L'Édito -  À qui faire confiance ?

Par Fabienne Tatot, secrétaire nationale de l’Ugict-Cgt

Une récente enquête témoigne d’une forte baisse de confiance dans les institutions politiques et dans l’avenir en général. Les valeurs de solidarité sont aussi en recul. Rayon de soleil dans cette atmosphère inquiétante : l’attachement au syndicalisme et aux services publics. Un encouragement à persévérer dans nos luttes et nos revendications.

Édition 049 de fin avril 2024 [Sommaire]

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Les citoyennes et citoyens ont de moins en moins confiance dans les institutions, les élu·es et le système démocratique. C’est le bilan que dresse le dernier baromètre « En quoi les Français ont-ils confiance aujourd’hui ? », réalisé par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).

De précieuses informations pour comprendre l’état d’esprit des Français·es face à un gouvernement qui impose de manière autoritaire sa politique antisociale, qui stigmatise les jeunes, les immigré·es, les chômeur·ses, les fonctionnaires… C’est aussi l’occasion de rappeler en quoi le développement d’un syndicalisme de transformation sociale et de rassemblement, tel que nous le portons à la Cgt, est plus que jamais indispensable pour répondre aux préoccupations et aux attentes du monde du travail.

Le malaise démocratique et les tensions sociales se sont amplifiés

Seuls 31 % des participant·es à l’enquête se déclarent satisfaits de leur vie, soit un recul de 3 points par rapport à l’année précédente. Le baromètre confirme une baisse générale de la confiance des citoyen·nes, que ce soit dans les institutions, les élu·es, le système démocratique, mais aussi dans la méritocratie, vantée dans des discours en forte contradiction avec la réalité vécue.

Près de 68 % des répondant·es déclarent que la démocratie ne fonctionne pas très bien ou pas du tout et le désintérêt pour la politique monte à 49 % (+ 3 points). La défiance à l’égard du gouvernement est encore plus forte : il n’obtient que 28 % de confiance. L’Assemblée nationale et l’institution présidentielle affichent des scores tout aussi catastrophiques : 69 % et 67 % de défiance. Alors que les élections européennes se dérouleront le 9 juin, moins d’un tiers des répondant·es font confiance au Parlement de Strasbourg.

La tentation d’un régime autoritaire

Malgré ses insuffisances actuelles, la démocratie comme système politique est toujours largement plébiscitée (83 %), mais l’idée qu’un « homme fort » (34 % d’approbation) voire que l’armée (23 %) puissent diriger la France progresse de 5 et de 4 points. La stigmatisation des groupes sociaux déjà en difficulté s’accentue : 59 % (+ 3 points) pensent que les chômeurs pourraient « trouver du travail s’ils le voulaient vraiment », et 61 % (+ 1 point) qu’il y a « trop d’immigrés ». En parallèle, les discours visant à « libérer » les entreprises font reculer l’idée de contrôle et de réglementation par l’État.

Rares points de satisfaction : de moins en moins de personnes considèrent qu’il faut réduire le nombre de fonctionnaires – 42 %, contre 56 % en 2014 – notamment depuis la crise Covid. Le baromètre mentionne également une progression du niveau de confiance dans les syndicats, désormais deux fois supérieur à celui des partis politiques (40 % contre 20 %). Une reconnaissance de leur rôle dans le mouvement de défense des retraites ?

Le dogmatisme libéral conduit dans une impasse politique, sociale et climatique

Cette crise de confiance générale résulte de l’absence d’écoute des attentes de la société, qui conduit l’extrême droite aux portes du pouvoir en France comme en Europe. Le gouvernement, arc-bouté sur sa conception libérale de l’économie, veut déconstruire notre modèle social et le remplacer par celui de la « start-up nation ». Il prend appui sur la politique d’austérité réactualisée en décembre par les 27 ministres des Finances de l’espace européen, qui nous impose de réaliser 50 milliards d’économies d’ici à 2027. Mois après mois, il coupe dans les dépenses publiques en réformant notre système de retraite, puis Pôle emploi devenu France Travail, et aujourd’hui l’assurance-chômage, mais aussi l’école, la santé…

Il faut pour cela des administrations aux ordres et des cadres sur sièges éjectables. Rien de mieux pour cela que de programmer l’extinction du statut de la fonction publique, déjà bien entaillé par l’individualisation des parcours professionnels, la rémunération au mérite et la mise sous contrôle politique des déroulements de carrière des cadres supérieur·es. 

Il s’agit également de faire les poches des salarié·es en ponctionnant les réserves financières des régimes paritaires comme l’Agirc-Arrco. Pour satisfaire les intérêts privés, Emmanuel Macron et le gouvernement Attal veulent moins de normes, moins de contraintes règlementaires, moins d’objectifs, quitte à sacrifier les engagements de la France dans la lutte contre le dérèglement climatique.

Face aux crises, des propositions de progrès social

Réorienter les politiques européennes pour qu’elles prennent en considération les besoins sociaux et du travail est donc une bataille essentielle à mener. L’Ugict-Cgt y prend part au travers d’Eurocadres, actuellement présidé par Nayla Glaise.

Les baromètres Ugict-Cgt réalisés en 2023 mettent en lumière les attentes sociales des cadres et des professions intermédiaires. Nos résultats révèlent un sentiment de déclassement et de dégradation des conditions de travail, en particulier dans la fonction publique, alors que les maigres augmentations salariales ou de primes ne compensent pas l’inflation. 

Pour y remédier, l’Ugict-Cgt propose d’indexer les salaires sur l’inflation, d’encadrer la charge de travail, de reconnaître les qualifications et l’expertise acquise, de faciliter l’accès à la formation continue, de sécuriser l’emploi face aux licenciements abusifs, et de renforcer le dialogue social. Des propositions pour un progrès social indispensable face aux crises, et à l’opposé des derniers projets du gouvernement.