Pour commencer, nous ne pouvons qu’être rassuré.es de voir que, dans le contexte de ces élections, non seulement le vote républicain a fonctionné, mais également que les Français et les Françaises se sont mobilisé·es massivement, avec un taux de participation de 66,7 %.
Si le RN termine très loin de la majorité absolue, le camp présidentiel bien qu’essuyant un fort recul, décroche la deuxième place. Mais c’est bien le Nouveau Front Populaire qui arrive en tête avec 182 député·es. Cette union de la gauche représente un espoir pour une large partie des citoyen.nes. Le front républicain a donc permis de limiter le nombre de député.es d’extrême droite. Mais ce parti réalise une progression historique, en nombre de député·es comme en nombre de voix.
Les bons résultats électoraux du NFP ne nous exonèrent pas de décrypter les raisons du vote RN et l’évolution sociologique de son électorat comme ils ne nous exonèrent pas de travailler, dès cet été, à la construction d’une rentrée sociale offensive capable de peser sur l’Assemblée nationale pour obtenir – à minima – des augmentations de salaire, le retrait de la réforme des retraites et l’amnistie des syndicalistes durement réprimés lors des derniers mouvements sociaux. Nous ne devons pas perdre de vue le besoin de mesures politiques fortes pour répondre à la crise climatique, sujet à la fois invisibilisé durant la campagne électorale et instrumentalisé par le RN.
Le vote RN en progression chez les cadres et les professions intermédiaires
C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron fait le choix d’évincer les Institutions en s’adressant directement aux Français, dans un courrier par lequel il ne reconnaît pas la victoire du Nouveau Front Populaire. Sa posture s’apparente à un coup d’Etat destiné à reprendre ce que les électrices et les électeurs ne lui ont pas donné. C’est un total dévoiement de la fonction présidentielle pour redonner la main à la classe dominante et rétablir la politique qui a mené à la catastrophe. L’heure est grave et le Président veut sauver les profits plutôt que d’améliorer nos vies, nous enfermer une fois encore dans l’austérité et la politique de l’offre, plutôt que de répondre à l’exigence de plus de justice sociale et environnementale.
Pourtant, dans la montée historique de l’extrême droite à l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron porte une lourde responsabilité. Pas seulement en raison de sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale au pire moment, mais aussi du fait de la mise en œuvre de pratiques répétées anti-démocratiques, comme le 49.3, délégitimant ainsi le Parlement.
En conséquence, Emmanuel Macron et son parti ont perdu toute crédibilité pour se présenter en rempart contre l’extrême-droite. Le vrai « rempart » contre l’extrême droite, ce sont des mesures urgentes pour les salaires et les pensions, les conditions de travail et les services publics.
Si le vote RN semble ancré chez les ouvriers/employés, il progresse chez les professions intermédiaires et les cadres. Ainsi 1 cadre sur 4 et 1 profession intermédiaire sur 3 ont voté pour le RN. Pour les professions intermédiaires, c’est un doublement ! Il y a deux ans, elles étaient 17 % à voter RN, elles sont aujourd’hui 32 %.
Élections après élections, le différentiel de vote selon le genre a tendance à s’effacer. Désormais, une femme diplômée de l’enseignement supérieur sur trois a glissé un bulletin RN dans l’urne. Presque à égalité avec le vote des hommes, tout autant diplômés. Les intentions de vote des jeunes diplômé·es étaient orientées à 45 % pour les candidats du Nouveau Front Populaire et à 31 % pour ceux du RN.
Dans une tribune plus de 1000 diplômé.es de grandes écoles ont exprimé leur désaccord avec Patrick Martin, président du Medef, selon lequel « les programmes du RN et du Nouveau Front populaire sont dangereux pour l’économie ». L’expression de ce désaccord donne un espoir réel de voir arriver de nouvelles générations très impliquées à l’Ugict-CGT.
Au cœur de la colère sociale, l’absence de reconnaissance salariale
La question de l’augmentation du SMIC ne doit pas masquer les attentes des ingés, cadres, techs et professions intermédiaires. Cet été, notre baromètre confirme que l’absence de reconnaissance salariale est au cœur de la colère sociale des professions intermédiaires. Pour 72 % de ces salarié·es, le salaire fait partie des priorités de leur vie professionnelle. C’est une augmentation de 16 points en 3 ans. Si le salaire est devenu central pour les professions intermédiaires, c’est parce que cette catégorie socioprofessionnelle est celle qui a le plus perdu en pouvoir d’achat entre 1996 et 2022 (Insee). Pour l’Ugict-CGT, il faut un retour, dans les conventions collectives et dans la loi, à la reconnaissance des qualifications — à commencer par les diplômes – comme il faut restaurer l’échelle mobile des salaires.
Comme pour les autres salariés, elles sont touchées par l’augmentation du coût de la vie et la disparition des services publics qui a fait grandir la désaffection pour l’offre politique existante. Le Nouveau Front Populaire y oppose ses propositions d’indexation des salaires sur l’inflation ou de renforcement des services publics, avec un meilleur maillage territorial.
La CGT a su prendre ses responsabilités en appelant à soutenir le programme du Nouveau Front Populaire pendant que d’autres organisations syndicales se sont faites très discrètes durant cette période. Cette démarche a été vertueuse, en témoigne la forte augmentation des demandes d’adhésions.
Il est temps d’entendre ce qui s’est exprimé dans les urnes et d’améliorer nos vies. Il faut que nos exigences sociales soient entendues. À commencer par une revalorisation de l’ensemble des salaires en fonction des qualifications et la prise en compte des années d’études dans le calcul des pensions. Nous avons, de façon tout à fait inespérée, la possibilité dès à présent de jouer un 3e round sur les retraites avec l’opportunité de faire abroger la réforme Macron/Borne qui, à elle seule, incarne toute la violence sociale du macronisme. La retraite est la mère des batailles et ce totem doit être un des premiers à tomber.
L’Ugict-CGT appelle ses organisations et ses affilié.es à contribuer à construire une pression populaire et citoyenne cet été, notamment en s’inscrivant dans l’appel de la fédération des cheminots du 18 juillet à 12h, devant l’Assemblée nationale et à proximité des préfectures en territoire.