Le peintre vénitien Giovanni Bellini et ses divers «  influenceurs  »

Au musée Jacquemart-André, c’est la première exposition en France de ce grand maître de la couleur et de la lumière, qui n’a cessé d’ouvrir les yeux au milieu de ses pairs, dans une période élue de la Renaissance.

Édition 033 de fin juin 2023 [Sommaire]

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Giovanni Bellini, La Vierge et l’Enfant entourés de saint Jean-Baptiste et d’une sainte (Sainte Conversation Giovanelli), vers 1500, tempera et huile sur bois, 54 × 76 cm, Gallerie dell’Accademia, Venise. © Archivio Fotografico su concessione del ministerio della Cultura.

Une cinquantaine d’œuvres, prêtées par des collections publiques et privées européennes, mettent parfaitement en relief l’art de Giovanni Bellini (vers 1435-1510), ainsi que les influences qui ont pu concourir à sa peinture, car il a vécu et œuvré au milieu d’artistes de valeur, qui ont pu lui être des «  modèles  » successifs à divers titres.

Giovanni est le fils naturel de Jacopo Bellini (1423-1470), un peintre de formation gothique mais bientôt converti aux innovations de la Renaissance au contact de Gentile da Fabriano, dont il a été l’élève à Florence. Giovanni a un demi-frère aîné, Gentile (1429-1507), également peintre. Les Bellini constituent une dynastie.

Les bouleversements apportés à l’art par Mantegna

Formés dans l’atelier du père, Gentile et Giovanni commencent par peindre à quatre mains. L’adolescence de Giovanni se déroule alors que des novateurs d’envergure, Paolo Uccello, Filippo Lippi et Andrea del Castagno travaillent à Padoue et à Venise. De surcroît, Venise et sa région connaissent les profonds bouleversements apportés à l’art par Andrea Mantegna (1430-1506), dont Giovanni pourra s’inspirer de près, pour ainsi dire, puisque Mantegna épousera, en 1453, sa sœur Nicolosia.

De Mantegna, Giovanni Bellini retient le classicisme du trait et la maîtrise de la perspective, tandis que sa peinture se fait plus monumentale grâce, notamment, à l’étude des œuvres du sculpteur Donatello, qu’il peut voir à Padoue.

Des ciels d’aube purs, ou teintés par le soleil couchant

Giovanni Bellini, Christ mort soutenu par deux anges (vers 1470-1475), détrempe et huile sur bois, 82,9 × 66,9 cm, Gemäldegalerie, Berlin. © Christoph Schmidt/Gemäldegalerie, Staatliche Museen zu Berlin

En 1475, Antonello de Messine arrive à Venise. Il a su mêler le goût du détail – propre aux peintres flamands – aux constructions spatiales spécifiques des artistes d’Italie centrale. Giovanni emprunte aux Flamands la peinture à l’huile, ce qui lui permet d’apporter une inflexion esthétique à son œuvre. L’art byzantin lui est une autre source d’inspiration. Ses figurations de Vierges à l’enfant ont en effet manifestement à voir avec les madonesbyzantines.

Par ailleurs, ce que l’on nomme les «  saintes conversations  » en plein air de Giovanni Bellini trouvent un écho plastique dans la topographie des paysages de Cima da Conegliano (1469-1517). Les fonds de paysages de Giovanni Bellini sont dominés par des verts profonds, auxquels s’associent des ciels d’aube purs, ou légèrement teintés par le coucher du soleil.

Fécondité artistique de Venise la cosmopolite

L’ultime période de Giovanni Bellini sera marquée par une touche vibrante d’une modernité confondante. Enfin, ayant pour élèves Giorgione et le Titien – excusez du peu –, le vieux Bellini prendra chez eux du feu pour réinventer son style.

L’histoire de Giovanni Bellini est révélatrice de son désir inépuisable d’aspirations renouvelées. Les œuvres de ce maître de la couleur et de la lumière, exécutées au fil d’un permanent jeu de miroirs et d’influences, témoignent à l’envi de la fécondité artistique de Venise – ce carrefour obligé de la civilisation – à un moment historique capital, quand la ville est devenue la plus riche et la plus cosmopolite du monde chrétien.

Mise en regard avec des œuvres de la fratrie Bellini

Giovanni Bellini, Vierge à l’enfant (vers 1450-1453), détrempe, huile et or sur bois, 76,8 × 53 cm, Collection particulière. © Arrs/La Haye.

Dans un esprit comparatiste digne d’éloge, les tableaux de Giovanni Bellini sont mis en regard avec des œuvres de son frère Gentile, de Donatello, de Hans Memling, de Cima da Conegliano, de Giorgione, de Mantegna (son fameux Ecce Homo, vers 1500, idéale représentation du Christ de douleur), d’Antonio de Messine…

Cette importante exposition bénéficie de prêts exceptionnels de la Gemäldegalerie de Berlin, du Museo Thyssen-Bornemisza de Madrid, de la Galleria Borghese de Rome, du Museo Correr, de la Gallerie dell’Accademia et de la Scuola Grande di San Rocco de Venise, du Museo Bagatti Valsecchi de Milan, du Petit Palais de Paris et du musée du Louvre.