L’hygiène, au Moyen Âge, c’était tout de même du propre

À l’inverse de ce que l’on croit généralement, cette époque, encore trop souvent jugée obscure, a connu, notamment à partir du XIIIe siècle, des règles de salubrité avec les moyens du bord. En témoigne une exposition à Paris, dans la tour Jean-sans-Peur.

Édition 069 de [Sommaire]

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Peignage et épouillage, Le Secret des secrets, France, XVe siècle. © Bibliothèque nationale de France.

La tour Jean-sans-Peur, dernier vestige du palais parisien des ducs de Bourgogne, propose une exposition éminemment instructive, «  L’hygiène au Moyen-Âge  ». On y découvre de quoi se nettoyer des idées reçues, sur une époque historique encore trop figurée comme l’ère de la crasse. Foin des préjugés, visitons. 

Pour ce qui est de l’hygiène publique, on apprend que les souverains prirent des mesures contre la malpropreté urbaine. Philippe Auguste, au XIIIe siècle, fit ainsi paver les grands axes de la capitale. Au siècle suivant, une taxe sur l’enlèvement des ordures est imposée aux parisiens. Sous Charles VI (1380-1422), une ordonnance interdit de jeter les immondices dans les cours d’eau et oblige les métiers polluants, tel celui de tanneur, à s’installer en aval des cités.

Paris, 200 000 habitants, n’a que six fontaines publiques

Malgré cela, la rue médiévale, dans l’ensemble, reste loin d’être bien entretenue. Certains noms le prouvent  : rue Sale, rue Foireuse, rue du Merderon… Les déchets sont déversés à même la chaussée. Il y a en ville des soues à cochons, des étables, des écuries, des poulaillers. De puantes rigoles en découlent. Paris, 200 000 habitants, n’a que six fontaines publiques. Les latrines au-dessus des ponts ou des ruelles accroissent la pollution. Ce n’est qu’au XVe siècle que le pavage généralisé et la multiplication d’égouts apporteront quelque amélioration. Paveur et éboueur deviennent des métiers. 

L’hygiène domestique n’est pas négligée. Le sol est balayé, lavé. Chez les bourgeois, on jette au sol des «  jonchées  » de fleurs et d’herbes. Il y a peu de mobilier  ; les tables, sur tréteaux, se rangent contre les murs. On piège les puces en étendant sur le lit des peaux de moutons ou des draps blancs rêches. Chez les riches, les latrines peuvent être intégrées dans les murs, les excréments étant évacués dans une fosse d’aisance. C’est le cas à la tour Jean-sans-Peur. 

Du savon, en pâte molle ou en pain frappé d’une croix  

On se baigne volontiers. Les pauvres ont recourt aux rivières, aux fossés ou au cuveau à lessive. On trouve en ville des bains publics, curatifs ou de plaisir, alors baptisés «  bordels  ». La peur de l’eau, porteuse de miasmes, n’existe pas encore. Le citadin peut acheter, chez l’apothicaire, du savon, en pâte molle ou en pain frappé d’une croix. On use de rasoirs, de miroirs, de cure-dents, de cure-oreilles, de shampoings, de dentifrices à base d’os de seiche broyé ou de corail blanc.

On s’épouille avec un peigne aux dents serrées. Les femmes de l’aristocratie s’épilent le haut du front et même tout le corps. Les hommes aussi, suivant une pratique venue d’Orient. Pour avoir la peau blanche, les femmes utilisent une poudre de coquillage nommé nombril marin, ou de la céruse de plomb… qui, à la longue, provoque des ravages sur l’épiderme. Il apparaît enfin que, dès les XIIe et XIIIe siècles, le souci de la propreté personnelle a été très fort, pour des raisons de santé, suivant les préceptes de plusieurs traités de médecine.