Chronique invitée -  49-3 et ça repart  !

Le pouvoir a été acculé à dégainer le 49-3 pour faire adopter sa réforme des retraites. Notre mobilisation exceptionnelle a fait capoter l’accord avec la droite et les diverses tentatives de pression sur les député.e.s.

Édition 027 de mi-mars 2023 [Sommaire]

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Cette réforme n’a donc aucune légitimité. En décidant de passer en force, Emmanuel Macron prend la lourde responsabilité d’ajouter à la crise sociale une crise démocratique et politique. C’est une faute grave pour celui qui a été élu pour faire barrage au Rassemblement National. Mais aussi une erreur stratégique car contrairement à ce qu’il pensait, le 49-3 ne clôt pas le cycle de mobilisation. Au contraire. Il crée une énorme indignation. Celle d’être confronté à un mauvais perdant qui au dernier moment quand il sait être minoritaire change les règles du jeu et n’organise pas de vote. Le 49-3 cimente l’intersyndicale, déterminée à continuer jusqu’au retrait. Il permet à la mobilisation de franchir un cap, avec une nouvelle journée d’action record notamment dans le privé, de nouvelles grèves reconductibles – dans les raffineries et dans l’éducation notamment qui viennent appuyer celles de l’énergie, des cheminot.e.s, des dockers et des éboueurs– et un élargissement à la jeunesse. Alors que la mobilisation a été encadrée pendant 2 mois par les syndicats évitant ainsi tout débordement, le choix du gouvernement de passer outre et de ne même pas recevoir les organisations syndicales accrédite l’idée dangereuse selon laquelle la mobilisation pacifique ne servirait à rien. Une nouvelle phase s’ouvre : à l’action syndicale classique s’ajoutent des actions imprévisibles et permanentes à l’image de ce qui s’est produit pendant le mouvement des Gilets Jaunes. Le Président des riches est donc maintenant également le Président du chaos. Il espère s’en sortir en jouant le « pourrissement », avec une répression tous azimuts. Les gardes à vues et violences policières contre les manifestant.e.s se multiplient tout comme les scandaleuses procédures de licenciements, poursuites pénales et réquisitions de grévistes, dans l’énergie ou les déchets par exemple.

En parallèle, la réforme est fragilisée juridiquement  : elle fait l’objet d’une saisine devant le conseil constitutionnel avec une probabilité de censure partielle, et d’un Référendum d’Initiative Partagée. Le RIP est un dispositif complexe, qui n’a jamais abouti jusque-là, mais, en parallèle à la poursuite des grèves et des manifestations, il peut contribuer au retrait. Rappelons-nous  : en 2006, l’organisation de deux journées d’actions rassemblant trois millions de manifestant.e.s, l’unité syndicale maintenue au forceps et la poursuite des grèves étudiantes avaient permis, un mois après son adoption par 49-3, de gagner l’enterrement du Contrat Première Embauche.

La mobilisation contre la réforme des retraites n’est donc pas finie mais elle a d’ores et déjà marqué de nombreux points. Emmanuel Macron ne peut plus dérouler ses réformes libérales et autoritaires. Il n’a pas de majorité parlementaire. Il est confronté à une défiance et une colère profonde. Les syndicats ont montré leur rôle central et l’unité syndicale fait tâche d’huile dans de nombreuses branches et entreprises avec des combats communs pour les salaires par exemple qui renforceront le rapport de force face au patronat. La mobilisation de nombreux cadres et technicien.ne.s aura un impact positif sur les collectifs de travail. La dégradation des conditions de travail comme la situation des femmes ont été mises sur le devant de la scène, et la revendication de la retraite à 60 ans fédère très largement. Fier.e.s du chemin accompli ce n’est certainement pas le moment de lâcher dans la dernière ligne droite !

Chronique initialement publiée dans L’Humanité Magazine du 23 mars 2023