Rencontres d’Options -
Rencontres d’Options (3/4) – Le temps libéré : une solution pour sauver la planète ?
Une nouvelle étape de réduction du temps de travail doit prendre en compte l’utilisation du temps libéré, potentiellement générateur d’émissions de gaz à effet de serre. La solution passe par la définition d’un nouveau projet de société.
Développer la réflexion pour que travailler moins soit une solution et pas un problème de plus pour l’environnement. DR
« Les 10 % des plus riches consomment quatre fois plus que les 65 % les plus pauvres. » En introduction de la troisième table ronde des Rencontres d’Options, ce rappel de Fabienne Tatot, secrétaire nationale de l’Ugict-Cgt, illustre le changement de modèle qu’impose la crise climatique. Parmi les outils à disposition : la réduction du temps de travail à trente-deux heures hebdomadaires, qui permettrait de libérer un jour supplémentaire de temps libre. Mais est-il possible d’en profiter tout en limitant son impact sur la planète ?
En revendiquant les trente-deux heures sur quatre jours, la Cgt entend réduire les inégalités et la précarité en créant de nouveaux emplois. Mais cette revendication ne peut ignorer les enjeux climatiques. À l’heure des canicules et des catastrophes naturelles à répétition, ce sujet est au cœur des préoccupations sociétales. Responsable du Radar Travail Environnement, un outil construit pour aider les salariés à s’emparer de la transformation écologique de leurs entreprises ou institutions, Fabienne Tatot est consciente de l’urgence. « Les entreprises ont un impact sur le climat, et la réduction du temps de travail est l’une des préconisations du Conseil économique, social et environnemental (Cese) », souligne-t-elle.
Cette dernière met en avant des études comme celle du Political Economy Research Institute qui, en 2012, soulignait la corrélation entre réduction du temps de travail et réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais, reconnaît-elle, « il faut poursuivre la recherche pour augmenter nos connaissances à ce sujet ».
Ne pas faire confiance au marché
L’argument du « moins de travail, c’est moins d’émissions » est repris par Clem Converset-Doré, porte-parole de l’association écologiste Alternatiba Paris, même si cette dernière reconnaît ne pas maîtriser précisément les données scientifiques. Jean-Marie Harribey, économiste, membre des Économistes atterrés et d’Attac, travaille depuis de nombreuses années sur ces questions. Il explique : « L’augmentation de la production entraîne une hausse des émissions de gaz à effet de serre et serait responsable de l’extinction d’espèces. »
Si la réduction du temps de travail est une condition pour travailler et produire autrement, il faut aussi évaluer l’impact des machines dont le but est d’accroître les cadences. « Une prise de conscience est nécessaire », affirme-t-il, pour stopper cette spirale. Pour la Cgt, la diminution du temps de travail vise à corriger les inégalités. Pour Jean-Marie Harribey, il s’agit de la clé pour enclencher les investissements nécessaires à la transformation écologique. « Ce n’est pas le marché qui enclenchera cette transition mais bien les politiques publiques », assure-t-il.
Ne pas opposer les catégories entre elles
Philippe Vion-Dury, rédacteur en chef de la revue Socialter, se dit aussi favorable à la réduction du temps de travail… tout en doutant de ses bienfaits pour le climat. « Il y a une forme de naïveté voire d’hypocrisie à croire que travailler moins serait, de ce point de vue, bénéfique. ». Il se veut volontairement provocateur :« Si, explique-t-il en substance, le niveau de vie augmente avec le salaire, les cadres, dont le pouvoir d’achat est supérieur aux autres catégories professionnelles, consomment et polluent davantage. » À tel point, que les écologistes, selon lui, « se trouventchez les ruraux, les petits paysans, ceux qui travaillent de leurs mains. Ce sont eux qui ont le savoir-faire ».
Fabienne Tatot réfute catégoriquement ce raisonnement qui oppose les catégories entre elles. Pour elle, les cadres, du fait de la place qu’ils occupent dans le travail, sont pleinement concernés par les questions climatiques. La création du Radar Travail Environnement qu’elle pilote est née de ce constat. « En France, les cadres ont un impact sur les stratégies d’entreprises et donc sur le travail des autres », répond-elle. Le radar existe pour dénoncer le greenwashing et intéresser les organisations syndicales et les salariés à l’impact des stratégies d’entreprises. « Les cadres veulent pouvoir agir sur le dérèglement climatique », assure-t-elle.
La Rtt, une opportunité pour réfléchir à un changement de société
Philippe Vion-Dury questionne aussi la nature du besoin – authentique ou artificiel – et donc le modèle de société. Que Clem Converset-Doré appelle également à changer, en faisant le constat d’une épidémie de burn-out chez les salariés : s’il ne faut pas les culpabiliser sur le choix de leurs loisirs, le temps libéré doit servir à des activités moins polluantes. « Il n’est pas nécessaire de se rendre à l’autre bout du monde pour se reposer », souligne la porte-parole d’Alternatiba Paris. Enfin, Fabienne Tatot pointe le modèle de consommation de masse, qui entraîne surproduction et gaspillage. « Amazon détruit tous les jours 139 000 produits neufs. Quelle est la finalité du travail, quel est l’objectif ? Nous devons donner envie de vivre autrement ».
Ces aspirations entrent en résonance avec les revendications exprimées à la faveur du mouvement sur la réforme des retraites. C’est ce que souligne Jean-Marie Harribey, après avoir observé de nombreuses pancartes articulant sens du travail et défense de l’environnement. Ce puissant mouvement de contestation a ainsi démontré la volonté de progrès social des salariés, notamment dans une perspective écologique. Fabienne Tatot met en garde : « La réforme des retraites va augmenter le recours aux fonds de pension privés. Or ces derniers font des choix d’investissement sur des projets polluants. »
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