L’histoire culturelle des cheveux et des poils à travers les âges

Au Musée des arts décoratifs, une exposition remarquablement pensée explore ce thème insolite, riche d’une multitude de significations, qui en disent long sur les variations épisodiques des mentalités en Occident.

Édition 032 de mi-juin 2023 [Sommaire]

Temps de lecture : 3 minutes

Légende : Marisol Suarez, Perruque tressée, 2020. © Katrin Backes

Mine de rien, car on a relativement peu théorisé sur le sujet, depuis des siècles la coiffure et le traitement de la pilosité jouent un rôle capital dans la constitution des apparences. Denis Bruna, conservateur en chef du département mode et textile au Musée des arts décoratifs, affirme d’emblée, présentant l’exposition «  Des cheveux et des poils  », que «  leur arrangement, élément essentiel de la mise en scène de soi, véhicule un message  ».

Cela peut impliquer une conviction, voire une contestation, l’adhésion à une mode et, en même temps, mettre en jeu, de manière plus ou moins ostentatoire, les notions de féminité et de virilité, pour ne rien dire de la simple négligence. L’exposition aligne, sur deux niveaux, plus de 600 œuvres et objets, du XVe siècle à nos jours, passant en revue l’ensemble des thèmes propres à l’histoire de la coiffure, mais aussi les questions liées à la pilosité faciale et corporelle.

Le parcours se déroule au sein d’une atmosphère où les nuances de blond, de brun et de roux rappellent les couleurs principales de la chevelure. Chemin faisant, on interroge ce qui fait du poil, dans les cultures gréco-romaine et judéo-chrétienne, une caractéristique de l’animal et de la sauvagerie, ce qui explique que le poil a été constamment dompté, afin d’éloigner de la bête la femme, ou l’homme.

Extravagantes coiffures sans cesse renouvelées

Quiet Moon, coiffure par Nicolas Jurnjack (2014). c Nick Norman

La première partie de l’exposition envisage la coiffure féminine. Au Moyen Âge, selon l’injonction de saint Paul, le port du voile s’impose aux femmes, jusqu’au XVe siècle. Peu à peu, elles l’abandonnent. Elles vont arborer d’extravagantes coiffures sans cesse renouvelées. Au XVIIe siècle, dans l’aristocratie, triomphent la coiffure « à l’hurluberlu », celle de Madame de Sévigné ou celle dite « à la Fontange », d’après le nom de cette maîtresse de Louis XV.

Le comble de l’excentricité est atteint vers 1770, avec les coiffures en altitude dites poufs, tandis que le XIXe siècle ne sera pas en reste, avec les coiffures alambiquées dites « à la girafe », en tire-bouchons ou « à la Pompadour ». De fait, on assiste à toute l’histoire de la chevelure féminine domptée, grâce à de nombreux portraits et à des objets et accessoires tels que peignes de luxe, perruques, postiches, teintures et, à partir de 1920, machines à permanente et séchoirs. Les maîtres coiffeurs sont représentés, ainsi que les bustes de mannequins aux cheveux ondulés, pour ne rien dire de la choucroute de Brigitte Bardot…

Chauve très jeune, Louis XIV imposa la perruque «  à cheveux vifs  »

Eugène Paseau, Fernand Fourgues, capitaine de l’Aviron bayonnais (1912), huile sur toile. Bayonne, musée Basque et de l’histoire de Bayonne. © A. Arnold/Musée basque et de l’histoire de Bayonne.

Au temps jadis, il était impensable qu’une femme bien née, comme on dit, soit livrée aux regards les cheveux dénoués. Un bref chapitre est consacré aux cheveux en tant que souvenirs de défunts ou bijoux sentimentaux. Faisons la transition avec les hommes, en rappelant que, chauve très jeune, Louis XIV imposa la perruque «  à cheveux vifs  » à la cour.

Quant au poil, c’est exhaustif. En voici l’histoire en toutes ses étapes. Vers 1520, après les visages glabres du Moyen Âge, apparaît la barbe comme signe de force et de courage. Au début du XVIe siècle, François 1er, Henri VIII et Charles Quint, rois guerriers, sont barbus. Des années 1630 jusqu’à la fin du XVIIIe, le visage imberbe et la perruque font l’homme de cour. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle, le plus poilu d’entre tous, que s’imposent la moustache, la barbe et les favoris. Signe des temps, à présent, les barbiers reprennent du poil de la bête.

  • Jusqu’au 17 septembre, au Musée des arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, Paris Ier. https://madparis.fr/