Chronique européenne -
Vu d’Europe – La directive « Omnibus », contre les travailleurs et l’environnement
Triste 8 mars ! Alors que l’égalité femmes-hommes n’est clairement plus dans ses priorités, la Commission européenne dégaine une directive concoctée en un temps record pour détricoter la législation sociale et environnementale.
Le 8 mars, c’était la Journée internationale pour les droits des femmes, et la Commission européenne en a profité pour lancer des projets tels que la directive sur la transparence des salaires, la lutte contre les violences faites aux femmes et la promotion des femmes au sein des conseils d’administration des grandes entreprises. Toutes ces mesures ont été saluées par les syndicats et les associations féministes, même si les États membres ont finalement réduit leur portée et leur application.
Mais il est désormais clair que l’égalité n’est plus un objectif central du mandat de la Commission. Cela a été évident dès le départ. Les syndicats et la société civile ont dû peser pour que le mot « égalité » ne disparaisse pas complètement des titres de portefeuilles de commissaires. Parmi les objectifs affichés de chacune des 45 nouvelles initiatives du programme de la Commission, seules deux contiennent le terme « égalité ». Toutes ces références sont non législatives.
Seulement quatre-vingt-sept jours d’élaboration
Or les droits et la protection des travailleuses vont être particulièrement affaiblies par la directive « Omnibus », dévoilée ce mois-ci par la nouvelle Commission européenne, et dont Ursula Von der Leyen a évité de parler lors de cette Journée internationale de la femme.
Il n’a fallu que quatre-vint-sept jours au nouveau collège des commissaires pour élaborer ce sabotage d’une grande partie de la législation sociale et environnementale de l’Union européenne, pourtant longuement discutée et âprement négociée depuis des décennies. C’est impressionnant pour une institution souvent critiquée pour son manque de réactivité.
Le spectre du Rana Plaza
Si les syndicats ne sont pas opposés par principe aux simplifications de réglementation, la directive Omnibus ressemble à une liste de cadeaux aux entreprises, imitant le style américain et abandonnant toute législation fondée sur des données probantes. « Réduire les formalités administratives » signifie exclure 80 % des entreprises du champ d’application de la directive sur les rapports de durabilité des entreprises. « Simplifier les règles » est synonyme de réduction des normes sectorielles. L’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013 est un exemple fréquemment cité pour souligner l’importance de la réglementation sur la durabilité des entreprises et le devoir de diligence.
En janvier 2025, au forum de Davos, Ursula von der Leyen avait évoqué une « course contre la montre » face au dérèglement climatique. À rebours de ce discours, la directive Omnibus sacrifie les contrôles environnementaux, de santé et de sécurité. Cela dopera les résultats financiers à court terme, mais aura de coûteuses conséquences.
Démanteler les normes n’apportera aucune sécurité
En période d’instabilité politique, démanteler les normes à un rythme effréné n’apportera pas aux entreprises la sécurité qu’elles recherchent. Saper la réglementation pénalisera ceux qui avaient déjà investi dans des mesures favorables aux travailleurs et au climat. La décision de la Commission européenne est d’autant plus incroyable dans un contexte où, malgré un chômage historiquement bas, environ un cinquième des citoyens européens étaient, en 2023, menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale, alors que les entreprises européennes affichent des bénéfices records.
Pouvons-nous assurer une transition verte et numérique, prenant en compte les besoins des travailleurs et des communautés vulnérables, alors que les politiques se fondent uniquement sur les besoins des entreprises ? Comment une législation favorisant le progrès social peut-elle être considérée comme un fardeau ?
Protestation au sommet tripartite du 19 mars
Oui, l’Union européenne doit renforcer sa compétitivité, mais celle-ci ne se limite pas aux profits des entreprises. La compétitivité est aussi liée à de meilleurs niveaux de vie, à des emplois de qualité et à une économie plus propre.
Eurocadres s’oppose à ce programme à chaque occasion ; notre organisation l’a fait lors du sommet social tripartite du19 mars. Nous nous sommes entretenus avec la présidente Von der Leyen, le président Costa, le patronat et d’autres acteurs, et nous leur avons affirmé que les cadres n’accepteraient pas l’affaiblissement de leurs protections.
Le reporting environnemental n’a jamais menacé la compétitivité
Nous pouvons mettre en œuvre le rapport Draghi sur l’excès de réglementation, mais pas d’une manière qui ne profite qu’aux entreprises. Le reporting environnemental n’a jamais menacé la compétitivité. Le rapport n’a jamais demandé de récompenser les entreprises malhonnêtes et de sanctionner celles qui élaborent des normes élevées, ni de réduire les droits humains et la protection de l’environnement à un exercice de cochage de cases. Il n’a jamais demandé de contourner les travailleurs, y compris les cadres habituellement chargés de ce reporting.
Nous avons déploré l’absence de consultation et affirmé que, si on nous l’avait demandé, nous aurions répondu que ce qui est inacceptable, c’est l’évasion fiscale, la fraude et les superprofits, qui nuisent à la compétitivité et alimentent les inégalités. Si on nous l’avait demandé, les cent premiers jours de ce mandat auraient été consacrés à ce que les travailleurs nous ont dit être important pour eux : un salaire décent, des garanties contre les risques psychosociaux, un droit contraignant à la formation, une protection contre les risques de l’intelligence artificielle au travail, et des emplois de qualité.
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