Reportage -  L’Ugict-Cgt confirme sa position majoritaire à la Monnaie de Paris

Malgré la concurrence de la Cgc, la Cgt a remporté les élections professionnelles en combinant animation de terrain et réflexion sur l’avenir de l’entreprise.

Édition 048 de avril 2024 [Sommaire]

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Options - Le journal de l’Ugict-CGT
Le syndicalisme de terrain à la Monnaie de Paris, ça paye ! L’Ugict a remporté 82,5 % des voix chez les agents de maîtrise et 51,2 % chez les cadres aux élections au Cse de décembre 2023. © IP3 Presse / MaxPPP

Quai de Conti à Paris, au pied de l’imposant hôtel de la Monnaie, où siège depuis le XVIIIe siècle cette maison bien connue des numismates, on est impressionné. David Faillenet, délégué syndical de l’Ugict-Cgt depuis deux ans, insiste en parcourant ses couloirs labyrinthiques  : «  Il y a une certaine fierté à travailler ici. Ce n’est pas une entreprise comme les autres.  » De fait, elle c’est une des plus vieilles entreprises du monde et la plus ancienne institution française, en activité depuis le IXe siècle. 

Pour autant, cette ancienne direction du ministère de l’Économie devenue, en 2007, établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), ne coule pas que des jours sereins au bord de la Seine. En l’espace de trente ans, elle a connu des chamboulements auxquels le syndicat lui-même a dû s’adapter. Cela semble fonctionner. En décembre 2023, malgré l’apparition d’un syndicat Cfe-Cgc, l’Ugict a remporté 82,5  % des voix chez les agents de maîtrise et 51,2  % chez les cadres, obtenant ainsi trois des quatre sièges «  cadres  » et le siège unique des agents de maîtrise au comité social et économique (Cse), à l’issue d’un suffrage au fort taux de participation.

90  % des cadres ont suivi l’appel à la grève en 2021

«  Même des cadres haut placés dans la hiérarchie, qui probablement n’adhéreraient jamais à la Cgt, peuvent se retrouver dans nos revendications et dans notre action  », estime Stéphane Patie, élu au Cse et ancien délégué syndical. Et pourtant, «  depuis 2018-2019, jamais l’Ugict n’a été dans une telle opposition à la direction. On est à l’origine de la grève de 2021 qui a conduit au blocage total de l’appareil industriel de l’établissement parisien  ; 90  % des cadres de ce secteur ont suivi l’appel à la grève  ». À l’époque, ils contestaient la fusion des directions industrielles de Pessac (Gironde) et de Paris, deux sites de production aux problématiques et fonctionnements bien différents. 

«  À Pessac, nous produisons la monnaie nationale française mais aussi des monnaies courantes étrangères, explique David Faillenet. Cela représente environ 60  % du chiffre d’affaires de l’entreprise, selon les années.  » À Paris, les ateliers fabriquent des monnaies et médailles de collection et des objets d’art en métal. Enfin, l’hôtel de la Monnaie est devenu un site culturel avec l’ouverture d’un musée en 2017. Au total, 455 personnes y travaillent – 276 à Paris et 179 à Pessac – sous divers statuts  : fonctionnaire, travailleur et ouvrier d’État et, désormais, une majorité de contractuels de droit privé. Les cadres représentent près de 45  % des effectifs.

Une entreprise, trois activités mais quel avenir  ?

Cette triple activité et l’évolution statutaire des salariés sont au cœur des réflexions menées par le syndicat qui reproche au Pdg en poste, Marc Schwartz, entre autres choses l’absence d’un projet d’entreprise porteur. Entre la dématérialisation des moyens de paiement et le projet d’abandon des pièces de 1 et 2 centimes d’euros, l’Ugict estime urgent d’explorer des pistes de diversification pour maintenir l’activité industrielle. 

Ainsi, en décembre 2022, elle a présenté en Cse un projet de plan stratégique élaboré avec l’union départementale de la Gironde et la fédérations Cgt des Finances. «  L’idée est de s’appuyer sur nos savoir-faire spécifiques, notamment la galvanoplastie, pour développer une offre adaptée aux besoins du tissu local, par exemple l’industrie nautique bordelaise ou l’aéronautique, résume le délégué. Le recyclage des métaux est une autre piste.  » Le plan s’accompagnait en outre d’un renforcement des relations entre pôle culturel et de communication et pôle industriel, afin de mieux valoriser les activités de la Monnaie de Paris auprès des publics et à l’international. «  La direction prend note et aucun débat contradictoire ne s’enclenche  », regrette David Faillenet.

Mettre en location une partie du site de Pessac

Quelques mois plus tôt, le Journal officiel avait publié un arrêté approuvant des prises de participation de la Monnaie de Paris au capital des sociétés Monnaie de Paris gestion immobilière et Sci Voie romaine à hauteur, respectivement, de 50 000 et de 10 millions d’euros (soit 100  % des parts), avec de surcroît 1,815 million d’euros en nature (bâti). L’objectif était de mettre en location une partie des immenses locaux de Pessac. Un «  projet d’avenir  » bien éloigné du cœur de métier de la vénérable institution.

Dans son projet alternatif, l’Ugict liste une vingtaine de postes de cadres et agents de maîtrise à pourvoir immédiatement pour le bon fonctionnement de l’entreprise. «  Nous sommes confrontés à un nombre important de départs, constate Stéphane Patie. Des cadres qui ne se retrouvent plus dans le projet d’entreprise et auxquels on ne présente pas de perspectives d’évolution.  » Historiquement, cadres et agents techniques étaient fonctionnaires et bénéficiaient d’une évolution «  naturelle  » de leur carrière. Désormais ils relèvent majoritairement du droit privé, et le syndicat juge urgent de se doter pour eux d’une grille de salaires adaptée. Ce que la direction a toujours refusé, se limitant, sous la pression, à ajouter quelques niveaux et échelons à la grille de sa convention de branche – la bijouterie – et de procéder à des rattrapages au coup par coup. Dans le cadre de la gestion des emplois et des parcours professionnels, la revendication de la Cgt pourrait cependant être discutée prochainement.

«  Un travail de terrain remarquable  »

Des rattrapages de salaire, le syndicat en a aussi obtenus au cours des dernières années pour effacer les écarts de salaire entre femmes et hommes chez les cadres – des écarts qui étaient encore de 12  % en moyenne il y a quatre ans. «  On a été très virulents sur ce sujet-là et cela a porté ses fruits  », se félicite David Faillenet. Semaine de quatre jours, accès au temps partiel ou encore à des aides à la garde des enfants… Ces revendications rencontrent un écho favorables parmi les cadres.

Mais la réflexion stratégique et la bataille revendicative n’expliquent pas à elles seules l’audience de l’Ugict. «  David passait régulièrement dans les services. Il nous présentait l’activité du syndicat, se rappelle Wafaa El Hammouia, nouvellement élue au Cse. Sur un sujet bien particulier, il nous a beaucoup aidés, mes collègues et moi. Tout cela a compté quand il est venu me proposer d’intégrer la liste du syndicat aux élections.  » Stéphane Patie le reconnaît  : quand David a repris le mandat de délégué syndical, il a écumé les couloirs et bureaux de Paris et de Pessac, et remis l’Ugict au centre. «  Lorsqu’il y a un problème, les gens viennent le voir pour être défendus. Il a fait un travail de terrain remarquable  », insiste l’ancien délégué syndical. 

En parallèle, le syndicat assure une animation régulière. Tous les mois, l’Ugict tient une assemblée générale ouverte d’une heure pour préparer, avec les salariés, les questions au Cse, et rendre compte des avancées. Elle est accessible en ligne pour les salariés de Pessac. Depuis 2022, David Faillenet a instauré un nouveau rendez-vous : la séance, permise par le droit, à une heure banalisée, se prolonge au moment du déjeuner avec un moment convivial sur un thème dépassant le cadre de l’entreprise. Le 8 mars, ils ont causé égalité et droits des femmes. La séquence suivante sera dédiée aux alternants. Animation, technicité et présence sur le terrain : le combo gagnant.