« Il fait trop chaud pour bosser ! » Que dit le Code du travail ?
Au regard des conditions atmosphériques, le Code du travail prévoit des règles protectrices générales et des règles spéciales. Ces dispositions sont à connaître et à mobiliser. Cependant, sur de nombreux points, au regard du risque chaleur, lié aux conditions naturelles, la législation est à préciser et à compléter.
Avec le dérèglement climatique, vagues de chaleur et canicules sont plus fréquentes. Pour l’Institut national de recherche et de sécurité (Inrs), au-delà de 30 °C pour une activité sédentaire, et de 28 °C pour un travail nécessitant une activité physique, la chaleur peut constituer un risque professionnel ayant de graves effets sur la santé et augmentant les risques d’accidents du travail. Cela constitue un risque professionnel à l’égard duquel une politique de prévention doit être mise en œuvre, adaptée aux lieux de travail, aux professions et aux travailleurs concernés. Ce risque entraîne des dégradations de la santé – pénibilité accrue, malaises, perte de vigilance, stress thermique, etc. – pouvant aller jusqu’à la mort. Ds accidents du travail mortels « en lien possible avec la chaleur » ont été recensés notamment en 2022 et 2023.
Obligation légale de sécurité de l’employeur
L’employeur a une obligation légale : il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (Code du travail, art. L. 4121-1). L’employeur met en œuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention (art. L. 4121-2).
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances – notamment la situation climatique et les températures élevées – et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Évaluation des risques professionnels
L’employeur doit procéder à une évaluation des risques professionnels dans l’entreprise avec la contribution des représentants des travailleurs au comité social et économique (Cse) (art. L. 4121-3).
Il transcrit et met à jour dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp) les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise, y compris ceux liés aux ambiances thermiques, notamment le risque lié aux « fortes chaleurs » (art. R. 4121-1). Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe.
La mise à jour du Duerp est réalisée :
1) au moins chaque année dans les entreprises d’au moins 11 salariés ;
2) lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
3) lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque est portée à la connaissance de l’employeur.
Ces documents doivent donc être mis à jour au regard du risque de « fortes chaleurs ».
Consultation annuelle du Cse
Dans les établissements dotés d’un Cse, le Duerp est utilisé pour l’établissement du rapport annuel faisant le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise (L.2312-27-1°).
Accès au Duerp
Le Duerp et ses versions antérieures sont tenus, pendant une durée de quarante ans à compter de leur élaboration, à la disposition, notamment :
1) des travailleurs et des anciens travailleurs pour les versions en vigueur durant leur période d’activité dans l’entreprise ;
2) des membres de la délégation du personnel du Cse.
Politique de prévention dans l’entreprise
L’employeur doit définir et mettre en œuvre, après consultation des élus du Cse, une politique de prévention efficace pour protéger les salariés au regard du risque « fortes chaleurs », ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le Duerp comprend un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (Papripact) qui fixe la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir au regard de ces risques, et la liste des actions de prévention et de protection (entreprises de moins de 50 salariés). Ces documents sont mis à jour comme le Duerp.
Lieux de travail fermés
Dans les locaux de travail fermés, l’air est renouvelé de façon à éviter « les élévations exagérées de température » (cette disposition est à préciser).
La Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) préconise l’évacuation des locaux au-delà de 34 °C en cas d’« arrêt prolongé des installations de conditionnement d’air dans les immeubles à usage de bureaux ». L’employeur met à la disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche pour la boisson et au moins une boisson non alcoolisée.
Le télétravail peut être mis en œuvre au regard des conditions climatiques, c’est-à-dire sous réserve que les conditions de travail au domicile du travailleur ou dans un autre lieu de travail en commun ne soit pas plus difficiles que dans l’entreprise.
Lieux de travail extérieurs
Les postes de travail extérieurs sont aménagés de telle sorte que les travailleurs puissent rapidement quitter leur poste de travail en cas de danger et « dans la mesure du possible » soient protégés contre « les conditions atmosphériques » (Cf. notamment « les bases vie climatisées »). Ces dispositions sont à préciser notamment pour les travailleurs les plus exposés dans l’agriculture, dans le Btp, dans le traitement des déchets, dans les cuisines et boulangeries, etc.
Pour le secteur du bâtiment et des travaux public :
les entreprises doivent fournir de l’eau potable et fraîche pour la boisson, à raison de trois litres au moins par jour et par travailleur ;
en cas d’intempéries, après avis du comité social et économique (Cse), l’employeur peut décider l’arrêt du travail. Les salariés perçoivent alors une indemnisation. Sont notamment considérées comme intempéries, les conditions atmosphériques lorsqu’elles rendent « dangereux ou impossible l’accomplissement du travail eu égard soit à la santé ou à la sécurité des salariés, soit à la nature ou à la technique du travail à accomplir ». Cependant, seules sont visées les conditions atmosphériques liées au froid.
Réforme nécessaire du Code du travail
Selon une note de juin 2023 de France Stratégie, un service du Premier ministre, les dispositifs réglementaires en vigueur « restent néanmoins insuffisants car ils s’inscrivent dans une logique de gestion d’événements exceptionnels, au détriment d’une approche plus structurelle et systémique ».
Au-delà des précisions à apporter à différentes dispositions du Code du travail,il est indispensable de prévoir une température maximale de travail – de même qu’il existe une durée maximale absolue de travail de quarante-huit heures par semaine. Pour la Confédération européenne des syndicats (Ces), au regard de l’insuffisance des législations nationales, « la crise climatique appelle une législation de l’Union européenne sur les températures maximales de travail ». Cette réforme du Code du travail doit être effective avant les prochaines vagues de chaleur de l’été 2024, pour préserver la santé des travailleurs.
La dégradation de la santé causée par le travail sous de « fortes chaleurs » du fait de dérèglement climatique devrait également être prise en compte pour la fixation de l’âge de départ à la retraite.
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