Europacity – La terre résiste au béton

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Dans le « Triangle de Gonesse » L’innovation économique, sociale et écologique pourrait prendre un autre visage que celui d’un mégaparc de loisirs consuméristes.

C’est une victoire importante pour les opposants au projet de complexe touristique, commercial et hôtelier Europacity, qui doit être construit d’ici à 2024 dans le Val-d’Oise, sur une des surfaces agricoles les plus fertiles d’Île-de-France (lire Options, février 2017). Le 12 mars, le tribunal administratif de Cergy a annulé le classement en « zone à urbaniser » de ces 280 hectares, et condamné la ville de Gonesse, dont le conseil municipal avait voté en septembre 2017 une révision du plan local d’urbanisme (Plu) contre l’avis du commissaire enquêteur requis dans ce dossier. Le tribunal va au-delà des réquisitions du rapporteur public, qui demandait l’annulation de la révision du Plu. Il condamne aussi la commune aux frais de justice et à 1 500 euros de pénalité pour chacun des plaignants, notamment le Collectif pour le triangle de Gonesse (Cptg) (À retrouver sur www.nonaeuropacity.com.). Le 6 mars 2018, le même tribunal avait déjà annulé l’arrêté préfectoral autorisant la création d’une zone d’aménagement concertée sur ce périmètre.

Les opposants se félicitent que la justice ait gelé de facto le démarrage du chantier en s’appuyant sur le Code de l’urbanisme, notamment au regard des enjeux écologiques et des nuisances sonores : les 500 logements étaient en effet prévus dans une zone classée non habitable compte tenu de la proximité des aéroports de Roissy et du Bourget. Le jugement précise que « cette urbanisation concerne des terres particulièrement fertiles, alors que les bénéfices escomptés, en particulier en termes de créations d’emplois ne sont pas établis ». Il souligne également que la commune de Gonesse aurait dû donner toute sa place, dans le débat public, à une « alternative sérieuse » à son projet, dès lors qu’il est « de nature à affecter considérablement l’environnement local et régional ». Les promoteurs du projet se sont contentés de promettre plus de 3 milliards d’euros d’investissements, 12 000 emplois et 31 millions de visiteurs par an – dont 6 millions de touristes !

Un métro en pleins champs, cheval de Troie du projet

Pour rappel, ce projet, piloté par une filiale du groupe Auchan, associée au géant chinois Wanda, est le fruit d’une vision mégalomane du développement, qui ne devrait plus être d’actualité dans un contexte d’urgence environnementale. Construire un immense parc d’attractions, des hôtels, un centre commercial, un centre d’affaires, dans une zone déjà saturée en la matière, et sans garantie d’emplois pour des populations riveraines pourtant sinistrées, ne ressemble plus qu’à une opération immobilière surgie ex nihilo. L’État et la Région soutiennent pourtant cet « aménagement du territoire » puisque 1 milliard d’euros doivent être investis dans la construction d’une station de métro du réseau Grand Paris Express (la ligne 17) pour desservir Europacity. C’est sur cette échéance que se cristallise désormais le bras de fer : les travaux doivent débuter en novembre et ne sont pas compromis par les décisions de justice, ce qui veut dire qu’une station de métro pourrait être construite… à 1,7 kilomètre de toute habitation existant à l’heure actuelle ! Mais ce n’est qu’à ce prix que les promoteurs d’Europacity peuvent espérer vendre leur projet « à 7 minutes en train de l’aéroport de Roissy et à 24 minutes de Paris »…

Une autre conception de la ville et du lien social, de l’utilisation de l’argent public pour valoriser le territoire, du développement d’emplois utiles et pérennes, est défendue par une multitude d’associations et d’organisations, parmi lesquelles la Cgt locale et régionale. Les projets à échelle humaine, économiquement et socialement soutenables, et compatibles avec une meilleure gestion de l’environnement, ne manquent pas. Ainsi du projet alternatif Carma (Coopération pour une ambition agricole, rurale et métropolitaine d’avenir) (À retrouver sur www.carmapaysdefrance.com), qui propose la création d’un pôle d’excellence d’agroécologie périurbaine, expérimentant in vivo transition énergétique et économie circulaire. Autant de projets qui seront une nouvelle fois détaillés lors de la 3e Fête des terres de Gonesse les 18 et 19 mai. En attendant un automne qui s’annonce chaud.

Valérie GÉRAUD