C’est avec ambition que la Cgt aborde les négociations sur les retraites complémentaires, amorcées le 5 septembre. Elle ne se satisfera pas de la suppression du malus mis en place en 2019. Propositions.
Après l’entrée en vigueur de la réforme des retraites, c’est dans le cadre d’un calendrier extrêmement contraint que les partenaires sociaux ont véritablement ouvert, le 5 septembre, les négociations sur les retraites complémentaires Agirc-Arrco. Organisées au siège du Medef, et non dans un lieu neutre – le Conseil économique, social et environnemental (Cese), comme le demandaient la Cgt, la Cftc et la Cfe-Cgc –, les syndicats arrivent dans cette négociation forts du soutien de l’opinion publique exprimé lors du mouvement social. Cela « nous place en position optimale pour négocier de nouveaux droits », estime la délégation Cgt, conduite par Denis Gravouil, secrétaire confédéral.
Toutes les organisations syndicales sont d’ores et déjà d’accord pour exiger la suppression des coefficients de solidarité minorants et majorants. Dans le langage courant, il s’agit du malus et du bonus instaurés en 2019. Le premier, censé contraindre les cotisants à rester en activité pendant un an même après avoir atteint le taux plein dans le régime de base, correspond à une décote temporaire (trois ans) de 10 % sur la partie complémentaire de la retraite. Avec le recul de l’âge imposé par la réforme, ce malus devient particulièrement injuste. Le second est une majoration de pension accordée pendant une seule année à la condition de travailler deux ans de plus après avoir atteint le taux plein. « De fait, il était extrêmement difficile de pouvoir bénéficier de ce dispositif, en outre très contraint dans le temps », souligne Sylvie Durand, chargée de la question des retraites à l’Ugict-Cgt et membre de la délégation Cgt.
L’U2P et du Medef « ne se sont pas prononcés mais n’ont pas défendu leur maintien », précise la délégation, et leur silence suggère que la porte est ouverte à la suppression de ces coefficients dits « de solidarité ». La Cgt – tout comme la Cftc et la Cfe-Cgc – veut aller plus loin et demande que cette suppression s’applique, non seulement aux nouveaux « liquidants » mais aussi à toutes celles et ceux qui y ont été assujettis dans les trois années précédant l’entrée en vigueur de l’accord. Dans tous les cas, elle ne se satisfera pas d’un accord qui entérinerait cette seule avancée. « Ce serait accepter qu’un arbre cache la forêt », commente Sylvie Durand.
Stopper la baisse continue du rendement des pensions
La forêt, c’est la baisse continue du rendement de la cotisation des pensions complémentaires, singulièrement pour les cadres qui, nés en 1996, percevront au mieux 54,6 % de leur salaire net en fin de carrière au moment de liquider leur retraire en 2062, contre 63,7 % pour ceux nés en 1951 et partis en 2015. Il faut savoir en effet que si 100 euros de cotisations ouvraient droit à 11,94 euros de pension à l’Agirc et 11,17 à l’Arrco en 1993, ils ne « rapportent » plus que 7,43 euros aujourd’hui. Cette chute du rendement a pour effet de pousser les cadres vers la capitalisation.
La Cgt poursuit donc un double objectif : garantir le niveau des futures retraites par rapport aux salaires de fin de carrière ; garantir l’augmentation du pouvoir d’achat des pensions à parité avec celle des salaires. Ce qui entre en opposition avec une indexation sur les prix de la valeur de service du point (montant annuel de pension auquel un point donne droit), et de son prix d’achat (montant de cotisation nécessaire à l’acquisition d’un point) sur les salaires. Dans la mesure où le montant de la retraite s’obtient en multipliant la valeur de service par le nombre de points acquis tout au long de la carrière, les négociations portant sur ces deux variables sont cruciales.
À cette exigence, la Cgt ajoute d’autres propositions. Primo, sur la création de nouveaux droits : s’appuyant sur la réalité des carrières, elle demande l’attribution annuelle d’un minimum de points de retraite pour compenser les effets de la précarité, tout comme la prise en compte des années d’études dans la constitution des droits à retraite des salariés diplômés. Sur la lutte contre les inégalités femmes-hommes : elle propose la mise en place d’une contribution en faveur de l’égalité salariale, modulée entreprise par entreprise, en fonction de l’ampleur des inégalités. Cette contribution, qui dégagerait de nouvelles ressources, aurait vocation à s’éteindre dès l’égalité atteinte.
Mettre fin au pilotage du régime par les réserves
Enfin, elle veut remettre en cause le pilotage des régimes par les réserves : mis en place en 2019, il impose de détenir en réserve un minimum de six mois d’allocation sur une période glissante de quinze ans ; si tel n’est pas le cas, cela se traduit par une réduction du niveau des futures pensions et du pouvoir d’achat des retraités. Cette « néo-règle d’or » ou ce « carcan » pour reprendre les termes de la Cgt, « aboutit à un système dont l’objectif n’est pas de réaliser des réserves de précaution, mais de piloter financièrement le régime, sur la base du principe des cotisations définies », explique Sylvie Durand. La Cgt y oppose un système à prestations définies, dans le cadre duquel ce sont les cotisations qui s’ajustent aux besoins, et non l’inverse.
Ces négociations, qui doivent déboucher en octobre sur un accord couvrant la période 2023-2026, concernent donc aussi bien les retraités que les actifs. L’une des difficultés tient à la dispersion des organisations syndicales qui, pour l’heure, ne sont unanimes que sur la suppression des coefficients de solidarité. Le travail en commun s’appuyant sur l’intersyndicale s’avère donc précieux, alors que les organisations patronales ont prévenu : elles discuteront uniquement des revendications portées par l’ensemble des syndicats.
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