Une licence en droit par validation des acquis professionnels, un outil original pour les syndicalistes
Proposée par la faculté Jean-Monnet à Paris Saclay depuis plus de 20 ans, cette licence est ouverte à des salariés ayant une expérience de trois ans au moins comme représentants du personnel notamment. Témoignages.
Dispensée en présentiel à Sceaux (Hauts-de-Seine), pendant l’équivalent d’une année universitaire, cinq journées complètes par semaine, la formation en licence en droit par validation des acquis professionnels proposée par Paris-Saclay peut être un cadre contraignant susceptible de freiner des candidatures. Mais d’anciens étudiants l’affirment : elle est aussi un outil précieux pour ceux qui veulent reprendre une activité professionnelle, se reconvertir ou être mieux armés dans leur pratique syndicale. Ils sont syndiqués, conseillers prud’hommes, défenseurs syndicaux, responsables DLAJ (Droit, libertés et action juridique) ou salariés voulant passer un concours.
Parmi eux, Éric Testard, Valérie Prudence et Jean-Marc Destruhaut, « anciens de promo » aujourd’hui engagés pour faire connaitre ce dispositif, dont la CGT a participé à la création en 1998. Après avoir travaillé dans les assurances, Jean-Marc a obtenu la licence en 2015. Il l’a découverte durant son mandat prud’homal et n’en cache pas les difficultés : « 5 à 6 heures de cours par jour, des soirées à bosser, Il faut muscler son cerveau d’une nouvelle manière. Le cadre peut rebuter, c’est une gymnastique », témoigne-t-il. Cette vision est partagée par les trois anciens étudiants, pour qui la confrontation au savoir et le fait de retrouver les bancs de l’école après des années de vie active sont un défi. Pour Éric, cheminot, titulaire d’un CAP et d’un BEP d’électrotechnique, la licence est une réalité en 2019. Après des mandats au CHSCT et délégué du personnel, il devient conseiller prud’homme. Depuis, il gère un pôle DLAJ (1) sur son territoire. Pour lui, le rythme est une des difficultés de la formation, « avec l’accumulation des semaines de travail, la fatigue, l’éloignement et les incompréhensions peuvent peser ».
Mais tous trois soulignent la qualité tant de la formation que des formateurs et leur disponibilité. « Cette licence ouvre de nombreuses portes et ouvre des perspective. Avec son niveau reconnu, elle permet de continuer au-delà, ce que j’ai fait, jusqu’à un Master 2 à la Sorbonne ! » Faire trois ans de droit en neuf mois peut certes faire peur, confie Éric, « mais il y a une vraie pédagogie dans la licence, c’est le plus important. Elle est adaptée et les moyens sont mis à disposition. » Titulaire d’un BEP, Valérie était aide médico-psychologique à la Croix-Rouge et a cumulé de multiples mandats : déléguée syndicale, du personnel, CE, CHSCT, conseillère prud’homale. Elle confirme :« Les formateurs prennent du temps personnel et mettent tout en action pour que vous y arriviez. Ils connaissent nos profils et notre origine syndicale. »
La licence en droit : véritable outil syndical
À tel point qu’aucun ne regrette ce choix. « Si j’avais pu, j’aurais fait la formation le plus tôt possible. Les avantages qu’elle donne dans le mandat prud’homal sont énormes, souligne Éric. Le droit est en effet une bibliothèque monumentale avec de multiples tiroirs. La licence permet de savoir comment rechercher ce bon tiroir et lire plus facilement ce qu’on y trouve. Elle apporte les outils nécessaires à la rédaction de documents, ce qui nous rend mieux armés pour aller devant un juge départiteur aux prud’hommes. »
Des outils qui est sont une aide pour l’activité au sein des unions locales, dans l’entreprise et même au-delà : « J’ai travaillé avec des avocats du Gisti (2) sur des cas de soutien à des sans-papiers et à des mal-logés, cela démontrait l’intérêt du droit et le fait d’avoir des outils juridiques », poursuit Jean-Marc. Valérie y voit également un appui pour progresser et gagner en assurance : « Syndicalement, maitriser davantage le droit permet de mieux soutenir et accompagner mes démarches », explique-t-elle.
Une fois obtenue, la licence n’est pourtant pas une fin en soi. Les trois étudiants ont tous prolongé leur formation, jusqu’à obtenir un Master 2 en droit. Servant aussi bien des enjeux de développement de la carrière professionnelle, que des possibilités de réorientation, la formation devient un véritable sésame pour choisir ce que l’on veut faire ensuite. Une dimension importante pour les trois anciens de promo. Ainsi en est-il pour Jean-Marc, dont l’appétence pour le droit datait de la prud’homie. La licence obtenue à Sceaux renforce cette envie et le motive à poursuivre en Master 2 en 2017 à la Sorbonne pour devenir juriste professionnel de droit social. « J’ai eu la certification de formateur professionnel et suis devenu formateur auprès des salariés de CSE (Comité social et économique) ». Valérie a continué dans le droit, obtenu un Master 2 également, et réalise maintenant des audits. « Je ne regrette rien. J’ai fait récemment une formation de médiateur. J’ai toujours besoin d’être formée, de continuer à apprendre. » Elle est désormais auto-entrepreneuse dans la médiation.
Un contre-pouvoir aux employeurs
Comme anciens de promo, ils défendent certes leur licence, mais aussi la formation professionnelle plus largement. Pour Éric, « la question du financement reste la pierre angulaire de la capacité des étudiants à s’engager dans la formation. On doit se battre pour le maintien ou le complément de rémunération pendant neuf mois des candidats qui ont une vie à gérer ». C’est l’enjeu du travail syndical face au patronat « qui veut des salariés moins formés, plus malléables… »
Parce qu’il « irrigue tout », bien comprendre et lire le droit est, à ses yeux, fondamental. Jean-Marc évoque une formation « unique en France, un outil pertinent pour les syndicalistes mais aussi fragile » qu’il faut valoriser. « C’est un atout pour tous ceux qui veulent se lancer dans le projet d’études de droit. » Il n’hésite pas à la présenter à des collègues conseillers prud’homaux pour les inciter à s’inscrire, ou à des syndiqués dans des UL. « Cette licence est une chance, appuie Valérie, un contre-pouvoir aux employeurs qui prend appui sur le savoir et la formation dispensée aux salariés. Il faut la faire connaître au plus grand nombre ».
Prochaine session : d’octobre 2023 au 15 juin 2024. Le dossier de candidature doit être déposé avant le 30 mai 2023.
Contact à la CGT : Francine Desnos f.desnos@cgt.fr – 06 08 54 83 39
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