L’employeur a l’obligation de former chacun de ses salariés pendant toute la relation de travail, au regard de plusieurs dispositions légales du Code du travail. La jurisprudence continue d’apporter des précisions au régime juridique applicable en matière de formation professionnelle continue.
Dispositions du Code du travail (article L. 6321-1) : l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en œuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l’article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d’obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l’acquisition d’un bloc de compétences.
C’est ce qu’établit une jurisprudence de la Cour de cassation, chambre sociale, en date du 8 juillet 2020, concernant le syndicat des copropriétaires de la Coudoulière représenté par son syndic, la société Marine immobilier.
Faits
Selon l’arrêt attaqué (la cour d’appel d’Aix-en-Provence, 9e chambre B, 13 décembre 2018), M. A., engagé le 2 novembre 1979 par le syndicat des copropriétaires de la copropriété La Coudoulière, et qui a occupé à compter du 1er novembre 1983, un poste d’employé d’immeuble, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 13 août 2012.
Procédure
Contestant cette mesure, M. A. a saisi la juridiction prud’homale de demandes relatives tant à l’exécution qu’à la rupture de son contrat de travail. Pourvoi du salarié en cassation, contre l’arrêt de la cour d’appel qui l’a débouté de ses demandes.
Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation alors « qu’en statuant par des motifs inopérants tirés de ce qu’il n’était pas établi que le salarié ne disposait pas des capacités nécessaires pour exercer ses fonctions d’employé d’immeuble ni que ces dernières connaissaient des évolutions nécessitant une formation afin de lui permettre de continuer à les assurer de manière satisfaisante, alors qu’il était constant que de son embauche le 2 novembre 1979 à son licenciement le 13 août 2012, l’employeur n’avait fait bénéficier le salarié d’aucune formation en 33 ans, la cour d’appel a violé l’article L. 6321-1 du Code du travail ».
Réponse de la Cour de cassation au pourvoi du salarié
Selon le texte du Code du travail, l’employeur :
assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail ;
veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation, l’arrêt de la cour d’appel retient qu’aucun élément produit ne permet de retenir que le salarié ne disposait pas des capacités nécessaires pour exercer ses fonctions d’employé d’immeuble, ni que ces dernières connaissaient des évolutions nécessitant une formation afin de lui permettre de continuer à les assurer de manière satisfaisante.
Il ajoute que le salarié n’indique nullement avoir demandé à bénéficier d’une formation ni même avoir sollicité l’employeur de manière générale pour connaître les formations qui pouvaient lui être proposées.
En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que le salarié soutenait, sans être contredit, qu’il n’avait bénéficié d’aucune formation durant sa très longue présence dans l’entreprise, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation casse et annule – mais seulement parce qu’il déboute M. A. de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation – l’arrêt rendu le 13 décembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Elle remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée.
Elle condamne le syndicat des copropriétaires de la Coudoulière » aux dépens.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, elle condamne le syndicat des copropriétaires de la Coudoulière à payer à M. A. la somme de 3 000 euros.
À retenir
Le salarié obtient donc gain de cause : versement de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation de la part de l’employeur.
L’employeur a méconnu :
son obligation d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail ;
son obligation de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Jurisprudence antérieure de la Cour de cassation
Cet arrêt complète la riche jurisprudence de la Cour de cassation sur cette question importante de la formation professionnelle des salariés :
Cour de cassation, chambre sociale, 13 juin 2019, association Ce services : la charge de la preuve de l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller au respect de leur capacité à occuper un emploi, pèse sur l’employeur ;
– Cour de cassation, chambre sociale, 12 septembre 2018, société d’exploitation de Bergevin – 30 ans ancienneté, deux formations. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à verser au salarié une certaine somme à titre d’indemnité pour non-respect de l’obligation de formation. La Cour de cassation répond : « attendu que l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au respect de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations, et que la cour d’appel ayant relevé que le salarié n’avait bénéficié, en trente ans, que de deux sessions de formation, dont l’une relative aux risques sismiques, et que seule la seconde relative à la communication avec la clientèle correspondait aux prescriptions de l’article L. 6321-1 du Code du travail, peu important que cette carence de l’employeur n’ait pas eu d’incidence sur l’exercice par le salarié de ses fonctions dès lors qu’il avait accédé au poste d’adjoint au directeur d’exploitation, elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».
– Cour de cassation, chambre sociale, 12 septembre 2018, société Freo France – 20 ans ancienneté, aucune formation. La Cour de cassation répond : « le manquement, par l’employeur, à son obligation d’adapter le salarié à l’évolution de son emploi et à sa capacité d’occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations cause au salarié un préjudice spécifique… »
– Cour de cassation, civile, chambre sociale, 5 juillet 2018, caisse régionale de Crédit Agricole mutuel de Champagne-Bourgogne (Crcam) – 31 ans ancienneté, 17 formations de courte durée non qualifiantes : la Crcam (l’employeur) fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de la condamner à verser au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour « perte de chance faute de formation ». La Cour de cassation répond : « la cour d’appel a souverainement constaté que les dix-sept formations suivies par le salarié étaient de courte durée, toutes afférentes au métier déjà exercé par le salarié, et que, malgré les appréciations favorables de sa hiérarchie relatives à sa capacité à évoluer vers un poste d’encadrement, ses demandes de participation à des formations permettant d’accéder à un niveau supérieur avaient toutes été refusées ; qu’elle a pu en déduire le manquement de l’employeur à son obligation de formation ».
– Cour de cassation, chambre sociale, 20 septembre 2017, Régie des transports de Marseille. La cour d’appel : pour débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de formation, l’arrêt de la cour d’appel retient qu’il reproche à l’employeur de ne pas lui avoir assuré une formation professionnelle et ainsi de ne pas lui avoir permis d’évoluer en vingt-cinq ans de carrière, qu’il ressort cependant des pièces produites que le salarié a bénéficié d’une formation pour permettre sa reconversion en employé administratif, qu’il ne démontre pas que c’est en raison d’une absence de formation qu’il n’a pu obtenir par la suite des postes plus attractifs puisqu’il n’a plus sollicité de changement depuis 2001, qu’il n’a pas non plus demandé à bénéficier de Dif ou de Cif et qu’il ne démontre pas en quoi l’employeur aurait eu un comportement fautif. La Cour de cassation répond qu’en statuant ainsi, « alors que l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail et de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi pendant toute la durée de la relation de travail, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Ne sont pas retenus comme étant des arguments les éléments suivants soulevés par les employeurs :
le salarié occupe sans difficulté l’emploi pour lequel il a été recruté ;
l’emploi du salarié n’a pas évolué ;
le salarié n’a formulé aucune demande de formation ;
aucune demande de formation du salarié n’a été refusée par l’employeur.
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