Depuis quelques années, c’est pour l’avenir de la jeunesse qu’il faudrait réformer les retraites. Dans Pour une politique de la jeunesse, Camille Peugny, professeur de sociologie, montre comment la jeunesse est progressivement devenue une caution pour l’agenda néolibéral consistant sans cesse à administrer de douloureuses potions. Annoncer faire ainsi les réformes en leur nom relève d’un paradoxe, alors que rien, concrètement, n’est fait pour elle. Il n’y a d’ailleurs pas une jeunesse, mais des jeunesses, traversées d’inégalités, dont le point commun toutefois est d’être frappées par la précarité : en 2019, parmi les moins de 25 ans, 55 % des jeunes en emploi exerçaient ainsi leur métier en Cdd, contre 20 % au début des années 1980. Si le taux de chômage des jeunes actifs, de l’ordre de 25 %, est structurel, le marché du travail se précarise, de fait, par eux.
Camille Peugny propose de réfléchir à ce que doit être le temps de la jeunesse dans nos sociétés vieillissantes. Quelle place doit-on lui faire dans le contexte de parcours de vie qui s’allongent ? Comment font les autres en Europe ? Quels enseignements en tirer ? En introduction, il défend l’idée que cet âge de la vie constitue une période de fragilité qui, à l’instar du grand âge, nécessite en effet une intervention forte de l’État. Plus personne ne trouverait aujourd’hui raisonnable de laisser au seul marché ou à la seule famille le soin d’accompagner les plus âgés. Pourquoi l’accepterait-on pour la jeunesse ?
Cela suppose d’opérer une révolution philosophique en considérant qu’on est pleinement citoyen à 18 ans. Et cette perspective change tout si l’on veut construire une vraie politique de la jeunesse qui, pour l’auteur, doit être centrée sur deux objectifs : d’abord contenir les inégalités entre les générations, toujours près de se creuser dans les sociétés vieillissantes ; ensuite et surtout lutter contre la reproduction des inégalités entre les générations et les clivages qui fracturent la jeunesse.
Camille Peugny, Seuil, janvier 2022, 128 pages, 11,80 euros.
Protection sociale : brouillage public-privé
C’est au rôle des assurances privées dans le secteur de la santé que s’intéresse l’Ires (Institut de recherches économiques et sociales) dans un numéro spécial (no 103-104) de sa Revue. Celle-ci propose un regard croisé entre la France et les États-Unis, deux pays qui se distinguent pourtant aussi bien par leur trajectoire historique que par l’organisation de leur système de santé. S’il est financé par des ressources publiques dans le premier, il l’est par des acteurs et assureurs privés dans le second, sauf pour quelques populations très ciblées. Et pourtant : le travail restitué dans cette publication met en évidence des points de rapprochement de part et d’autre de l’Atlantique : il y a bien « une même tendance au brouillage de la frontière public-privé en matière d’assurance santé […] », écrivent les chercheurs de l’Ires.
Ce brouillage, expliquent-ils, se réalise sans surprise « à la faveur de la rétraction de l’assurance-maladie obligatoire ». Ses conséquences sont déjà visibles avec une segmentation de la population – ce mouvement s’opérant en faveur des salariés des grandes entreprises –, une fragmentation des mécanismes de solidarité et, in fine, une aggravation des inégalités d’accès aux soins. Ce travail est à lire à l’aune du débat sur la proposition d’une « grande Sécu » et des travaux du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie sur l’articulation entre assurance-maladie obligatoire et organismes complémentaires.
Affaire Dreyfus, mai-juin 1968, mouvement de contestation de 2019-2020 contre la loi de programmation de la recherche : c’est notamment en prenant ces trois moments dans une perspective historique que Claude Gautier, philosophe, et Michelle Zancarini-Fournel, historienne, questionnent l’autonomie de l’université et des savoirs. Dans un entretien à Libération, ils alertent ainsi sur les intrusions de plus en plus fréquentes du politique dans la sphère académique, à l’instar de la participation du ministre de l’Éducation nationale à un récent colloque sur le « wokisme ».
Cela traduit, pour eux, une volonté de contrôle. Voire « de mise au pas » des universités et de la recherche, qu’illustre l’adoption, à marche forcée, de la loi de programmation de la recherche. Dans cet essai, Claude Gautier et Michelle Zancarini-Fournel proposent ainsi les voies pour restaurer la confiance dans les conditions d’exercice du métier de chercheur et de chercheuse. Leur objectif ? Aider à reconnaître que les savoirs, même critiques à l’égard de la réalité, « ne sont pas une menace mais une ressource aidant à transformer notre rapport au monde ».
Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience lorsque vous naviguez sur le site web. Parmi ces cookies, les cookies classés comme nécessaires sont stockés sur votre navigateur car ils sont essentiels au fonctionnement de fonctionnalité...
Les cookies nécessaires sont absolument essentiels pour que le site web fonctionne correctement. Cette catégorie ne contient que des cookies qui garantissent les fonctionnalités de base et les fonctionnalités de sécurité du site web.
Ces cookies ne stockent aucune information personnelle.
Les cookies déposés via les services de partage de vidéo ont pour finalité de permettre à l’utilisateur de visionner directement sur le site le contenu multimédia.
Ces cookies nous permettent d’obtenir des statistiques de fréquentation de notre site (ex : nombre de visites, pages les plus consultées, etc.).
Toutes les informations recueillies par ces cookies sont anonymes.