Chronique européenne -
Vu d’Europe – Urgence sur les risques psychosociaux
Une « détérioration sans précédent des conditions psychosociales de travail à la suite de la pandémie ». Dans son rapport « Benchmarking Working Europe 2023 : Europe in transition — Towards sustainable resilience » l’ETUI (Institut syndical européen) a examiné de plus près l’évolution de la santé et de la sécurité au travail en Europe.
Selon une étude de l’European Trade Union Institute, publiée en mars 2023, l’assistance aux travailleurs en matière de risques psychosociaux n’est pas pleinement utilisée, moins d’une personne interrogée sur quatre (38 %) ayant accès à des conseils ou à un soutien psychosocial au niveau européen.
Ce qui ressort de ces données, c’est la nécessité de passer d’une approche individuelle à une approche organisationnelle dans la lutte pour la santé et la sécurité au travail, non seulement en ce qui concerne les risques psychosociaux, mais aussi pour concrétiser l’approche « Zéro décès au travail » portée par les syndicats et les institutions européennes. Depuis longtemps, les syndicats ont lancé un appel en faveur d’une législation européenne actualisée qui garantisse la protection des travailleurs, souvent sans réponse positive de la part de la Commission. La campagne EndStress d’Eurocadres est un exemple isolé de ces efforts qui n’ont pas encore été pris en compte.
Nécessité de mesures contraignantes
Les prochaines présidences belge et espagnole ont placé la demande d’une directive sur les risques psychosociaux liés au travail au centre de leurs efforts, et cela devrait faire consensus au Parlement européen et au Comité économique et social européen. Lors d’une récente consultation de la Commission sur une « Approche globale de la santé mentale », de nombreux répondants ont fait écho aux appels de la campagne EndStress à une directive, la Commission européenne semblant toujours isolée dans son approche non législative.
Alors que nous attendons, en mai, la publication d’un livre blanc de la Commission sur les risques psychosociaux, la nécessité de mesures contraignantes ne peut continuer à être ignorée. De plus en plus d’acteurs reconnaissent le besoin urgent d’une action européenne ; les législateurs doivent rapidement accepter que leur approche a échoué et qu’elle doit changer pour le bien des travailleurs européens.
Liberté des médias : un texte à améliorer pour de meilleures protections
En avril, notre travail s’est poursuivi dans le sens de l’amélioration de la loi sur la liberté des médias, un texte crucial pour la protection et la sauvegarde de l’indépendance du secteur. Malgré la positivité des efforts déployés pour protéger les travailleurs des médias et leur indépendance, la proposition de la Commission doit être améliorée pour être réellement efficace. Par exemple : en assurant la sécurité, la stabilité de l’emploi, la transparence et l’équité dans le domaine des médias et la protection des sources d’information dans la législation européenne. Alors que le texte contiendra des éléments qui se recoupent avec la directive sur les lanceurs d’alerte et la législation anti-Slapp (procédures bâillons), un texte autonome défendant l’industrie et ses travailleurs devrait être aussi complet que possible dans la protection offerte.
Avec la numérisation des lieux de travail, les journalistes et les travailleurs des médias sont en effet confrontés à un certain nombre de risques nouveaux et émergents. La loi doit les en protéger en supprimant la possibilité pour les États membres, les entités non étatiques et quasi étatiques et d’autres entités, d’avoir un impact sur la liberté éditoriale par le biais de la surveillance au moyen de logiciels espions dans tout appareil ou machine utilisés lorsque cela peut conduire à l’accès aux sources des journalistes. La conversation et le débat en cours sur l’utilisation de certaines applications permettent de comprendre pourquoi des mesures exécutoires sont indispensables pour garantir la liberté éditoriale des travailleurs.
Elles le sont d’autant plus à une époque où la désinformation sévit dans toute l’Europe. Citoyens et consommateurs devraient avoir le droit d’être informés des liens qu’entretiennent leurs fournisseurs de services de médias avec les entreprises, les gouvernements, les partis politiques et tout autre intérêt susceptible d’influencer leur prise de décision stratégique ou leur ligne éditoriale. Nous sommes encouragés par l’inclusion de cette clause dans la loi, et nous demandons que les autorités ou organismes de régulation nationaux contrôlent et produisent des rapports annuels sur la propriété des marchés des médias dans leur État membre. Ce, avec la mise en place d’une base de données européenne sur la propriété des médias, recueillant des informations relatives à la propriété des fournisseurs de services de médias. La transparence doit être au premier plan de la régulation des médias afin de freiner la diffusion de fausses nouvelles dans le discours public.
Éthique et transparence de l’intelligence artificielle
Auditionné sur l’IA à Christiansborg, siège du parlement national danois, Eurocadres a appelé en outre à des garanties éthiques et transparentes sur les lieux de travail. Cette audition, portant sur l’importance de l’IA pour notre travail et notre professionnalisme, s’est déroulée le 12 avril, en présence de plus de 180 personnes. Organisée par AC Denmark (Akademikerne), le Mouvement européen danois (Europabevægelsen) et ADD (Algoritmer, Data og Demokrati), notre contribution s’est concentrée sur la manière dont les travailleurs eux-mêmes peuvent garantir le développement d’une IA éthique, avec une présentation intitulée « While we wait for EU regulation. Eurocadres checklist for the ethical use of AI in our workplaces » (« En attendant la règlementation européenne. Liste de contrôle d’Eurocadres pour l’utilisation éthique de l’IA sur nos lieux de travail »). Tout en soulignant les principes clés pour fournir une IA qui respecte une approche centrée sur l’humain, nous avons cherché à mettre en évidence le travail effectué pour développer notre check-list sur l’IA éthique.
L’accent a été mis sur la loi européenne sur l’IA, tandis que des technologies émergentes comme ChatGpt ont été citées comme exemples de systèmes susceptibles d’avoir un impact négatif sur les travailleurs et leur environnement. Bien qu’il existe un large éventail d’opinions sur la manière dont nous pouvons garantir des règles européennes à l’épreuve du temps pour des systèmes qui se développent à une vitesse folle, un consensus s’est dégagé sur la nécessité pour les législateurs d’agir. Les conséquences involontaires de systèmes mal développés – ou les conséquences voulues dans les systèmes développés par ceux qui cherchent à exposer les lacunes législatives – ont en effet été observées dans l’ensemble du marché unique. Les discussions avec le rapporteur de la loi européenne sur l’IA, l’eurodéputée Christel Schaldemose (S&D), Lisbeth Bech-Nielsen (députée danoise, Verts) et avec l’ancien Premier ministre Bergur Løkke Rasmussen (RE) ont souligné l’accord entre les partis sur la nécessité d’agir.
Les syndicats n’ont cessé de réclamer une réglementation proportionnelle des systèmes, en veillant à ce que les travailleurs ne soient pas exposés à des risques tels que la surveillance et le contrôle, l’analyse des performances ou la partialité. Alors que nous attendons les résultats de la dernière initiative européenne visant à réglementer ces systèmes, nous continuerons à travailler au niveau national et européen avec les législateurs, les travailleurs et les experts, afin d’aboutir à un texte qui améliore la situation de tous les travailleurs en Europe.
Flexibilité des temps et des lieux de travail
À la suite de notre premier atelier de communication en février, Eurocadres a enfin accueilli plus de 40 syndicalistes pour le deuxième événement du projet Flex@Work, organisé les 20 et 21 avril par l’Ugt à Barcelone. En nous appuyant sur les concepts clés des conditions de travail flexibles, nous nous sommes d’abord concentrés sur la flexibilité du temps et du lieu de travail, en aidant à contextualiser les avantages et les risques que ces arrangements flexibles peuvent avoir (télétravail, relations de travail atypiques…).
Grâce aux présentations d’Eurofound, de Seat, de Nissan et de nos hôtes Ugt, les discussions sur les tendances et les concepts clés ont été confrontées aux défis pratiques mis en évidence dans le cas espagnol. Les participants ont cartographié les principaux impacts des différentes transitions en matière de flexibilité et la manière de les intégrer dans leur travail représentatif quotidien, tout en dialoguant sur les prochaines étapes potentielles avec l’experte du projet, Nina Hedegaard. Avec le soutien de la Commission européenne, Eurocadres continuera à travailler sur ce projet, avec une prochaine initiative à Copenhague en juin, pour des résultats et des conclusions attendus en 2024.
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