La syndicalisation était en baisse en France en 2019, mais…

Dans sa dernière enquête, portant sur la période 2013-2019, la Dares a décompté 10,3 % de salariés déclarant adhérer à une organisation syndicale, soit une baisse de près de 1 point en six ans. Une situation toutefois contrastée selon les secteurs. Explications.

Édition 026 de fin février 2023 [Sommaire]

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Malgré une baisse tendancielle, les mobilisations actuelles semblent générer une vague de nouvelles adhésions. © BELPRESS/MAXPPP

L’édition de février 2023 des Analyses de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail dévoile différents données sur l’engagement syndical des salariés français sur une période de six ans. Elles mettent en évidence une baisse quasi générale du nombre de syndiqués, avec toutefois quelques exceptions dans certains secteurs, comme les banques et assurances.

Un reflux global entre 2013 et 2019

Le reflux est plus prononcé dans le secteur public, même si ce dernier continue d’être davantage syndiqué, à 18,4  % (– 1,4 point par rapport à 2013) contre 7,8  % dans le privé (– 0,9 point). Au niveau des professions, c’est dans l’enseignement (– 1,6 point), les transports (– 1,5 point) et la logistique (– 1,5 point) que la syndicalisation recule le plus. Avec 10,9  % de syndiqués en 2019, contre 12,2  % en 2013, l’industrie baisse aussi de 1,3 point.

La fonction publique, bastion de la syndicalisation, est sous pression des emplois non titulaires. Les cadres restent les plus syndiqués en 2019, à 20,8  % (en baisse de 2,7 points), alors qu’ils représentent 21  % des effectifs du secteur public. Ce recul de la syndicalisation « s’accompagne d’une plus faible participation des salariés aux élections professionnelles et aux activités syndicales » selon l’étude de la Dares.

… mais des secteurs en croissance

Certains secteurs résistent bien toutefois. En 2019, les activités financières et d’assurance affichaient un taux de syndicalisation de 16,9  % plus de deux fois supérieur à la moyenne du secteur privé, en progression de 4 points en six ans… La Dares y voit deux causes  : d’une part la numérisation croissante, qui pousserait les salariés à se syndiquer pour défendre leur emploi et qualification  ; d’autre part le développement d’un «  syndicalisme de service  » par les organisations représentatives.

La syndicalisation progresse aussi de 1,8 point dans le secteur de l’hébergement-restauration, pour atteindre 5,9  %. Ici c’est la pyramide des âges des employés du secteur qui jouerait sur le rapport aux syndicats  : en effet, les plus de 40 ans – plus syndiqués que les autres tranches d’âge – représentaient 45,2  % des salariés du secteur en 2019 (+ 10 points par rapport 2013).

La hausse de la syndicalisation dans ces deux secteurs détone dans cette enquête de la Dares, et permet de tirer différentes conclusions.

Influence de la concurrence, de la précarité et de la numérisation

L’environnement technique et technologique dans lequel évoluent les salariés a un impact. Dans le secteur financier et assurantiel, la fragilisation de l’emploi et des qualifications, du fait de la numérisation et de l’automatisation, a poussé les salariés à rejoindre les syndicats pour défendre leurs métiers, et peut-être aussi pour reprendre la main sur le partage de la valeur ajoutée.

Mais il y a aussi un autre facteur d’importance  : la précarité… Le second secteur pour la syndicalisation, les transports (16,5  % en 2019), a subi une baisse de 1,5 point. La Dares y voit l’effet d’une concurrence accrue qui frappe tant les entreprises publiques – avec filialisation et privatisation – que privées, fragilisant les organisations syndicales.

La stabilité de l’emploi et l’«  insertion régulière dans un collectif de travail  » sont des «  facteurs favorables à l’adhésion syndicale ». Le temps complet, le Cdi, la titularisation dans la fonction publique favorisent la syndicalisation.

Cette baisse tendancielle est remise en question par les adhésions que les syndicats annoncent avoir réalisées à l’aune du mouvement contre la réforme des retraites. Pour le seul mois de janvier 2023, ce sont plusieurs dizaines de milliers d’adhésions qui sont annoncées par les organisations syndicales, dont 10 000 pour la seule CGT.

Contrats courts et à durée limitée

Le recours croissant aux contractuels dans le secteur public, et aux Cdd dans le privé, avant une « stabilisation statutaire », impacte négativement la syndicalisation, au détriment de l’ensemble des salariés. Dans le secteur public, 4,2 % des contractuels courts étaient syndiqués en 2019, contre 21,6 % des titulaires et agents en Cdi. Dans le secteur privé, le taux de syndicalisation des salariés en contrat à durée limitée est de 1,6 %, alors que celui des Cdi s’élève à 9 %.