Berthe Morisot, héritière de peintres du XVIIIe siècle
Au musée Marmottan Monet, l’art délicat de cette compagne de route des impressionnistes, placé en vis-à-vis d’œuvres de Boucher, de Fragonard et de Watteau, la révèle dans toute sa grâce inspirée.
Berthe Morisot (née à Bourges en 1841, morte à Paris en 1895) fut d’abord élève de Joseph Guichard, qui était passé par les ateliers Delacroix et Ingres. Pour Guichard, ami de Corot, « le dessin est tout ». Au début, en 1863, Berthe Morisot peint des paysages près de Pontoise. Si elle rencontre Daubigny et Daumier, elle sera surtout liée au grand Édouard Manet, qui la représentera dans Le Balcon (1868, musée d’Orsay) et dont elle épousera le frère, Eugène, en 1874.
L’exposition « Berthe Morisot et l’art du XVIIIe siècle » rassemble 65 œuvres issues d’institutions françaises et étrangères, ainsi que de collections privées, dans le dessein d’illustrer les liens unissant la première femme impressionniste à l’art des maîtres du XVIIIe siècle, comme Antoine Watteau (1684-1721), François Boucher (1703-1770), Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), Maurice Quentin Delatour (1704-1788) et Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783), sans oublier les maîtres anglais Romney et Reynolds.
L’empreinte, dans son quotidien, de l’art du XVIIIe
De son vivant, Berthe Morisot n’a vendu que peu de ses œuvres, l’Américaine Mary Cassatt (1844-1926) était bien plus célèbre. Depuis les années 2000 cependant, plusieurs expositions monographiques ont installé l’artiste française à sa juste hauteur. L’exposition, à partir de recherches inédites, souligne des aspects méconnus de sa vie, elle qui, dès son plus jeune âge, évolua au sein d’une société marquée par l’art du XVIIIe.
Elle a beaucoup peint en plein air, à l’instar de Bazille, Monet et Auguste Renoir, qui lui fut un ami admiratif. Bien que régulièrement admise au Salon, elle a participé à la plupart des expositions impressionnistes. C’est vers 1880 que la peinture de Berthe Morisot se déploie le plus volontiers dans des scènes intimistes de la vie de tous les jours.
« Une pointe de XVIIIe exaltée de présent »
C’est à cette époque que son intérêt pour l’école française du siècle précédent se manifeste avec une fougue charmante, qui permettra au poète Stéphane Mallarmé de parler, au sujet de son style, d’« une pointe de XVIIIe exaltée de présent ».
Si la sphère impressionniste autorisa Berthe Morisot à éclaircir sa palette, elle ne dut qu’à son propre talent sa fraîcheur vigoureuse et si libre, ainsi que l’atmosphère de poésie « virginale » – dixit Renoir – qui imprègne si subtilement ses toiles.
De Renoir encore, parfait apôtre de la beauté, on ne résiste par à recopier ce vif éloge prononcé, en 1919, à l’adresse de Berthe Morisot : « Et quelle autre anomalie de voir apparaître, dans notre âge de réalisme, un peintre si imprégné de la grâce et de la finesse du XVIIIe siècle ; en un mot, le dernier artiste élégant et “féminin” que l’on ait eu depuis Fragonard… »
Elle avait le goût du sourire, de la gaieté, de la jeunesse…
Le XVIIIe siècle, dont Berthe Morisot fut, en son temps la fidèle interprète, lui avait donc légué le goût du sourire, de la gaieté, de la jeunesse, d’une certaine joie de vivre. Cela éclate dans ses portraits de jeunes femmes comme Paule Robillard en robe de bal (huile sur toile de 1887), ses tendres scènes de genre dont les Enfants à la vasque (1886) et LaFable (1883) ou ses scènes mythologiques d’après François Boucher, telle Vénus va demander des armes à Vulcain (1884).
Quand elle peint des fleurs en liberté, c’est l’enchantement du Jardin de Bougival (1884), avec son camaïeu de vert piqueté de rose et de jaune. La belle exposition comparatiste du musée Marmottan-Monet souligne de surcroît, à juste titre, que Berthe Morisot recourut volontiers au pastel, se montrant, là encore, parfaite disciple de ses devanciers du temps des Lumières.
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