Le radar environnemental de l’Ugict-Cgt, outil à déploiements multiples
Les entreprises ne mesurent pas l’urgence à modifier leur impact climatique : les salariés veulent diagnostiquer tout ce qui peut et doit être mieux fait.
Si les entreprises ne mesurent pas l’urgence à modifier leur impact climatique, les salariés, eux, veulent diagnostiquer tout ce qui peut et doit être mieux fait.
Action ! Désormais, chaque geste va peser dans la lutte contre les dérèglements climatiques. Compte tenu de leur impact sur l’environnement, les entreprises disposent de leviers déterminants, d’autant que certaines jouent leur avenir et celui de leurs salariés si elles ne font rien, à part croiser les doigts pour que la planète reste viable et inépuisable. L’Ugict-Cgt, convaincue qu’on ne peut plus défendre séparément les causes sociales et environnementales, a élaboré un outil de diagnostic et d’intervention à usage des salariés. Fabienne Tatot, secrétaire nationale du syndicat, pilote ce projet de « radar environnemental », en construction depuis 2019, avec le soutien de l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) et du cabinet Secafi. Mi-juin, elle a présenté devant la Commission exécutive de l’Ugict les deux questionnaires qui permettent de le mettre en œuvre dès cet été, après des expérimentations dans trois groupes, Thalès, ST Micro et Saint-Gobain.
Déjà explicitées, les motivations du projet n’éludent pas le fait que la bataille des prises de conscience n’est pas totalement gagnée, mais il y a urgence à passer au déploiement concret. « Le radar existera sous la forme de deux questionnaires distincts. Le premier à l’usage des syndicats, où il s’agira de bien identifier l’entreprise, la nature de ses activités, la chaîne de valeur impliquée, à tous points de vue : les compétences et pratiques quotidiennes des salariés, celles des partenaires et sous-traitants en France ou ailleurs, les ressources, les déchets générés par l’activité, les bilans sociaux et bilans carbone, la stratégie de l’entreprise, etc. Le second réservé à chaque salarié, à partir de la perception de son propre travail, de sa « micro-expertise » et des améliorations qu’il pense pouvoir apporter à la nature et à l’organisation du travail et des activités.
Il s’agit d’accompagner cette démarche de radiographie du travail et de l’entreprise, en incitant les répondants à s’approprier l’outil à partir de leur expérience professionnelle, et d’en faire une chambre d’écho des alternatives qu’ils jugent souhaitables. « Nous faisons le pari que les Ictam, du fait de leur position dans le travail, seront plus facilement disposés à penser les changements indispensables. Ils occupent des postes où ils disposent d’autonomie et de marges d’action individuelles, où ils maîtrisent un ensemble de compétences techniques, où ils disposent d’une certaine visibilité et de recul sur l’ensemble de la chaîne de production et de valeur, y compris à l’international. »
S’approprier les outils de la transition écologique pour changer le travail
Ils sont aussi plus souvent sensibilisés et demandeurs de nouvelles solutions plus compatibles avec leur éthique personnelle et professionnelle. C’est encore plus perceptible chez les jeunes diplômés, comme le souligne Antoine Trouche, jeune ingénieur diplômé du Conservatoire national des Arts et métiers, syndiqué, mais aussi militant du collectif « Pour un réveil écologique », qui a participé à la phase de finalisation du radar environnemental.
« Notre réseau est parti des grandes écoles d’ingénieurs et commence à s’étoffer dans l’enseignement supérieur. Nous avons déjà contribué à faire que les problématiques environnementales soient intégrées aux cursus de tronc commun dans de nombreuses grandes écoles. Nous sommes également sollicités par les entreprises, dont certaines ont du mal à embaucher parmi les diplômés des grandes écoles du fait de pratiques peu responsables à l’égard de l’environnement, quand elles ne traitent pas ces enjeux par le biais du greenwashing. Désormais présents parmi les salariés, nous avons besoin d’outils comme le radar environnemental de l’Ugict pour peser. Je fais partie de ceux qui pensent que le syndicalisme est le relai logique avec le monde associatif et les Ong. Il faut y adhérer pour investir les instances représentatives du personnel, et utiliser tous les outils règlementaires et juridiques également à notre disposition pour faire valoir une autre conception du travail et de l’activité économique. »
La phase d’appropriation de l’outil est donc lancée, et l’Ugict va déployer ses forces pour faciliter les étapes de sa mise en œuvre : kit d’utilisation et hot line sur un site dédié, webinaires, conférences, sessions de formations syndicales spécifiques pour mieux connaître les textes existants, en France (autour des textes relatifs à la Responsabilité sociale des entreprises notamment) et en Europe, qui doivent déjà permettre aux salariés, en particulier aux élus des CSE et bientôt des CSA dans le secteur public, de faire valoir les droits d’intervention et de proposition des salariés. L’Ugict ne se fixe aucune limite : les interventions de la Commission exécutive en ont témoigné, il faut déployer l’outil dans l’ensemble du monde du travail, car toutes les activités ont un impact environnemental, y compris dans le tertiaire, les collectivités territoriales, les services publics ou les services de l’État, où l’activité consiste à définir et conduire des politiques publiques, à élaborer des règlementations, à contrôler l’application des normes. « D’autant que c’est un outil concret pour regagner la maîtrise du contenu et de la finalité du travail et faire valoir un droit d’alerte et d’alternative, toutes catégories confondues, et un point d’appui pour construire une action collective » poursuit Fabienne Tatot.
Ce sera long et complexe : il ne s’agit plus de supprimer les touillettes de la machine à café, mais bien d’aller jusqu’à questionner le management, les pratiques et les stratégies des entreprises, pour infléchir les modèles. Y compris s’il faut transformer les activités, voire en reconvertir certaines. C’est aussi faire preuve de responsabilité et de « sens de l’histoire » : un emploi qui à terme peut s’autodétruire n’est pas un emploi d’avenir.
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