Bien que ce week-end marque le début de deux semaines d’incertitude dans toute l’Europe en raison des élections législatives anticipées en France, celles-ci n’ont pas été l’unique préoccupation à Bruxelles en cette fin de mois de juin. Mais nous le savions tous.
La campagne des élections européennes aura été marquée par la violence, la désignation des migrants comme boucs émissaires, la menace d’austérité et la montée de l’extrême droite. Les résultats sont mitigés dans tous les États membres.
Après le scrutin, le marchandage pour les postes-clés a engendré nombre de rumeurs, mais il semble de plus en plus probable qu’Ursula von der Leyen obtiendra le soutien du Conseil européen – la réunion des chefs d’État et de gouvernement – pour un second mandat à la présidence de la Commission. L’ancien Premier ministre portugais, Antonio Costa, pourrait, lui, recevoir le feu vert des États membres pour la présidence du Conseil, tandis que l’ancienne Première ministre estonienne, Kaja Kallas, est pressentie pour le poste de haute représentante pour les Affaires étrangères (la cheffe de la diplomatie de l’Union européenne).
Si aucune opposition n’a été relevée à l’égard de M. Costa ni de Mme Kallas, le Parlement européen pourrait représenter un défi pour Mme von der Leyen, dont les soutiens se sont effrités dans tous les domaines par rapport à son premier mandat. De l’appui unilatéral à Israël au flirt avec l’extrême droite, la candidate du Parti populaire européen (Ppe) est confrontée à des réactions négatives de la part de la gauche, du groupe Socialists & Democrats (S&D), des Verts et de certains groupes politiques de droite. Tout cela, en dépit de chiffres qui jouent en faveur du Ppe…
Virage à droite sur les questions économiques et sociales
Bien que les élections aient eu lieu le 9 juin, le résultat final ne sera connu qu’à la constitution des groupes parlementaires. Or, certains eurodéputés et courants politiques hésitent encore – par exemple l’AfD allemande et le Fidesz hongrois. Il est sûr cependant que l’extrême droite sera plus forte. L’idée répandue que « le centre tient » masque en fait le virage à droite de l’Europe sur les dossiers économiques et sociaux.
De toute évidence, la diminution du nombre de sièges pour le S&D et les Verts a affaibli le bloc progressiste, malgré une légère croissance pour le groupe de la Gauche. Même avec le fort recul de Renew Europe (RE, centriste libéral), le traditionnel cordon sanitaire peut encore exister, avec 452 sièges au total occupés par le Ppe, les S&D, RE et les Verts, selon une projection au 24 juin. Or il faut réunir 361 voix pour adopter des initiatives législatives.
Des questions encore sans réponses
Malheureusement, le Ppe, avec 189 sièges (en progression) jouera le rôle de faiseur de roi tout au long des cinq prochaines années : il tiendra des positions puissantes au sein des commissions, tout en ayant le poids nécessaire pour faire passer ses priorités. Parmi ses chefs de file, ni Ursula von der Leyen ni Manfred Weber n’ont exclu la possibilité d’obtenir davantage de commissions dans les Affaires économiques et monétaires (« Econ ») et dans l’Agriculture et développement rural (« Agri »).
Ce qui est incertain, c’est la manière dont le Ppe interagira avec les groupes voisins, notamment avec le groupe d’extrême droite European Conservative and Reformists (Ecr) de Giorgia Meloni. Le groupe centriste libéral Renew Europe – qui comprend les macronistes français – a été décimé, perdant des sièges dans toute l’Union européenne, et le parti tchèque Ano, qui en était un des piliers, s’en est retiré. Ce qui fait de l’Ecr potentiellement le troisième plus grand groupe parlementaire.
Jusqu’à ce que les lignes de bataille soient tracées, y compris avec les votes sur le président de la Commission et les délégués des commissaires, les accords d’arrière-boutique pourraient déterminer l’orientation du Parlement européen pour cette législature.
Prochaines étapes pour les syndicats
Au sein d’un Parlement qui sera certainement moins à l’écoute des syndicalistes, notre travail pour atteindre ceux qui soutiennent notre cause a déjà commencé. Depuis les élections, nous avons dressé la liste des eurodéputés et des questions susceptibles d’apporter les changements souhaités par les travailleurs.
Le mois prochain, nous serons à Strasbourg pour rencontrer certains leaders des groupes progressistes, afin de déterminer leurs priorités sur la législature qui s’ouvre, et la meilleure façon de représenter les travailleurs. Alors que dans l’Hexagone l’attention est tournée vers des élections législatives cruciales, nous continuerons à étudier la mutation du paysage politique dans notre prochaine chronique d’Options.