Vu d’Europe- Virage à l’extrême droite

Par Nayla Glaise, présidente d’Eurocadres.

Le 17 septembre dernier, la Commission européenne a finalement annoncé ses 27 commissaires pour le mandat à venir. Sa composition donne une indication claire sur les orientations des cinq prochaines années et marque le coup d’envoi du travail législatif.

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Le 17 septembre dernier, la Commission européenne a finalement annoncé ses 27 commissaires pour le mandat à venir. Sa composition donne une indication claire sur les orientations des cinq prochaines années et marque le coup d’envoi du travail législatif.

Le portefeuille de l’emploi et des affaires sociales a disparu du collège, et aucun commissaire n’est chargé de lutter contre la pauvreté, la sécurité sociale et les injustices sur le lieu de travail, ce qui est tout simplement inacceptable. En outre, l’absence d’un portefeuille autonome pour l’égalité semble montrer les priorités d’une présidente qui prétend pourtant placer l’égalité entre les hommes et les femmes au cœur de son nouveau collège. Ces changements vont avoir un impact sur les syndicats, en élargissant leur champ d’action dans les différentes Directions générales (DG) et cabinets, bien qu’il semble que l’emploi puisse relever du domaine « Personnes, Compétences et Etat de préparation ».

Si la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a été réélue avec le soutien de l’ancienne coalition du Parlement (PPE, S&D et RE), son collège de commissaires reflète le virage à l’extrême droite pris par le Parlement européen.

En effet, bien que le PPE (14), le RE (5) et le S&D (5) aient fourni le plus grand nombre de commissaires, deux des membres de la Commission sont issus de partis d’extrême droite : Olivér Várhelyi (Hongrie) et Raffaele Fitto (Italie). Dans un geste incroyablement préjudiciable (et contraire aux insinuations de la présidente de la Commission pendant sa campagne), ce dernier s’est vu confier un portefeuille clé dans le domaine de la cohésion comme des réformes et a été nommé vice-président exécutif.

Heureusement, en dépit d’un manque général de présence de la gauche, le Groupe S&D a veillé à ce que certains portefeuilles soient prioritaires en nommant deux de ses commissaires à la vice-présidence. L’Espagnole Teresa Ribera Rodríguez s’est vu confier de vastes responsabilités en tant que commissaire chargée d’une transition propre, juste et compétitive  ; l’eurodéputée roumaine Roxana Mînzatu a été nommée commissaire chargée des personnes, des compétences et de l’Etat de préparation, un portefeuille qui présente un intérêt particulier pour Eurocadres et ses membres. Membre du Parti social-démocrate roumain, Mme Mînzatu devrait axer son mandat sur la protection des droits des travailleurs et des cadres dans toute l’Europe.

Composition de la Commission  : la réponse d’Eurocadres

Notre réponse a été claire : les travailleurs doivent voir leurs priorités reflétées dans l’orientation de l’Union européenne, et non les besoins des entreprises. À une période où la précarité domine l’expérience quotidienne des travailleurs, il est incompréhensible qu’Ursula von der Leyen vide de sa substance le rôle de l’emploi et des affaires sociales, tout en confiant les rênes de la cohésion et de la vice-présidence exécutive à l’extrême-droite. Il faut faire marche arrière. 

Lors des auditions de ces commissaires par les députés européens, nous travaillerons avec nos collègues du Parlement pour que ceux qui nous sont proposés soient réellement responsables.

La commission EMPL (Emploi et affaires sociales) a élu à sa tête Li Andersson (FI) du Groupe de gauche, tandis que la réunion constitutive de juillet a également vu Johan Danielsson (S&D, SE), Jagna Marczułajtis-Walczak (EPP, PL) et Katrin Langensiepen (Verts/ALE, DE) élus vice-présidents. Le quatrième poste vacant, pourvu lors de la réunion du 4 septembre, a été occupé par le PPE.

Après avoir rencontré les eurodéputés Li Andersson et Johan Danielsson à Strasbourg lors de la session plénière de juillet, nous sommes particulièrement heureux de leur élection à ces postes. Nous avons la conviction qu’ils proposeront un agenda progressiste. Compte tenu à la fois de leurs points de vue respectifs, de leur expérience et de leur expertise, nous sommes certains qu’ils feront avancer les discussions sur de multiples sujets  : la santé mentale, le télétravail et le droit à la déconnexion, l’intelligence artificielle, le dialogue social et d’autres priorités liées aux conditions de travail.

Mathématiquement, le Comité pourrait être plus difficile à naviguer, avec 7 membres des Patriotes pour l’Europe, 7 membres d’ECR et 2 membres de l’Europe des Nations Souveraines. Avec 93 membres, nous avons besoin de 47 voix pour atteindre la majorité, alors que la gauche, le S&D et les Verts ne détiennent que 40 sièges.

Un consensus sera nécessaire et Eurocadres est en train de rédiger un plan de plaidoyer destiné à refléter cette situation. Dans tous les cas, le contrôle des commissions «  droits de la femme et de l’égalité des genres  » mais aussi de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire par le groupe S&D d’une part, et la présidence de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs par le groupe des Verts d’autre part, seront particulièrement utiles pour l’avenir.