Résurgence bienvenue de l’œuvre du peintre Nicolas de Staël
Le Musée d’art moderne de Paris consacre une grande rétrospective, forte de quelque 200 pièces, à cet artiste véhément à l’inspiration sans cesse renouvelée, qui fut constamment à cheval entre la figuration et l’abstraction.
Vingt ans après l’exposition de son œuvre au Centre Pompidou, voici que Nicolas de Staël (1914-1955) est remis en lumière sur une grande échelle, avec une sélection d’environ 200 tableaux, dessins, gravures et carnets, issus de maintes collections publiques et privées d’Europe et des États-Unis. Bon nombre des œuvres montrées n’ont jamais été vues.
Fabrice Hergott, directeur du Musée d’art moderne de Paris, signale en avant-propos du catalogue, que Nicolas de Staël « est le seul peintre de sa génération en France à se sentir aussi à l’aise avec la figuration qu’avec l’abstraction, passant de l’une à l’autre sans que l’on puisse opposer les deux termes, ni dire lequel de ces deux genres est dominant. Est-il l’un des grands artistes abstraits de l’après-guerre, ou l’un des plus importants de la figuration ? »
« Une boulimie de vie qui peut tendre vers la folie… »
Le sens de la visite épouse la chronologie des évolutions successives de Nicolas de Staël : des débuts résolument figuratifs, suivis des toiles sombres des années 1940, puis les tableaux exécutés jusqu’à la veille de son suicide, dans une admirable farandole de couleurs. Fabrice Hergott rappelle que le peintre et écrivain polonais Joseph Czapski (1896-1993) rapprochait Nicolas de Staël de cet « autre météore de l’art que fut Van Gogh, pour leur même obsession de la peinture et leur boulimie de vie qui peut tendre vers la folie et la fin tragique ».
C’est pas à pas, en somme, qu’on suit l’œuvre de l’artiste au long des chapitres d’une trop brève existence, vécue intensément. Après « Le voyage d’un peintre (1934-1947) », sur ses années de formation, c’est « Rue Gauguet (1948-1949) », sur son atelier près du parc Montsouris, où il s’installe après son mariage avec Françoise Chapouton – sa première épouse, la peintre Jeannine Guillou, était morte en 1946, le laissant en plein désarroi. Enfin, on suit Nicolas de Staël « Sur la route (1954) », quand il se déplace de Ménerbes où il a acquis une austère demeure, à Uzès, à Marseille, à Martigues et sur l’étang de Berre, avant un retour à la rue Gauguet.
Quête effrénée d’un être anxieux
C’est alors qu’il écrit : « J’ai commencé à travailler dans le Midi, mais je viens à mon atelier de Paris régulièrement, cela me change de lumière et renouvelle un peu la conception des choses. » Entre-temps, on aura traversé pas mal d’époques : « Condensation (1950) », « Fragmentation (1951) », « Un an dans le paysage (1952) », « Le spectacle du monde (1952-1953) », « L’atelier du Sud, (1953) », « Lumières (1953) », « Sicile (1953-1954) » et pour finir, « Antibes (1955) ».
Ces seuls énoncés traduisent la quête effrénée d’un être anxieux en mouvement perpétuel, voyageur inlassable dans les pays comme dans les formes, qui ne négligea jamais le réel et, finalement, ne tourna pas le dos à la nature. Il sentait tout le temps « l’inévitable besoin de tout casser quand la machine semble tourner trop rond ». À Antibes, où il mit fin à ses jours, peignant dans un atelier qui surplombait la mer, ce travailleur infatigable a pu dire : « C’est si triste sans tableaux la vie que je fonce tant que je peux. »
De Saint-Pétersbourg à la Légion étrangère
Bel homme de fort caractère – voir son portrait photographique par Denise Colomb –, Nicolas de Staël, né à Saint-Pétersbourg quelques mois avant la Grande Guerre, était le fils du baron balte Vladimir Ivanovitch de Staël-Holstein, major général de l’armée du tsar et vice-gouverneur de la forteresse Pierre-et-Paul. En 1919, le jeune Nicolas émigra en Pologne avec sa famille.
Son père mourut en 1921, sa mère l’année d’après. Il fut recueilli par un industriel d’origine russe à Bruxelles où, après de solides études classiques, il s’initia au dessin et à la peinture, effectua un voyage studieux aux Pays-Bas et découvrit les grands maîtres au Louvre. En 1939, il s’engagea dans la Légion étrangère. Il obtint la nationalité française en 1948.
L’actuelle rétrospective a pour but avoué de rendre compte de l’œuvre immense d’un artiste qui a su porter, sur le monde visible, un regard d’une intensité proprement tragique, qui fait de lui un inventeur farouchement singulier.
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