Fonction publique : revue de la jurisprudence récente
Au début de l’été 2024, le Conseil d’État a rendu des décisions relatives au temps de travail des fonctionnaires, ainsi qu’à l’attribution du régime indemnitaire durant une absence pour raison de santé des agents publics.
Le Conseil d’État rappelle les obligations applicables à la détermination du montant des indemnités bénéficiant à des fonctionnaires territoriaux, au titre des principes de parité avec les fonctionnaires de l’État et d’égalité entre agents publics
Un ingénieur principal territorial, occupant la fonction de directeur général des services techniques (Dgst) d’une commune, soutenait devant une cour administrative d’appel qu’en traitant différemment, d’une part les fonctionnaires en congé pour accident de service, pour lesquels était prévu le maintien du régime indemnitaire pendant la durée du congé, et d’autre part les fonctionnaires en congé pour maladie imputable au service, alors que leur situation est identique au regard de la finalité poursuivie, l’article 6 du règlement de service de ladite commune méconnaissait le principe d’égalité.
Pour écarter ce moyen, la cour a jugé que le maintien des indemnités qui sont attachées à l’exercice des fonctions, telles que l’indemnité spécifique de service (Iss) et la prime de service et de rendement (Psr), ici en litige, était interdit en tout état de cause pour les agents de la fonction publique de l’État et, par conséquent, pour ceux de la fonction publique territoriale, durant certaines périodes de congés, notamment ceux consécutifs à un accident de service ou à une maladie imputable au service, au nom du principe de parité.
Pour le Conseil d’État, saisi par le Dgst en cassation, « en statuant ainsi, alors, d’une part, que ce maintien est au contraire prévu pour les fonctionnaires de l’État placés en congé à raison d’un accident de service ou d’une maladie imputable au service […] et, d’autre part, que les fonctionnaires placés en congé pour accident de service et ceux placés en congé pour maladie imputable au service ne se trouvent pas dans une situation différente au regard de l’objet d’une règle relative à la rémunération au cours du congé, la cour a commis une erreur de droit ».
Conseil d’État, 4 juillet 2024, M. B., requête n° 462452.
Astreinte et temps de travail effectif
Le temps de déplacement accompli en cas de rappel sur astreinte doit être regardé comme un temps de travail effectif.
S’il appartenait au ministre de l’Intérieur, dans l’exercice de son pouvoir d’organisation des services de la police nationale, de préciser, dans le respect de la réglementation applicable, les modalités pratiques de mesure du temps de travail effectif des agents placés sous son autorité, s’agissant du temps de déplacement accompli en cas de rappel sur astreinte, l’introduction d’un mode de calcul forfaitaire de la durée du travail présente un caractère statutaire et ne peut donc être légalement édictée que par décret en Conseil d’État.
Dès lors, juge le Conseil d’État, en prévoyant, que le temps de travail des agents rappelés au service pendant une période d’astreinte est comptabilisé après l’arrivée au service et que le temps de trajet de ces agents entre le domicile et la résidence administrative est décompté forfaitairement à hauteur d’une heure, le ministre de l’Intérieur a incompétemment édicté une règle statutaire. Par suite, le refus d’abroger ces dispositions illégales est lui-même illégal et doit être annulé.
Conseil d’État, 25 juin 2024, M. A., requête n° 472381.
Durées maximales de travail et minimales de repos
La méconnaissance des garanties instituées tant par le droit de l’Union européenne que par le droit national, s’agissant des durées maximales de travail et minimales de repos, cause, par elle-même, un préjudice dont les intéressés peuvent demander la réparation.
Entre les mois de juin 2019 et février 2020, M. B., employé en qualité d’agent éducatif au sein de l’Institut départemental de l’enfance et de la famille géré par la Métropole de Lyon, avait dû reprendre à cinq reprises son service à 6 h 45 après n’avoir bénéficié d’un repos que d’une durée de moins de dix heures, inférieur donc à la durée minimale de douze heures prescrite par les dispositions de l’article 6 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 (relatif au temps de travail et à l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière).
En outre, il avait, entre le mois de janvier 2019 et le mois de février 2020, été amené à travailler à douze reprises pendant une durée excédant, en moyenne, de deux heures la durée quotidienne de travail maximale de douze heures prescrite par les dispositions de l’article 7 du même décret.
En première instance, le tribunal administratif, saisi par M. B., avait toutefois rejeté les demandes indemnitaires du requérant au titre de ces manquements, au motif qu’il se bornait à en réclamer une réparation forfaitaire, sans établir ni même alléguer qu’il aurait effectivement subi, du fait de l’irrégularité de son emploi du temps, des préjudices personnels.
Pour le Conseil d’État, la méconnaissance des garanties instituées tant par le droit, en matière de durée maximale journalière et hebdomadaire de travail et de durée minimale journalière et hebdomadaire de repos, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et à la santé des intéressés, en ce qu’elle les prive du repos auquel ils ont droit. Dès lors, cette méconnaissance leur cause, par elle-même et quelles que soient leurs conditions de rémunération, un préjudice dont ils peuvent demander la réparation, indépendamment de celle des autres préjudices qu’ils justifieraient avoir subis à raison de cette privation. Il en résulte qu’en statuant ainsi, le tribunal administratif a commis une erreur de droit
Conseil d’État, 18 juin 2024, M. B., requête n° 463484.
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