Chronique juridique -
La réglementation du télétravail des agents publics
La pratique du télétravail pour les agents publics est codifiée sous l’article L. 430-1 du Code général de la fonction publique (Cgfp) depuis le 1er mars 2022.
Codifiée sous l’article L. 430-1 du Code général de la fonction publique (Cgfp) depuis le 1er mars 2022, la possibilité pour les agents publics d’exercer leurs missions en télétravail a été introduite par l’article 133 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, dite loi Sauvadet (1). Les modalités de mise en œuvre du télétravail ont été précisées par le décret n° 2016-151 du 11 février 2016, relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature (2).
Son article 3 prévoit, notamment, que la quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. Il précise également que le temps de présence sur le lieu d’affectation ne peut être inférieur à deux jours par semaine. Le même article indique, en outre, que ces seuils peuvent s’apprécier sur une base mensuelle. Le plafonnement du nombre de jours pouvant être exercés en télétravail répond ainsi à l’objectif d’éviter le sentiment d’isolement et de perte de relations collectives des agents.
L’accord national relatif au télétravail dans la fonction publique, conclu le 13 juillet 2021 par l’ensemble des représentants des employeurs publics et des représentants du personnel, rappelle la quotité des fonctions pouvant être exercées en télétravail. Cet accord prévoit également un recours accru au télétravail dans certaines situations, énumérées par le décret n° 2021-1725 du 21 décembre 2021 modifiant les conditions de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature, révisant l’article 4 du décret 11 février 2016.
Cet article accroît le recours au télétravail des agents dont l’état de santé ou le handicap le justifient, aux femmes enceintes, aux agents éligibles au congé de proche aidant, et lorsqu’une autorisation temporaire de télétravail a été demandée et accordée en raison d’une situation exceptionnelle perturbant l’accès au service ou le travail sur site. Cet article précise également les modalités et les durées maximales de ces dérogations. Une récente réponse ministérielle précise qu’« en dehors de ces hypothèses, il n’existe pas de dérogation portant renforcement de la quotité de jours pouvant être exercés en télétravail et il n’est ainsi pas possible d’utiliser ce dispositif pour y recourir plus de 75 % de son temps de travail ».
Quelques précisions jurisprudentielles
Le juge administratif a été amené à préciser les droits et obligations des administrations et des agents publics en matière de télétravail.
Le droit aux titres-restaurant
En l’état des dispositions du décret du 11 février 2016 relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique, lorsqu’une administration décide d’attribuer des titres-restaurant à ses agents dans les conditions prévues par l’ordonnance du 27 septembre 1967, les agents exerçant leurs fonctions en télétravail bénéficient du même droit à l’attribution de ces titres que s’ils exerçaient leurs fonctions sur leur lieu d’affectation.
Par suite, un agent qui pouvait bénéficier sur son lieu d’affectation de l’accès à un dispositif de restauration collective, excluant l’attribution de titres-restaurant, n’avait pas davantage droit aux titres-restaurant pour les jours de travail effectués à son domicile, au cours de la même période (4).
Les pouvoirs de l’administration en matière de retour sur site
Est considérée comme légale par le Conseil d’État une note de service qui impose aux agents de déclarer le lieu d’exercice de télétravail et qui exige que ce lieu permette un retour sur site « dans des délais compatibles avec un éventuel rappel sur site par l’administration, qui peut intervenir à tout moment en cas de nécessité de service ». Cette dispositionse borne, pour le juge à expliciter une exigence s’imposant à tout agent autorisé à télétravailler pour respecter ses obligations de service, en particulier lorsqu’une nécessité de service impose de reporter un jour télétravaillé (5).
Les pouvoirs des responsables d’une collectivité territoriale en matière de télétravail
Si les dispositions réglementaires relatives au télétravail n’ont pas pour but de poser un droit individuel au télétravail, elles ont entendu énumérer les critères au vu desquels l’organe délibérant et l’autorité territoriale ou le chef de service, doivent chacun respectivement, pour le premier, déterminer collectivement l’éligibilité au télétravail des missions exercées dans la collectivité et, pour la seconde, régler l’exercice individuel de celui-ci par l’agent demandeur.
Ainsi, s’il appartient à l’organe délibérant d’organiser la mise en œuvre du télétravail dans la collectivité territoriale selon la nature et les conditions d’exercice des activités et missions qu’elle exerce, il ne saurait, sans méconnaître la portée desdits critères, étendre l’objet de sa délibération à une introduction ou un refus du télétravail poste par poste au regard de l’intérêt du service, lequel au demeurant relève du pouvoir d’appréciation du chef de service qui l’exerce en statuant sur les demandes individuelles des agents (6).
Décision de mettre fin au télétravail d’un agent public
La décision mettant fin à l’accord de télétravail d’un agent constitue une mesure d’ordre intérieur ne lui faisant pas grief, insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, à moins qu’elle ne traduise une discrimination ou une sanction. En effet, le télétravail constitue une forme d’organisation du travail permettant à un agent de remplir ses fonctions hors des locaux prévus à cet effet. Ainsi, la mesure mettant fin à un accord de télétravail, au motif de la nécessité d’une plus grande disponibilité de l’agent dans l’intérêt du service et d’une iniquité envers les autres agents, avait pour seul objet de modifier les modalités d’exercice des fonctions de l’agent, sans porter atteinte à son statut et à ses droits et libertés fondamentaux et sans incidence sur ses responsabilités ou sa rémunération (7).
Exercice du télétravail sans autorisation de l’administration
Le recours au télétravail par un agent, alors qu’il n’y était pas autorisé par son employeur, s’analyse pour les journées concernées comme des absences injustifiées et un manquement de l’intéressé à ses obligations de service, qui impliquaient sa présence physique au sein de l’établissement. Ces faits justifient la sanction d’avertissement qui lui a été infligée (8).
Accident du travail et télétravail : c’est au salarié de prouver
Dès lors qu’un accident s’est produit en dehors de l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur, la présomption d’imputabilité de l’accident au travail ne peut s’appliquer aux termes des dispositions de l’article L. 1222-9 III du Code du travail prévues en matière de télétravail. À défaut de présomption d’imputabilité, il appartient à la victime d’apporter la preuve de la matérialité du fait accidentel, de sa survenance par le fait ou à l’occasion du travail et du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel (9).
Accident du travail et télétravail : un cas d’école
En sortant de son domicile, alors qu’il exerçait ses missions dans le cadre du télétravail, M. H. a interrompu son travail afin d’aller se renseigner sur l’origine d’un bruit et d’une panne informatique. Il a, ainsi, cessé sa mission pour un motif personnel, aucune obligation ne lui ayant été faite par son employeur de trouver l’origine de la panne ou de renseigner utilement l’opérateur téléphonique. En l’absence de survenance du fait accidentel sur le lieu du travail, M. H. ne bénéficie pas de la présomption d’imputabilité prévue à l’article L. 1222-9 III alinéa 3 du Code du travail. En outre, le juge judiciaire relève que lors de l’accident, à savoir la chute d’un poteau, M. H. ne se trouvait pas sous l’aire d’autorité de son employeur, dès lors qu’il ne relevait pas de sa mission inhérente au contrat de travail d’identifier l’origine de la panne informatique. Le caractère professionnel de l’accident n’est donc pas établi (10).
Edoardo Marquès
La loi n° 2012-347 du 12 mars 201,2, relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Décret modifié, notamment, par le décret n° 2020-524 du 5 mai 2020.
Réponse du ministre chargé de la Fonction publique à la question n° n° 07033, publiée dans le JO Sénat du 14 septembre 2023 – page 5435.
CE, 7 juillet 2022, ministre de l’Économie et des Finances et ministre de l’Action et des Comptes publics, requête n° 457140.
CE, 5 août 2022, M. B., requête n° 457238.
CAA Lyon, 3 juin 2021, Mme G., requête n° 19LY02397.
TA Châlons-en-Champagne, 4 octobre 2022, M. A., requête n° 2101983.
CAA Nancy, 13 avril 2021, M. C, requête n° 19NC00548.
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