8 mars  : première étape de la mobilisation pour obtenir l’abrogation de la réforme des retraites

Les organisations patronales continuent de réclamer des mesures d’âge, confortées notamment par les positions publiques du président du Conseil d’orientation des retraites. Le prétexte ? Participer à la croissance annoncée du budget pour la défense.

Édition 067 de [Sommaire]

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Selon les derniers chiffres de l’Insee, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes à temps plein atteint 15% chez les cadres et 11,6% au sein des professions intermédiaires. © PhotoPQR / Ouest France / Maxppp

« On se lève et on marche ! »  : en ce 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, quelque 120 000 personnes sont descendues dans les rues à Paris, près de 250 000 dans toute la France, dans le cadre de 150 rassemblements et manifestions. Première étape, pour la CGT, d’une mobilisation visant à obtenir l’abrogation de la réforme des retraites de 2023, cette journée de grève féministe a été précédée d’un symbole  : la remise aux négociateurs réunis en « conclave » deux jours plus tôt d’un chèque de 6 milliards d’euros édité par le Medef à l’attention de la Cnav (Caisse nationale d’assurance vieillesse). Six milliards, ce sont les cotisations sociales supplémentaires qui seraient dégagées par l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, permettant de financer en grande partie l’abrogation de l’âge légal de départ en retraite à 64. « Nous voulons enfin des actes ! » a appuyé l’intersyndicale (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires et FSU) dans un communiqué commun sur le 8 mars, en revendiquant notamment une « transposition ambitieuse » de la directive européenne pour la transparence salariale.

L’âge d’ouverture des droits comme la durée d’activité  : ces deux thèmes ont structuré l’ordre du jour de la deuxième séance de négociation. « Mais sans qu’ils soient reliés au niveau et au montant de la retraite, ce qui est totalement hors sol », dénonce Sylvie Durand, secrétaire nationale de l’Ugict-CGT et membre de la délégation CGT. Ils ont été ciblés par la partie patronale pour faire valoir un certain nombre de ses positions  : l’équilibre financier des régimes de retraite par l’obtention de nouveaux reculs, comme la retraite à 65 ans – au mieux – pour le Medef ; le pilotage automatique de l’âge de départ en fonction des gains d’espérance de vie, l’alignement du taux de CSG des retraités (6,6  %) sur celui des actifs (13,8  %), voire le décalage de deux ans de la décote (à 67 ans aujourd’hui) pour la CPME…

Le boom des départs en retraite avec décote

Ces positions, alerte Sylvie Durand, pourraient conduire certains à se satisfaire du statu quo, au motif « d’éviter le pire ». Elles passent sous silence la réalité d’un boom des départs en retraite avec décote dans le secteur privé, le signe tangible que de nombreux salariés ne sont déjà pas en capacité d’atteindre le taux plein pour liquider leurs droits. L’information est notamment donnée par Alternatives Économiques, à l’issue d’une rencontre entre l’Ajis (Association des journalistes d’information sociale) et le directeur général de la Cnav Renaud Villard. « Historiquement, entre 7 % et 8 % des assurés ne partaient pas à la retraite avec le taux plein. Ils sont aujourd’hui 13 à 14 %. », a expliqué ce dernier. Aujourd’hui, les personnes qui partent avant l’âge de 67 ans sans avoir atteint les trimestres requis pour le taux plein (172 trimestres pour celles et ceux nés à partir de 1965) se voient appliquer une décote de 0,625 % par trimestre manquant sur sa pension. En réaction aux demandes patronales, la CGT a notamment demandé que soit documenté l’impact des mesures d’âge – particulièrement pénalisantes pour les femmes – sur les autres régimes de protection sociale (assurance maladie, assurance chômage…) alors que 40 % des assurés ne sont plus en emploi, avant même de pouvoir partir à la retraite.

Financement de l’économie contre frénésie boursière

Les organisations patronales, il est vrai, se trouvent doublement confortées : d’une part par l’intervention télévisée du Président de la République sur la situation géopolitique, dont la tonalité a ouvert la voie au cheminement dans les esprits d’une autre idée résumée par la formule  : « Les canons ou les pensions ». « Il faudra sans doute travailler plus (…) », a déjà anticipé Éric Lombard, ministre de l’Économie. D’autres part, par la position publique de Gilbert Cette, président du Cor (Conseil d’orientation des retraites) sorti de son rôle en expliquant comment cette nouvelle donne impose une réflexion sur le paramètre des 64 ans pour aller « au-delà ». Si ce dernier s’exprime en sa qualité d’économiste à Néoma business school, Medef et CPME ont beau jeu de réclamer un nouvel allongement de la durée d’activité ou report de l’âge légal. Voire d’être encouragés à promouvoir un développement de l’épargne retraite, supposée être un instrument efficace pour financer l’économie productive. Et donc, participer à « l’effort de guerre »  : sans faire appel à l’impôt, alors que les dépenses consacrées à la défense pourraient passer de 2  % à 3  % du Produit intérieur brut.

De nombreux travaux universitaires contredisent pourtant cet argument. Notamment ceux menés par Sabine Montagne, chercheuse au CNRS, pour qui l’épargne retraite ne permet pas de projeter, structurellement, les choix d’investissements sur un horizon long. En revanche, a-t-elle expliqué lors des dernières Rencontres d’Options consacrées aux retraites, « ce que nous pouvons observer, c’est une circulation monétaire et boursière effrénée, au profit des seuls actionnaires, servis avant tous les autres. » Autant de mouvements qui induisent notamment une pression sur les entreprises et un sous-investissement chronique de la recherche et développement, déjà mise à mal.

Avec le chèque symboliquement adressé à la Cnav, la CGT a voulu faire la démonstration que des solutions peuvent être dégagées pour financer à court et long termes le système par répartition. Par exemple, en mettant en place une contribution patronale d’équilibre technique temporaire (CETT) en faveur de l’égalité́ entre les femmes et les hommes  : appelée au taux moyen de 1  %, celle-ci permettrait de dégager en moyenne 3,4 milliards d’euros par an, à partir de 2026. Elle appelle à rejoindre, dans l’action, les organisations de retraités le 20 mars, sur tout le territoire.