Financement des retraites (2/2) : propositions pour une autre réforme

Comment financer et conforter le système par répartition ? Délibérément ignorées par le gouvernement, des marges de manœuvre existent pour augmenter les ressources des régimes, à condition de questionner la répartition des richesses. Le gouvernement comme le Medef s’y refusent.

Édition 025 de mi-février 2023 [Sommaire]

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Parmi les propositions alternatives de financement : la création d’une contribution sociale sur les dividendes.© IP3Press/MaxPPP

Silence au Medef. S’il est un acteur que l’on entend plus aujourd’hui, c’est bien l’organisation patronale. Parce que la réforme des retraites actuellement en débat à l’Assemblée nationale fait reposer l’intégralité des efforts de financement sur le monde du travail, quiconque dresse ce constat ne peut être étonné.

Mieux : lors de la présentation du projet, le 10 janvier 2023, Élisabeth Borne a tenté un tour de passe-passe en évoquant l’augmentation d’une contribution patronale sur la retraite… immédiatement et « symétriquement » compensée par une baisse des cotisations sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Pour les employeurs, le « jeu » est donc à somme nulle : « Le dogme de non-augmentation du “coût” du travail et des impôts reste ainsi intact, et ce alors même que les profits sont records », dénonce la Cgt.

C’est qu’à écouter Geoffroy Roux de Bézieux, on n’aurait « pas d’autre choix » que de repousser l’âge légal de la retraite à 64 ans ne pas le faire serait « reculer pour mieux sauter ». Le président du Medef a martelé cette idée pendant plusieurs semaines, notamment dans un entretien au Journal du Dimanche, tout en critiquant la seule mesure, non contraignante, destinée aux employeurs : la mise en place d’un « index seniors », à terme, dans les entreprises de plus de 300 salariés.

« Nos recherches montrent qu’il existe bien d’autres analyses de l’état de notre système de retraites », affirment pourtant plus de 200 universitaires dans une tribune publiée dans Le Monde. Qui expliquent : au prétexte d’une absence d’alternative, il s’agit en réalité de « clore le débat en donnant l’illusion que cette “réforme” comme tant d’autres avant elles, ne serait pas un choix politique ou un choix de société, mais bien une nécessité absolue et indiscutable, qu’il faudrait juste avoir le courage politique de mettre en œuvre ».

Remettre en question les exonérations de cotisations sociales

« There is no alternative » : cette phrase prononcée par Margaret Thatcher est devenue au fil des décennies un leitmotiv des gouvernements successifs. Comme si, en l’occurrence, les déficits – modestes – des régimes de retraites à l’horizon 2030, devaient être réglés par les seules mesures d’âge, report de l’âge légal et accélération de la durée d’assurance (172 trimestres, au lieu de 169) pour atteindre le taux plein. Le débat sur les ressources, pour financer et conforter le système par répartition, est ainsi délibérément occulté. À aucun moment, par exemple, la politique d’exonération des cotisations sociales (75 milliards d’euros en 2022) qui « vident les caisses », pour reprendre l’expression des signataires de la tribune, n’est remise en question.

Dès l’annonce de la réforme, l’intersyndicale alerte sur ce refus de débattre des ressources : « Attachées à un meilleur partage des richesses, les organisations syndicales n’ont eu de cesse de proposer d’autres solutions de financement, à commencer par l’emploi des seniors. Jamais le gouvernement, arc-bouté sur son projet, ne les a étudiées sérieusement. »

Le financement des retraites est pourtant un sujet central qui questionne la répartition des richesses entre le capital et le travail. C’est le sens des propositions formulées par la Cgt, connectées plus globalement à la Sécurité sociale, dont les retraites font partie. Parmi elles, outre la lutte contre le chômage et l’augmentation des salaires ou du point d’indice dans la fonction publique : la mise à contribution du capital par un élargissement de l’assiette de cotisations ; l’augmentation de l’assiette des revenus soumis à cotisations (intéressement, participation…) ; le déplafonnement des cotisations pour les salaires au-dessus de 27 500 euros par mois ; l’instauration d’un « malus » sur les emplois précaires ; la réalisation de l’égalité salariale via la création d’une contribution temporaire patronale… À elle seule, cette dernière mesure permettrait de dégager 5,5 milliards d’euros de ressources supplémentaires.

Pour financer ces propositions dans le but d’un retour à la retraite à 60 ans avec un taux de remplacement de 75 % au moment de la liquidation, il faudrait dégager 4 points de Pib, a estimé le Conseil d’orientation des retraites. C’est donc significatif mais possible, cela relève d’un choix de société, comme le montre  Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral, représentant de la Cgt au Cor.

Au fond, il s’agit de trancher entre deux conceptions de la retraite : faire absorber l’augmentation de l’espérance de vie – si elle se poursuit – par une durée plus longue de vie au travail ou faire de la retraite un âge de la vie où chacun peut bénéficier d’une période de repos et de loisirs, en relative bonne santé.