Le mégacomplexe est enterré, mais cette victoire ne garantit pas la concertation pour une valorisation plus écologique et sociale du territoire.
Enterré ! Le 7 novembre, à l’issue du troisième Conseil de défense écologique présidé par Emmanuel Macron, le chef de l’État a définitivement écarté le projet Europacity. Il prévoyait au moins un milliard d’euros de fonds publics pour accompagner la construction, d’ici à 2027, d’un mégacomplexe touristico-commercial bétonnant 80 hectares de terres fertiles sur le triangle de Gonesse (Val-d’Oise), à 15 kilomètres de Paris. Un énième centre commercial, des bureaux, des espaces dédiés à la consommation et aux loisirs, censés accueillir 30 millions ( !) de personnes par an, dans une logique d’accroissement du trafic aérien et du tourisme de masse. Une vision du développement économique « datée et dépassée », a finalement estimé le président de la République.
L’État aura pourtant tergiversé pendant des années avant de se rendre à l’évidence. Le président a cédé parce que ce projet devenait indéfendable dans un contexte où il peine à convaincre de sa volonté d’engagement dans la transition écologique, notamment en empêchant toute nouvelle artificialisation de terre cultivable. Les promoteurs d’Europacity – la filiale immobilière d’Auchan (Ceetrus) et le géant du loisir le chinois Wanda – n’ont d’ailleurs jamais obtenu l’adhésion des riverains ni de l’opinion publique, qui n’ont pas cru à la promesse de créer 10 000 emplois dans cette zone pourtant sinistrée, ni aux aménagements verdissant le projet au fil des décisions juridiques défavorables.
Leur baroud d’honneur, fin octobre : une campagne de publicité manipulant un sondage tendancieux, assortie d’une photo prise lors d’une manifestation de moins de 200 personnes réunies sous la bannière d’un « collectif des vrais gens » monté de toutes pièces, avec quelques dizaines de figurants récupérant des pancartes fabriquées par le promoteur, affirmant que « 81 % des habitants du territoire sont favorables au projet Europacity » : le même sondage Odoxa montrait pourtant que 76 % des sondés ne défendaient plus le projet s’il devait supprimer des terres agricoles.
Le projet n’aurait pas été abandonné sans la mobilisation tenace des dizaines d’associations de défense de l’environnement, des syndicats – dont la Cgt –, des commerçants, artisans, agriculteurs, habitants du territoire rassemblés depuis 2011 au sein du Collectif pour le triangle de Gonesse (Cptg) : il n’a cessé d’alerter l’opinion publique, d’organiser des actions, de mener un bras de fer administratif et juridique contre cette opération immobilière et commerciale.
Place à la concertation et à l’intérêt général ?
Le 6 novembre encore, le tribunal administratif de Montreuil a suspendu pour dix mois l’autorisation environnementale permettant de lancer le chantier de la gare du Triangle de Gonesse, sur la future ligne 17 du Grand Paris Express, qui se trouverait pour l’heure à 1,8 kilomètre de toute zone habitée, au milieu des champs où devaient s’installer Europacity et une Zac de 300 hectares. Les effets cumulés sur l’environnement semblent n’avoir pas été étudiés avec précision, notamment la gestion des eaux usées, et plusieurs espèces d’oiseaux protégées seraient menacées.
La tension retombe donc un peu. « Cette décision ne garantit cependant pas qu’une concertation de tous les acteurs va enfin être menée, en vue de développer un projet alternatif durable et qui préserve les terres agricoles », souligne Bernard Loup, président du Cptg). Le collectif défend l’adoption d’un projet ambitieux : Coopération pour une ambition rurale et métropolitaine d’avenir (Carma), élaboré avec des équipes d’agronomes, d’urbanistes, d’acteurs de l’économie circulaire et solidaire, d’agriculteurs. Il propose de « fournir une production agricole de qualité aux communes du territoire, d’investir dans les filières d’avenir de la transition énergétique, les emplois non délocalisables, la rénovation thermique du bâti, l’écoconstruction, le tourisme de proximité ».
Pour l’heure, le gouvernement n’a pas remis en cause l’emplacement et la construction de la gare Triangle de Gonesse, et a chargé le haut fonctionnaire Francis Rol-Tanguy de travailler à un projet « plus mixte, plus moderne » d’aménagement de ce territoire. Pour répondre en toute transparence aux besoins sociaux et dans l’intérêt général.
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