Chronique européenne -  Vu d’Europe — Au bord du chaos politique

Par Nayla Glaise, présidente d’Eurocadres

Alors que la Commission n’est toujours pas en place, un fossé majeur se creuse entre les partis progressistes et conservateurs au Parlement européen. Au détriment, déjà, des engagements en faveur de la protection de l’environnement.

Édition 060 de fin novembre 2024 [Sommaire]

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Le nouveau collège proposé contient un certain nombre d’intégrations et d’omissions frappantes. Le plus choquant est la nomination au rôle de vice-président de Raffaele Fitto, membre de l’ECR. C’est la première fois qu’un parti d’extrême droite se voit confier un rôle aussi important. Cette proposition, faite par Ursula von der Leyen, a été contestée par le groupe de gauche, les socialistes et démocrates (S&D) ainsi que les Verts européens  ; de son côté, les centristes de Renew Europe ont cherché à jouer un rôle de médiateur.

L’opposition des partis pro-travailleurs à la nomination de Raffaele Fitto a entraîné un retard dans son audience, ainsi que dans celle d’Olivér Várhelyi, homme de Viktor Orbán, premier ministre hongrois. Compte tenu du rééquilibrage au sein du Parlement, l’extrême droite, avec le soutien du PPE, a lié le sort de plusieurs candidats à la fonction de commissaire à celui des candidats de l’ECR, retardant ainsi la confirmation d’Olivér Várhelyi et des six vice-présidents exécutifs – Kaja Kallas, Raffaele Fitto, Roxana Mînzatu, Stéphane Séjourné, Teresa Ribera et Henna Virkkunen.

Si l’impasse est déjà assez accablante en elle-même – obligeant Ursula von der Leyen à s’activer pour rassembler les groupes et éviter l’écroulement de son deuxième mandat-, l’enchaînement des événements met en évidence les tactiques exécrables utilisées par la droite.

Les députés conservateurs et d’extrême droite ont ainsi cherché à imputer la responsabilité des inondations de Valence, en Espagne, à la commissaire désignée Teresa Ribera (S&D), bien que le gouvernement local (dirigé par un parti du PPE) soit compétent pour y répondre. Cette dernière a dû faire face à des critiques déplacées et nauséabondes, les conservateurs espagnols menaçant de renverser son mandat pour détourner l’attention de leurs propres échecs.

Droite et extrême droit européenne  : les liaisons dangereuses

À l’heure où nous écrivons, nous ne savons pas exactement comment les négociations politiques vont se dérouler. Mais ces dernières semaines ont clairement été marquées par un virage du centre européen vers le dogme politique de droite.

Lors des auditions, le «  flirt  » du PPE dirigé par Manfred Weber (Allemagne) avec l’extrême droite ont été le principal sujet de discussion, dont les implications potentielles se sont manifestées lors du vote sur le règlement de l’UE concernant la déforestation. En effet, ce règlement impose des obligations à toutes les entreprises qui importent certaines matières premières en Europe afin de garantir une traçabilité totale et limiter l’impact de la déforestation mondiale, dont 10 % serait de la responsabilité de l’UE selon un rapport de la FAO.

Mais en utilisant la « majorité vénézuélienne » et en se rangeant du côté de l’extrême droite, le PPE a fait avancer des amendements qui affaiblissent considérablement la directive précédemment approuvée, créant une catégorie de pays « sans risque » de déforestation et retardant sa mise en œuvre. L’amendement qui introduit cette nouvelle catégorie, en plus de celles existantes (« faible », « standard » et « risque élevé) », ouvre la porte à des exigences nettement moins strictes en raison du risque négligeable de déforestation de ces pays, notamment ceux dont la superficie forestière est «  stable ou en augmentation  ».

Malgré ce que nous avons pu entendre sur l’héritage du Pacte vert de Ursula Von Der Leyen, les intentions de la prochaine Commission et l’engagement en faveur de la protection de l’environnement, le PPE a utilisé la première opportunité qui lui a été présentée pour revenir sur des textes précédemment approuvés, et votés.

Au cours de ce sois, Eurocadres a également conclu, à Rome, son projet de deux ans sur les conditions de travail des chercheurs, concomitamment avec notre assemblée annuelle. Des janvier prochain sera organisé un atelier avec les chargés de communication des membres d’Eurocadres pour réfléchir à une meilleure diffusion de ses travaux. D’ici là, nous poursuivons le travail sur notre projet concernant la mise en œuvre de la transparence salariale pour les cadres. Il débutera le 10 décembre, avec un événement en ligne auquel participera la rapporteuse de la directive adoptée en mars dernier, Kira-Marie Peter Hansen.