Par Nayla Glaise, présidente d’Eurocadres
Alors que l’automne commençait (enfin) à se faire sentir à Bruxelles, nous avons fait pression, en novembre, pour que les dossiers soient conclus et, dans certains cas, démarrent.
Dans notre précédente chronique, nous avons évoqué notre travail sur l’égalité des sexes, après avoir participé à une importante consultation des parties prenantes au Parlement européen sur la directive relative à la lutte contre la violence domestique et les violences faites aux femmes. Comme nous l’avons expliqué, 2022 a été une année étonnamment progressiste dans la lutte pour la parité hommes-femmes, la Commission Von der Leyen ayant tenu sa promesse de placer le genre au cœur des discussions politiques en Europe.
Cependant, l’un des dossiers clés, la directive sur la transparence des salaires entre hommes et femmes, s’est heurté à un certain nombre d’obstacles dans les négociations en cours en « trilogue ». Bien que 403 députés européens aient donné un mandat fort à l’équipe de négociation en avril, sous la présidence tchèque, les progrès ont été inexistants, les rapporteurs signalant ouvertement que des négociations difficiles les attendaient. Alors qu’aucune date n’a été fixée pour la prochaine réunion du trilogue, le chemin apparaît bien long pour aboutir à cette directive…
Objectif 40 % de femmes dans les conseils d’administration
Tout ceci se déroule sur fond d’inégalités existantes et persistantes, soulignées lors de la Journée de l’égalité salariale, le 15 novembre. En moyenne, les femmes sont payées 13 % de moins que les hommes, le 15 novembre représentant le jour à partir duquel les femmes travaillent « gratuitement » pour le reste de l’année. Comme nous l’avons toujours dit, les déclarations sur des dates importantes comme celle-ci ne signifient rien sans action pour résoudre cette inégalité.
Dans un développement plus positif, le Parlement européen a tenu son dernier vote et débat sur la directive sur les femmes dans les conseils d’administration, avant que le texte ne soit promulgué le mercredi 23 novembre. La directive, qui avait été bloquée par le Conseil pendant une décennie, introduira une procédure ouverte et transparente pour garantir un minimum de 40 % de femmes dans les conseils d’administration non exécutifs des entreprises de l’Union européenne d’ici à 2026. Pour les États membres, elle introduit des quotas dans les conseils d’administration et les conseils non exécutifs, l’exigence minimale globale étant de 33 %. Les États membres seront également contraints de prendre des mesures d’application, en mettant en place un système de sanctions pour les entreprises qui ne respecteront pas la nouvelle législation.
Pour l’augmentation des salaires et la taxation des bénéfices
En ce qui concerne l’action, le 9 novembre a été une journée importante pour les syndicats belges, avec une grève nationale pour protester contre la hausse du coût de la vie, la suppression envisagée de l’indexation des salaires sur l’inflation et la nécessité d’un impôt sur les bénéfices. Avec la participation de dizaines de milliers de travailleurs, un message clair a été envoyé : l’augmentation des salaires et la taxation des bénéfices sont la seule solution à la crise du coût de la vie, la protection de l’indexation devant être équilibrée avec l’exigence que les salaires correspondent à la réalité économique.
Eurocadres a été heureux de soutenir nos collègues qui ont participé à la manifestation et nous sommes convaincus qu’ils pourront garantir aux travailleurs de toute la Belgique les droits qu’ils méritent à l’issue des prochaines négociations avec le gouvernement fédéral.
Le rapport d’entreprise sur la durabilité
Toujours en novembre, la plénière du Parlement européen a adopté la directive sur les rapports d’entreprise sur la durabilité (CSRD, pour Corporate Sustainability Reporting Directive), avec 525 voix pour, 60 voix contre et 28 abstentions. Dossier crucial pour garantir un fonctionnement éthique des entreprises, la directive les rendra plus responsables devant le public en les obligeant à divulguer régulièrement des informations sur leur impact sociétal et environnemental.
Ainsi, toutes les grandes entreprises de l’Ue devront divulguer des données sur l’impact de leurs activités sur les personnes et la planète. Cette mesure vise à mettre fin à l’écoblanchiment et à jeter les bases de normes mondiales en matière de rapports. Les nouvelles règles s’appliqueront à toutes les grandes entreprises, qu’elles soient cotées en bourse ou non. Les entreprises non européennes dont le chiffre d’affaires dépasse 150 millions d’euros dans l’Ue devront se conformer à ces règles, ainsi que les Pme cotées en bourse – avec cependant un délai supplémentaire pour s’adapter aux nouvelles règles.
S’exprimant avant le vote, le rapporteur français Pascal Durand a déclaré que « l’Europe montre au monde qu’il est effectivement possible de faire en sorte que la finance, au sens étroit du terme, ne régisse pas l’ensemble de l’économie mondiale ». Eurocadres se félicite de l’adoption de cette directive.
Vigilance des entreprises en matière de développement durable
Nous avons également vu le projet de rapport du Parlement européen sur la directive relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de développement durable (CSDD, pour Corporate Sustainability Due Diligence). Publié par la rapporteuse Lara Wolters, il suggère un certain nombre de modifications à la directive proposée par la Commission. L’implication des syndicats dans le processus n’est pas encore garantie, ce qui est pourtant crucial.
Eurocadres a déjà salué la proposition tant attendue, en particulier parce qu’elle promeut la culture du Do no harm (« agir sans nuire ») dans les entreprises du monde entier et fait des références positives au cadre de l’Ocde et aux Principes directeurs del’Onu relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, tout en incluant les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail.
Nous n’avons cependant pas été les seuls à chercher à améliorer le texte. Avec 137 pages d’amendements, le Parlement est maintenant confronté à un long processus de consolidation et d’approbation de la proposition actualisée avant les négociations en trilogue, qui ne manqueront pas de soulever des difficultés entre les trois institutions.
Au congrès syndical mondial de Melbourne
Malgré cela, un mandat ambitieux doit être recherché par l’équipe du Parlement, étant donné la nécessité, pour les entreprises, d’accepter la responsabilité de leur impact tout du long des chaînes de valeur et sur la société en général. Alors que les changements dans le monde du travail se sont accélérés après la pandémie, et que la société civile appelle à une plus grande responsabilisation du monde des affaires, l’occasion se présente d’aboutir à un texte historique, qui ne pourra être amélioré qu’avec une implication étroite des syndicats.
Le 5e congrès mondial de la Confédération syndicale internationale (Csi) s’est déroulé du 17 au 22 novembre à Melbourne, en Australie, réunissant les délégués de plus de 300 organisations pour définir l’agenda syndical mondial. J’ai été ravie de représenter la Cgt et Eurocadres au congrès, en mettant en avant certaines de nos campagnes en Europe, tout en rencontrant des collègues du monde entier également engagés dans des actions importantes. Après plusieurs jours de discussions animées, nous pouvons nous attendre à un programme chargé pour les années à venir, avec un élan en faveur des appels, entre autres, à la protection de la santé mentale des travailleurs et à l’établissement d’une véritable parité entre les sexes.