Revue de presse -  Revue de presse – Invitation au voyage sur la planète rouge

Nommé à la tête d’un ministère de « l’Efficacité gouvernementale », Elon Musk peut-il être un modèle ? Oui, si l’on en croit l’ex-ministre français de la Fonction publique, avide de partager les « bonnes pratiques » de celui qui veut coloniser Mars, après avoir détruit l’État. Tollé.

Édition 061 de [Sommaire]

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Pour qui n’a jamais rêvé d’Amérique, la quatrième planète du système solaire peut être une destination alternative. Après la nomination d’Elon Musk à la tête d’un ministère de «  l’Efficacité gouvernementale  » américaine, Maurice Ulrich, dans L’Humanité, fait au patron de SpaceX une invitation au voyage. Dans un billet titré «  Sur Mars  », il argumente  : «  Selon le quotidien libéral qu’est L’Opinion, l’une des priorités de Musk serait de licencier 75  % des 4 millions de “bureaucrates fédéraux” en livrant dans le même temps les agences fédérales au secteur privé et en fermant, par exemple, le département de l’Éducation qui gère les prêts étudiants pour 1 600 milliards de dollars. Sinon, il a toujours en tête de conquérir Mars. On ne peut qu’espérer que ce sera au plus vite.  »

Ah, la bureaucratie et les régulations excessives… De retour en France, il en est un autre qui pourrait le rejoindre, animé par l’ambition partagée de faire la guerre aux dépenses qu’il juge inutiles. Ancien consultant, il s’appelle Guillaume Kasbarian, ministre de la Fonction publique du gouvernement censuré, dont le tweet élogieux adressé à Elon Musk est largement commenté  : «  Félicitations pour avoir accepté ce super défi  ! J’ai hâte de partager avec vous les meilleures pratiques.  » 

De Tesla à la Maison-Blanche, peu importe que la méthode du futur ministre pour faire la chasse aux coûts soit «  infernale  », pour reprendre un qualificatif des Échos. Guillaume Kasbarian exulte, rallié en cela par Jean-Philippe Felman, chercheur à l’Institut de recherches économiques et fiscales (Iref) qui, dans une tribune au Figaro, explique «  pourquoi l’extraordinaire débureaucratisation que prépare Trump doit inspirer la France  ». 

Débureaucratiser à tous les étages

L’enthousiasme s’arrête là. L’éditorial du Monde commente, avec peu d’aménité  : «  Il faut être sot ou ignorant (ou les deux) pour se réjouir de la désignation d’un homme identifié à un réseau social devenu un puissant vecteur de désinformation, ce poison des démocraties. Il faut être tout aussi sot et ignorant pour ne pas voir dans ces choix la tentation de Donald Trump de régler ses comptes avec des rouages du gouvernement fédéral avec lesquels il avait eu maille à partir pendant son premier mandat. La vengeance ne fait pourtant pas une feuille de route présidentielle.  »

Dans L’Humanité, Hayet Kechit accuse le macronisme de se dissoudre ainsi dans le trumpisme  : «  C’est une sorte de bouquet final. De ses saillies contre le supposé “absentéisme” des fonctionnaires à son projet de “débureaucratiser à tous les étages”, les outrances et la rhétorique de la purge qu’affectionne Guillaume Kasbarian ne laissaient certes aucun doute sur la nature de ses intentions au poste de ministre de la Fonction publique. Le transfuge des cabinets de conseil abat désormais cartes sur table, en plaçant publiquement son action sous l’égide du trumpisme.  »

Bibi, c’est lui 

Donal Trump-Emmanuel Marcon  : mêmes combats  ? Sur France culture, l’éditorialiste politique Jean Leymarie ose également le parallèle  : «  Il y a quelques mois, Emmanuel Macron a réuni 700 cadres de la fonction publique pour une “convention managériale” et susciter une “culture du résultat”. L’entreprise, comme référence. Encore une fois, le sujet est important  : l’efficacité des services publics ne doit pas être un gros mot. Mais Emmanuel Macron va plus loin. Il reproche à l’administration d’entraver l’action politique, son action. Et à la fin, dit-il, c’est “Bibi qui paie”. Bibi, c’est lui. L’État responsable des impasses et des échecs politiques  ? C’est bien pratique.  »

Dans Libération, Simon Blin voit dans l’élection de Donald Trump et la nomination d’Elon Musk un nouvel élan donné aux libertariens  : «  On [les] savait parmi nous. Ils ont aujourd’hui un pied à la Maison blanche […]. L’incarnation de ce courant de pensée typiquement américain […] qui prône une intervention minimale de l’État et un individualisme radical. Né au XXe siècle sur fond d’anticommunisme viscéral outre-Atlantique, cette philosophie politique et économique, qui ne connaît pas réellement de déclinaison européenne, acte plus que jamais son tournant réactionnaire.  »

Que faire de X sur la planète Mars  ?

Retour sur la planète Mars qu’Elon Musk rêve de «  coloniser  », rappelle Christian Chavagneux dans Alternatives économiques, dans la recension du portrait que Béatrice Mathieu et Emmanuel Botta lui ont consacré (Elon Musk, Robert Laffont, 2023). Il détaille  : «  Les fusées de SpaceX  ? Pour y aller. Les voitures Tesla  ? Pour s’y déplacer. SolarCity, une entreprise de panneaux solaires  ? Il y faudra de l’énergie. Une autre de robots, Optimus  ? Il faudra aider les humains à s’y installer. Starlink  ? Un réseau de satellites pour communiquer.  » Il n’y a guère que le réseau X dont on peut douter de l’utilité cosmique. En étant le premier grand journal à quitter cette «  plateforme toxique  », le quotidien britannique The Guardian a déjà donné la réponse  : ce sera sans nous  ! 

Christine Labbe