L’une, campée par Clément Milian, est une jeune skateuse parisienne, paumée dans la cour des Miracles de la place Stalingrad. L’autre, suivi par Marc Fernandez, est un fils de narcotrafiquant d’Acapulco, que sa mère tente d’arracher à un destin mafieux. À travers eux, deux miroirs de notre monde.
Il était une fois Salomé. Appelez-là comme bon vous semble. Son nom est personne. Parfois, c’est Salamandre. Ou Gamine. Chewing-gum lui convient. Un surnom élastique, qui lui rappelle ses gadins en skate… Même pas mal ! Sa rage, aussi, qui rebondit contre les parois du monde. Du haut de ses 14 ans, elle clame qu’elle ne sera jamais la meuf de personne. Son doigt d’honneur, elle le brandit place Stalingrad. Le théâtre de ses prouesses sur planche à roulettes. Sa cour des Miracles…
Un jour, lui répète Rose, tout ça finira mal… Rose, c’est sa grande sœur. Enlisée dans son histoire de mec. Donc absente. Papa et maman aussi sont partis. En vrille. Double bang… Lui, flic, découche plus que de raison. Le boulot, mais pas seulement. On grappille les amours que l’on peut… Elle, hôtesse de l’air. Des jours lointains de silence. Des fugues sentimentales aussi, aux relents amers. Mais elle se soigne, elle prend des médicaments. Beaucoup… Le soir, dans l’appartement vide, Salomé s’endort dans les effluves du parfum maternel. Ténus, dans un tendre foulard…
Sdf, toxicos et dealers, elle les connaît tous
Chaque lendemain tinte comme un renouveau. Sdf, toxicos et dealers, elle les connaît tous. Sa rupture de nom et de repères, c’est parmi eux qu’elle la soigne. Eux, les forçats du bitume. Miroirs de ses douleurs et ses espoirs. Même pas peur. Enfin si, un peu, parfois… Heureusement, il y a Mamadou, un colosse. Sur le banc qu’il squatte, sa tête ne tourne pas toujours bien rond. Mais elle sait qu’elle peut tout lui confier. Lui dire que, deux semaines, c’est un triste record pour l’absence d’une mère… Et si, dans la Grosse Pomme, elle avait été victime d’un serial killer ? Le doute prospère… Le pire se tapit au fond d’un tunnel. Un monstre, aux dents pourries, prêt à en jaillir. Si Rose avait raison ? Il était une fois un été caniculaire, où même les rats déprimaient…
Clément Milian signe, avec Un conte parisien violent, un roman au titre péremptoire. Oui, nous sommes dans un conte, très noir, où les forêts enchantées cèdent un triste pas à l’asphalte citadin. Avec une princesse blonde, version trash de la Zazie de Raymond Queneau. Et un chevalier, certes brinquebalant, qui se dressera contre l’ogre…
Flirter avec le danger pour se prouver qu’elle respire
Comme nombre de fables, celle-ci relate une quête. Celle d’une gamine, ivre de solitude, pour qui la faune interlope, au pied de son immeuble, est un alibi existentiel. Flirter avec le danger pour se prouver qu’elle respire… Elle feint même d’ignorer les regards sur son corps qui commence à ne plus être celui d’une petite fille. Salomé l’intrépide, qui brave les ténèbres…
Si Clément Milian excelle à faire vibrer marginaux et personnages cabossés, c’est dans le portrait de sa princesse meurtrie, mémorable condensé d’impertinence et d’énergie, qu’il émeut. Et sa langue onirique, mais sans fioritures, rend palpable jusqu’au malaise la tension qui monte inexorablement.
Cartels de la drogue et plages paradisiaques
Pablo, lui, a 11 ans et rêve de devenir libraire. Il habite Acapulco, autrefois perle du Pacifique. Les cartels de la drogue ont investi les plages paradisiaques et s’y livrent une guerre sans merci. Le narcotrafiquant le plus redouté répond à l’alias d’El Bobby. De son vrai nom Roberto Aguilár, c’est un homme d’affaires avisé, passé maître dans le blanchiment d’argent. Olivia n’a jamais été dupe de la dérive mafieuse de son époux. Son amour, autant que son ambition assumée d’ascension sociale, s’en sont accommodés. Un jour, elle surprend Roberto en train d’apprendre à Pablo, leur fils, comment couper les doses de coke et préparer les sachets de poudre. Son univers trébuche et sa conscience se rebelle…
Marc Fernandez est romancier et journaliste, expert de l’Amérique latine. Héroïna met sa solide connaissance du terrain au service d’un polar ultradocumenté, qui en dit long sur la gangrène d’une nation par le trafic de drogue.
Olivia, abîme de larmes, de détermination et de courage
Le titre est à double détente. Entendre par héroïne, bien sûr, le poison blanc. Mais aussi Olivia et son combat. Celui d’une mère décidée, au risque de tout perdre, à préserver son enfant d’un destin empreint de violence et de sang. La lutte sera âpre, lourde d’imprévus et de conséquences…
Héroïna déroule un récit efficace, sans temps morts, où le rythme ne laisse pas hors champ la densité psychologique des protagonistes. La structure narrative joue habilement de deux points de vue, dont celui d’Olivia, abîme de larmes, de détermination et de courage. Et nous gratifie d’un final malin, somme toute logique, assorti d’une forte dose d’amertume.
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