L'Édito -  Salaires  : le ras-le-bol des cadres  !

L’exaspération des personnels d’encadrement sur la question des salaires est en train de rejoindre celle des autres composantes du salariat. C’est assez rare pour mériter d’être souligné.

Édition 003 de mi-février 2022 [Sommaire]

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© Nicolas Marquès
L’exaspération des personnels d’encadrement sur la question des salaires est en train de rejoindre celle des autres composantes du salariat. C’est assez rare pour mériter d’être souligné.

Et on comprend aisément pourquoi  : clairement, ce n’est pas la crise pour tout le monde.

Le volume de dividendes distribués aux actionnaires bat des records historiques et prospère sur la baisse des salaires, en montant ou en pouvoir d’achat, dans le secteur privé comme dans le secteur public, où les fonctionnaires subissent depuis douze années le gel de leur traitement indiciaire sous couvert de réduction des dépenses publiques pour en réalité réduire  l’imposition des sociétés.

En 2021, les entreprises ont distribué près de 70 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit 10 milliards de plus qu’en 2019, qui était déjà une année record. On comprend maintenant l’usage réel des aides publiques et exonérations diverses dont les cadres constatent l’enregistrement dans les comptes des sociétés pour qu’elles atterrissent, in fine, dans la poche des actionnaires.

Le monde du travail est à la peine pendant que les actionnaires sont à la fête  !

De par leurs fonctions, les ingénieurs, cadres, techniciens, agents de maîtrise et professions intermédiaires ne sont pas dupes de ces stratégies.

Aussi n’acceptent-ils  plus leur exclusion de mesures salariales que les entreprises concentrent depuis des décennies sur les plus bas salaires.

À cet égard, l’indemnité inflation a ajouté de l’huile sur le feu  : comme si l’inflation était un phénomène ponctuel justifiant une mesurette elle-même ponctuelle. Il n’échappe pas aux personnels d’encadrement que les aides fiscales et les exonérations sociales dont bénéficient les entreprises n’ont, elles, rien de ponctuel.

La condition de ressources exigée a également accru le mécontentement  : l’inflation affecte tous les salariés, ingénieurs, techniciens, cadres compris.

Or, à  force de ne faire que pour les petits salaires, on finit pas ne fabriquer que des petits salaires.

C’est ce que nous disent les travaux de l’Insee  : en 2018, le salaire annuel net moyen des cadres n’avait pas retrouvé en euros constants (c’est-à-dire en pouvoir d’achat) son niveau de 2001. Quant aux professions intermédiaires, leur salaire a stagné sur toute la période. En 2020, dans le secteur privé, la pandémie s’est traduite par un effondrement du salaire moyen, qui a reculé de 4,6 %  ! Pas seulement à cause du chômage partiel, mais aussi en raison de la baisse ou de la suppression de la part variable des salaires, qui est une composante essentielle de la rémunération des cadres et assimilés.

Pour le bien commun, l’Ugict-Cgt considère qu’il y a urgence à augmenter le salaire des ingénieurs, cadres, techniciens et professions intermédiaires.

C’est indispensable pour soutenir la consommation et donc l’activité et l’emploi. C’est indispensable pour débloquer les grilles de rémunération au profit de l’ensemble des salariés. Les entreprises tirent argument de la stagnation ou baisse du salaire des ingénieur·e·s, cadres et technicien·ne·s pour réduire à la précarité salariale les ouvrier·e·s et employé·e·s tout en appelant à la rescousse l’État.

Aussi nous avançons 4 propositions pour remettre à niveau tous les salaires  :

1/ toute augmentation des premiers échelons des grilles salariales doit être répercutée, par effet domino, sur l’ensemble de la grille. Ce qui revient à rétablir l’échelle mobile des salaires.

2/ Relever les salaires d’embauche des jeunes diplômés et réhabiliter la reconnaissance salariale de la qualification et de l’exercice des responsabilités.

Le Cereq (Bref 382 de 2019) observe une baisse drastique des salaires d’embauche entre les générations 1998 et 2010.  Au bout de sept ans d’activité, le salaire médian d’un jeune diplômé du supérieur de 2010 (bac + 3  et au-delà) est inférieur au salaire médian de son homologue de 1998.

3/ Une remise à niveau immédiate du salaire des femmes pour supprimer tout écart avec les hommes.

Cette situation impose une remise à niveau de l’ensemble des salaires des jeunes diplômés.

Nous proposons qu’un jeune diplômé bac+ 2 démarre avec 1,6 Smic porté à 2 000 euros et qu’un bac + 8 (doctorant) perçoive 2,3 Smic. À l’issue des 20 premières années de carrière  ; le salaire doit avoir doublé.

Parmi les ouvrier·e·s et employé·e·s, en équivalent temps plein, le salaire moyen des hommes est supérieur de 10 % à celui des femmes. Chez les ingénieur·e·s, cadres et technicien·ne·s,  l’écart est  de 20 %, soit le double (Source Agirc-Arrco, note DT 2020-40).

Cette situation est à la fois une injustice criante et un préjudice pour le financement de la protection sociale  : selon les travaux produits par l’ensemble des organismes de protection sociale, l’égalité salariale permettrait d’effacer l’essentiel de leurs déficits.

4/ La transformation des parts variables de salaire en rémunération fixe pour garantir le montant du salaire des cadres et assimilés, y compris en période de récession.

Sylvie Durand