fleuve doit-il être, en juillet, le somptueux théâtre inaugural des Jeux olympiques et paralympiques.

La Seine n’était navigable que quatre à six mois par an 

Au milieu du XIXe siècle, la municipalité parisienne entreprend des travaux de curage et de dragage de la Seine, en vue d’en rehausser les quais et d’installer des écluses. Il fallait améliorer la navigation dans la capitale en augmentant la hauteur d’eau, la Seine n’était navigable que quatre à six mois par an.

Dès 1849, des bateaux ont dragué les zones ensablées par les sédiments. Le sable extrait a été utilisé pour la maçonnerie des quais. Des objets y ont alors été découverts. D’autres collectes ont eu lieu dans le lit du fleuve quasi à sec. Dans la vase, des chiffonniers, baptisés «  ravageurs  », ramassaient tout ce qui était recyclable ou revendable, ce qui favorisait un marché de seconde main, à base de vols et de rebuts, portant parfois sur des objets remarquables, dont certains se retrouveront dans des collections d’antiquaires et de musées.

Tête masculine, ex-voto, calcaire. Époque gallo-romaine. Don de Henry Corot en 1954. © Bruce Aufrère/TiltShifer/Musée archéologique de Dijon