L’État français s’endette aujourd’hui à – 0,3 % sur dix ans. Cela peut-il durer ?
Avec la « dette publique » de quoi parle-t-on exactement ? Cette dette est en réalité le produit d’un déficit public qui s’accumule d’année en année lorsque les dépenses – de l’État, des collectivités territoriales, de la Sécurité sociale – sont supérieures aux recettes. Ce déficit est alors financé par le recours à la dette, via l’émission de titres financiers, bons du Trésor à court terme ou obligations assimilables du Trésor à plus long terme. En 2020, ce déficit public s’est établi à 206 milliards d’euros, contre 73 milliards un an plus tôt.
Ces titres financiers sont achetés par des acteurs qui font des offres de taux. À charge pour l’État de choisir l’offre qui lui convient le mieux. Ces acteurs sont des organismes institutionnels, fonds de pension, banques, assureurs ou agences de notation. « Cela pose un premier problème, souligne Alban Pellegris, membre du collectif des Économistes atterrés et coauteur d’un ouvrage sur la dette publique * : la dépendance des États vis-à-vis des marchés financiers », avec la « possibilité » donnée à ces acteurs privés de proposer les taux.
Pour l’économiste, cette position de force relève d’un choix politique qui, au sein de l’Union européenne, repose sur deux leviers : la liberté de circulation des capitaux et l’impossibilité pour les banques centrales d’acheter directement les titres émis par les États.
Pour faciliter les comparaisons internationales, cette dette publique (2 674,3 milliards d’euros) est exprimée en pourcentage du Pib (120 % en 2021). En théorie, une dette égale à 100 % du Pib pourrait être remboursée en une année si l’ensemble des richesses produites y étaient consacrées. Deuxième problème : « Si cela est un indicateur pratique, il ne permet pourtant pas de “juger” de la gravité de la situation d’un pays », prévient l’économiste Léo Charles *, également membre des Économistes atterrés, prenant l’exemple du Japon qui possède une dette égale à 240 % de son Pib. Aucun travail scientifique n’a d’ailleurs mis en évidence l’existence d’un seuil « fatidique ». En réalité, ce seuil relève d’un chiffrage politique.
Faut-il la rembourser ? Si les États ont la capacité de « faire rouler la dette », ce qui compte, explique-t-il en substance, c’est la capacité à verser les intérêts que l’on doit aux créanciers. La charge de la dette représente environ 40 milliards d’euros, chaque année, pour l’État français. Or, aujourd’hui, les taux sont négatifs. À dix ans, l’État français s’endette aujourd’hui à – 0,3 %. Une « anomalie » qui peut s’expliquer par au moins deux facteurs, souligne Léo Charles : « l’action de la Banque centrale européenne dans le rachat des titres, et le décalage existant entre l’excès d’épargne et la faiblesse des investissements ». Sans que personne ne puisse dire si ce phénomène peut être durable.
C. L.
Les Économistes atterrés (Éric Berr, Léo Charles, Arthur Jatteau, Jonathan Marre et Alban Pellegris), La Dette publique. Précis d’économie citoyenne, Seuil, janvier 2021.
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