Fonction publique : revue de la jurisprudence récente
Le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État ont rendu des arrêts sur le droit au silence préalable à une procédure disciplinaire, la protection fonctionnelle des agents, la suspension administrative dans l’Enseignement supérieur, le maintien en fonction malgré la limite d’âge…
Le Conseil constitutionnel consacre l’obligation faite à un employeur public d’informer un agent sur son droit de se taire préalablement à une procédure disciplinaire.
Par une décision répondant à une question prioritaire de constitutionnalité (Qpc), le 26 juin 2024 (1), les Sages ont précisé : « En ne prévoyant pas que le magistrat mis en cause doit être informé de son droit de se taire lors de son audition par le rapporteur ainsi que lors de sa comparution devant le conseil de discipline, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789. Par conséquent, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution. »
Cette décision constitue l’épilogue des hésitations du Conseil d’État sur cette question (2).
Protection fonctionnelle et risques d’agression
L’exposition d’un agent public à un risque avéré d’atteinte volontaire à son intégrité physique ou à sa vie en raison de sa qualité d’agent public entre dans le champ de la protection fonctionnelle.
En l’espèce, le Conseil d’État saisi en cassation (3), constate que la Cour administrative d’appel de Paris « a relevé, d’une part, que l’attaque commise le 3 octobre 2019 dans les locaux de la préfecture de police de Paris avait pour but de tuer des agents de celle-ci à raison de leur qualité d’agent public et, d’autre part, qu’après avoir entendu des cris et des appels à l’aide de ses collègues, Mme B. est sortie de son bureau et a vu l’auteur de l’attentat dans le couloir muni d’un couteau ensanglanté et que celui-ci s’est ensuite retourné et s’est retrouvé face à elle, qui s’est alors réfugiée dans son bureau en s’y enfermant. »
Ainsi, note le Conseil d’État : « En jugeant, après avoir estimé par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que Mme B. avait ainsi été directement et personnellement exposée à un risque avéré de subir une atteinte volontaire à son intégrité physique, qu’elle satisfaisait aux conditions d’octroi de la protection fonctionnelle, la cour n’a pas commis d’erreur de droit. »
Suspension administrative d’un président d’université
La suspension d’un membre du personnel de l’Enseignement supérieur est en principe sans effet sur l’exercice d’un mandat électif attaché à cette qualité. Toutefois, lorsqu’elle est prise à l’égard du président de l’université, elle fait obstacle à ce qu’il continue de présider le conseil d’administration de l’établissement et d’y siéger.
Aux termes de l’article L. 951-4 du Code de l’éducation : « Le ministre chargé de l’Enseignement supérieur peut prononcer la suspension d’un membre du personnel de l’Enseignement supérieur pour un temps qui n’excède pas un an, sans privation de traitement. »
Dans ce cadre, le Conseil d’État (4) précise que « la mesure de suspension d’un membre du personnel de l’Enseignement supérieur, prise sur le fondement de ces dispositions, revêt un caractère conservatoire et vise à préserver l’intérêt du service public universitaire. Elle ne peut être prononcée que lorsque les faits imputés à l’intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que la poursuite des activités de l’intéressé au sein de l’établissement universitaire où il exerce ses fonctions présente des inconvénients suffisamment sérieux pour le service ou pour le déroulement des procédures en cours. En l’absence de poursuites pénales, son maintien en vigueur ou sa prorogation sont subordonnés à l’engagement de poursuites disciplinaires dans un délai raisonnable après son édiction ».
Une telle mesure a pour effet de suspendre l’exercice par l’intéressé de ses fonctions au sein de l’établissement, en particulier ses activités d’enseignement et de recherche. Elle emporte nécessairement la suspension du droit, attaché à l’exercice des fonctions, d’accéder aux locaux de l’établissement. En revanche, elle est en principe sans effet sur l’exercice d’un mandat électif attaché à la qualité de membre du personnel de l’enseignement supérieur.
Cependant, note le juge administratif : « Le président de l’université est au nombre des membres du personnel de l’Enseignement supérieur susceptibles de faire l’objet d’une mesure de suspension prise par le ministre chargé de l’Enseignement supérieur sur le fondement de l’article L. 951-4 du Code de l’éducation, sans préjudice de l’exercice par le ministre des pouvoirs qu’il tient à titre exceptionnel de l’article L. 719-8 du même code. Une mesure de suspension prise à l’égard du président de l’université a nécessairement pour effet de suspendre l’exercice par l’intéressé de l’ensemble de ses fonctions dans l’établissement et fait, en particulier, obstacle à ce qu’il continue de présider le conseil d’administration de l’établissement et d’y siéger comme de préparer et d’exécuter ses délibérations. »
Limite d’âge et maintien en activité
Une autorité administrative peut refuser le maintien en fonction d’un agent au-delà de la limite d’âge, en se fondant sur l’objectif tendant à privilégier le recrutement de jeunes agents par rapport au maintien en activité des agents ayant atteint la limite d’âge.
En l’espèce, le Conseil d’État (5) constate qu’il « ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que pour refuser la demande de prolongation d’activité de M. B., comme elle en avait la faculté, l’administration s’est fondée sur la nécessité de renouveler, dans l’intérêt du service, la composition du service de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, par une réduction du nombre de membres de l’inspection appartenant comme M. B. au groupe I et le recrutement d’inspecteurs plus jeunes appartenant aux groupes II et III. Ce motif, sur lequel pouvait légalement se fonder l’administration pour la mise en œuvre des dispositions […] relatives au maintien en activité au-delà de la limite d’âge dont M. B. demandait l’application, rendait nécessaire la prise en compte de l’âge de l’intéressé ».
Par suite, le Conseil décide « qu’en jugeant que le moyen tiré de l’illégalité de la décision en raison du caractère discriminatoire du motif tenant à l’âge de M. B. était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit ».
Décision n° 2024-197 Qpc, 26 juin 2024, M. Hervé A., Journal officiel du 27 juin 2024.
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