Autour de la grève des garçons de café parisiens, en 1907, l’artiste Mathieu Colloghan a bâti un récit graphique, riche en digressions sur la dignité et la solidarité ouvrière.
Le 17 avril 1907 au soir, les terrasses des brasseries parisiennes sont soudain désertées par les garçons de café. Comme un seul homme, ils rendent leur tablier, plantant là consommateurs ahuris et patrons désemparés. La grève a été votée la nuit précédente, à 3 heures du matin, lors d’un meeting convoqué à la bourse du travail par le syndicat Cgt des limonadiers. Une circulaire secrète a, dans la foulée, été distribuée au personnel des grands cafés de la capitale : à 19 heures, grève surprise de toute la corporation. Ça a marché du tonnerre, et la grève va durer jusqu’au 3 mai, avec des assemblées à 2 000 à la bourse du travail.
Ras-le-bol des horaires exténuants (quatorze à quinze heures par jour), de l’absence illégale de repos hebdomadaire, de la rétribution aléatoire (non en salaire, mais en pourboire), des frais annexes à payer au patron (pour la vaisselle volée ou cassée, les allumettes ou le papier à lettre demandés par les clients). Ras-le-bol aussi de l’interdiction… de porter la barbe et la moustache !
C’est sur cette revendication secondaire, mais bien présente dans la grève, que Mathieu Colloghan a bâti son dernier livre illustré, utilisant, pour raconter la grande histoire sociale, une – pas si petite – histoire de pilosité. À l’époque, en Europe, la moustache posait un homme, une autorité. Son port était obligatoire pour les gendarmes, mais interdit aux domestiques… et aux garçons de café, plaçant ces derniers dans une position d’infériorité humiliante, honteuse même pour leurs épouses. « Pour cette revendication, les femmes sont les plus intransigeantes », affirmera aux journalistes le secrétaire du syndicat, Eugène Protat – fièrement moustachu et barbichu, pour le coup.
Couverture
Mais impossible de parler de la grève des limonadiers sans évoquer, à l’arrière-plan, les autres luttes ouvrières dont s’inspirent les limonadiers : les électriciens, qui ont plongé la capitale dans le noir ; les boulangers, qui ont saboté les fours en y versant du pétrole… Impossible aussi de ne pas parler des luttes du prolétariat ubérisé d’aujourd’hui. Tout cela, Colloghan, artiste engagé – ceci dit sans galvauder l’épithète – le fait avec beaucoup d’humour, dans un récit graphique aux personnages colorés, saillants… et souvent moustachus.
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