L'Édito - La banalisation de l’extrême droite, une faute grave Par Sophie Binet, secrétaire générale de l’Ugict-Cgt
Les élections législatives sonnent comme un désaveu cinglant de la politique d’Emmanuel Macron qui n’a pas de majorité pour voter ses réformes, à commencer par la retraite à 65 ans. Une bonne nouvelle, comme l’élection de nombreux députés de gauche qui pourront être les porte-voix du monde du travail et seront des points d’appuis importants pour nos luttes.
Les élections législatives sonnent comme un désaveu cinglant de la politique d’Emmanuel Macron qui n’a pas de majorité pour voter ses réformes, à commencer par la retraite à 65 ans. Une bonne nouvelle, comme l’élection de nombreux députés de gauche qui pourront être les porte-voix du monde du travail et seront des points d’appuis importants pour nos luttes.
Mais 89 député·e·s du Rassemblement national font également leur entrée au Palais Bourbon. Une première, offerte sur un plateau par Emmanuel Macron et son scandaleux renvoi dos à dos de l’extrême droite à une prétendue « extrême gauche ». Un calcul bassement électoraliste indigne d’un Président de la République, qui plus est lorsqu’il a été élu grâce à un vote de barrage face à l’extrême droite. Ainsi, Emmanuel Macron fait sauter les dernières digues républicaines et fait exploser le plafond de verre qui empêchait jusque-là l’accès au pouvoir du Rassemblement national.
Loin d’être une erreur de communication d’entre-deux tours, les Macronistes persistent et signent. En évoquant la possibilité de construire des majorités avec le rassemblement national. Pire, en souhaitant que la stratégique commission des finances lui revienne. Et la justification démontre, s’il en était besoin, les liens entre le RN et les milieux d’affaires : Éric Woerth explique qu’il faut éviter à tout prix qu’elle revienne à la gauche qui pourrait s’en servir pour faire… du contrôle fiscal !
On croit rêver : l’objectif affiché est d’empêcher la lutte contre la fraude fiscale, soit l’objet même de la commission et du Parlement. Ceci confirme la connivence entre le Rassemblement national et les classes dominantes, qui savent que le RN ne s’attaquera jamais au capital et aux 1 % les plus riches… Et pour cause : les Le Pen font partie des grandes fortunes de France et ont justement été récemment visés par un redressement fiscal (1)…
Avec cette banalisation et cet ancrage, plus rien ne s’oppose à ce que le Rassemblement national accède au pouvoir. Quoi de pire que la droite, se demandent de plus en plus de salarié·e·s, échaudé·e·s par les mesures liberticides, voire xénophobes, des gouvernements successifs qui ont largement puisé dans le programme du Rassemblement national. Une différence de degré, avec un parti qui remet frontalement en cause les libertés et droits fondamentaux, notamment avec la préférence nationale.
Mais surtout une différence de nature. L’extrême droite arrive en général au pouvoir par les urnes, mais elle le confisque ensuite et refuse de le rendre. Dernier exemple en date, les émeutes du capitole organisées par Donald Trump. Les révélations de la commission d’enquête américaine – qui démontrent qu’un coup d’État était bel et bien à l’ordre du jour – devraient servir de leçon en France et rappeler que l’on ne joue jamais avec l’extrême droite.
Pour le mouvement syndical, ces élections appellent aussi à une réflexion stratégique approfondie. La CGT a toujours eu une analyse très claire en appelant, quelles que soient les circonstances, à battre l’extrême droite. Malgré tout notre travail de formation, le vote RN s’installe et se normalise chez les salarié·e·s — y compris chez les cadres et professions intermédiaires.
Il convient de renforcer notre analyse pour renouveler notre stratégie. Déconstruire l’imposture sociale du Rassemblement national. Traiter au même niveau les questions sociales et sociétales pour empêcher que la lutte contre le racisme, l’antisémitisme ou le sexisme ne devienne secondaire. Au-delà du constat, mettre davantage en avant nos propositions, pour montrer la différence avec le RN qui, par essence, refuse d’affronter le capital.
Et aussi, toujours, valoriser les acquis de la lutte et montrer l’efficacité syndicale. Les luttes sont le meilleur moyen, concrètement, de mettre en échec les stratégies de mises en opposition, en rassemblant les salarié·e·s quel que soit leur origine, leur couleur ou leur statut.
Montrer l’efficacité syndicale, c’est aussi le meilleur moyen de lutter contre l’abstention, qui progresse dangereusement dans les élections politiques comme lors des échéances électorales professionnelles. Un vaste chantier à ouvrir d’urgence, pour éviter le pire et surtout gagner le meilleur.
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