Le baromètre annuel Viavoice « Opinions et attentes des cadres » (détails sur www.ugict.ct.fr) témoigne que les cadres se perçoivent comme les perdants des réformes, et aspirent à plus de reconnaissance sociale et professionnelle.
Stigmatisés parce que considérés comme des privilégiés : dans tous les domaines, les cadres ont le sentiment d’être perdants à chaque réforme gouvernementale, sans pour autant jouir d’une reconnaissance sociale, ni même professionnelle. Si, globalement, la situation économique et sociale les affecte moins que d’autres catégories, les cadres font de curieux boucs émissaires dans un contexte où, comme l’a rappelé Marie-Jo Kotlicki, cosecrétaire générale de l’Ugict-Cgt, lors de la présentation du dernier baromètre cadres de l’Ugict fin octobre, « la France est championne d’Europe pour le niveau des dividendes versés aux actionnaires, et poursuit sa politique inefficace d’exonération de cotisations sociales et d’aides aux entreprises », sans oublier le mirage des effets de ruissellement sur l’économie après la suppression de l’impôt sur la fortune.
Ainsi, 73 % des cadres pensent que leurs droits à la retraite vont être amoindris, et 54 % estiment qu’ils seraient lésés en cas de chômage, alors qu’ils contribuent à hauteur de 42 % au régime d’assurance chômage pour des indemnisations ne représentant que 15 % de ses dépenses. Autre fait marquant : 59 % des cadres souffrent d’un manque de reconnaissance en termes de déroulements de carrières et de salaires. Ils estiment que leur évolution professionnelle sera marquée par la stagnation (52 %) ou la dégradation (13 %), sauf les moins de 30 ans (63 %).
Défiance persistante à l’égard des directions
Quant à la rémunération, elle est jugée par 56 % inadéquate par rapport au degré d’implication, à la charge de travail, au temps de travail réel, et par 48 % au vu de la qualification, et des responsabilités qui pèsent sur eux (45 %). Sur chacun de ces critères, les femmes affichent un taux d’insatisfaction supérieur aux hommes (entre 2 et 10 points de plus). Les cadres de la Fonction publique affichent une insatisfaction encore plus forte (de 18 et 25 points), après des années de gel du point d’indice et le développement de la politique salariale individualisée pour les cadres, l’évaluation individuelle étant rejetée pour son manque de transparence (58 %) et parce que fondée sur de mauvais critères (62 %).
La dégradation de conditions de travail ajoute au mal-être, les cadres n’adhérant guère aux discours managériaux leur promettant une « entreprise libérée », des « communautés de pratique », bref, l’épanouissement par le travail, alors qu’au quotidien, la charge de travail est en augmentation par rapport à 2018 pour 65 % d’entre eux, tout comme le temps de travail (54 %). Près d’un cadre sur deux travaille plus de quarante-cinq heures hebdomadaires, 23 % plus de quarante-neuf heures. Le forfait jours, dispositif français unique en Europe, concerne plus d’un cadre sur deux et alimente le phénomène. L’Ugict demande qu’il ne s’applique qu’aux cadres disposant d’une réelle autonomie et exige le retour à la référence horaire pour limiter les abus : 59 % des cadres déclarent travailler pendant leurs jours de repos, et ils sont 60 % (+ 3 points) à souhaiter que le droit à la déconnexion défendu par l’Ugict s’applique réellement, afin de préserver leur vie privée et leur santé.
Par ailleurs, 72 % des cadres ne se sentent pas associés aux choix stratégiques, et 53 % considèrent que leur éthique professionnelle entre en contradiction avec les pratiques réelles de leur entreprise ou administration. « De nombreux signaux montrent que le développement de nouvelles configurations spatio-temporelles et d’autonomie contrôlée, pilotées par des outils de gestion intégrée, nécessitent la définition de nouveaux cadres de régulation, souligne l’enquête. Or, la parole des cadres est peu prise en compte pour concevoir ces nouveaux cadres de travail qui intègrent de plus en plus les nouvelles technologies. » Dans cet esprit, la majorité des cadres souhaitent prioriser le contenu et le sens du travail, et 63 % se prononcent pour l’instauration d’un droit d’alerte effectif, revendiqué par l’Ugict, équivalent à un droit de refus (+ 4 points par rapport au baromètre 2018).
Enfin, quand on leur demande « À qui faites-vous le plus confiance pour défendre vos droits ou votre emploi », la réponse « moi seul » arrive toujours en tête pour 45 %, mais elle était à 52 % en 2012. « À un syndicat » arrive en deuxième position, pour 27 %, soit un gain de 10 points en cinq ans. Autant de signes de la défiance des cadres, qui encouragent l’Ugict à poursuivre son action, y compris au niveau des branches et de l’interpro, pour défendre des droits collectifs et un référentiel national reconnaissant le niveau de formation initiale ou acquise, l’autonomie dans le travail et la responsabilité sociale et économique des cadres.
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