Chronique juridique -
Moments de convivialité organisés par l’employeur : obligatoires ?
L’employeur peut organiser des moments de convivialité dans l’entreprise, réguliers ou liés à des évènements. Les salariés sont-ils tenus d’y participer ?
Principe. La personne au travail met à la disposition de l’entreprise sa capacité de travail (sa qualification, sa force de travail, etc.). En revanche, le/la salarié.e ne met pas à disposition de l’entreprise sa personne. Le/la travailleur.se est sujet du contrat de travail ; il/elle n’est pas l’objet du contrat de travail.
Moment. Un salarié n’est pas tenu d’assister à un moment de convivialité lorsqu’il s’agit d’un évènement organisé en dehors du temps de travail. Il est donc libre de ne pas s’y rendre, sans motif, et son absence ne saurait être fautive ni justifier une sanction.
Si l’événement a lieu pendant le temps de travail, le/la salariée ne désirant pas y participer doit se tenir à la disposition de son employeur pour effectuer son travail. Il a droit, dans ce cas, au paiement de son salaire.
Dispositions légales applicables
* Un article boussole pour se repérer :
– Code du travail, article L. 1121-1 : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
* Des articles sur les libertés et droits fondamentaux :
– Code civil, article 9, alinéa 1 : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».
– Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
article 8, § 1 : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (…) ».
article 10, § 1 : « Toute personne a droit à la liberté d’expression ».
– Etc.
Jurisprudence
Plusieurs décisions illustrent la mise en œuvre du principe dans différentes situations concrètes.
Ainsi, il a été jugé qu’une salariée n’était « pas tenue de participer à une excursion » organisée par son employeur lors d’une « journée de détente ». Cela même si l’excursion était programmée en concertation avec le comité d’entreprise. Et, dès lors que la salariée s’était tenue à la disposition de son employeur pour effectuer son travail, cette journée devait lui être payée (Cour de cassation, chambre sociale, 8 octobre 1996, société Eurodirect).
A été déclaré nul le licenciement d’un salarié (consultant senior, promu directeur) qui était en partie fondé sur son positionnement critique vis-à-vis des « méthodes de management des associés » et sa remise en cause de la politique de l’entreprise basée sur le partage de la valeur « fun and pro » – exprimée notamment par le refus de participer « aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive » (Cour de cassation, chambre sociale, 9 novembre 2022, SAS Cubik Partners). Sans sa lettre de licenciement, l’employeur reprochait en premier lieu au salarié son « désalignement culturel profond » avec les valeurs « fun and pro » de l’entreprise. « Votre intégration dans la société, écrivait-il, imposait que vous compreniez et intégriez notre valeur “fun and pro” qui est un marqueur identitaire de nos interventions et de notre culture d’entreprise. »
La Cour d’appel de renvoi (Cour d’appel de Paris, chambre sociale), a appliqué le 30 janvier 2024 la solution de la Cour de cassation et a prononcé la nullité du licenciement et la poursuite du contrat de travail du salarié dans l’entreprise (réintégration) : « Le licenciement étant nul, le salarié qui en fait la demande doit être réintégré dans l’entreprise dans l’emploi qu’il occupait ou dans un emploi équivalent. »
La Cour a prononcé la nullité du licenciement et ordonné à la SAS Cubik Partners de réintégrer le salarié dans son emploi de consultant senior ou dans un emploi équivalent.
« le salarié a droit au paiement de diverses indemnités, notamment une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre la date de sa demande de réintégration (…) et sa réintégration effective sans qu’il y ait lieu de déduire les salaires perçus pendant cette période. » La Cour a ainsi condamné l’employeur à verser au salarié 496 298,79 euros (comprenant notamment l’indemnité couvrant la période d’éviction, soit la totalité des salaires qu’il aurait dû percevoir depuis son licenciement jusqu’à sa réintégration effective).
La procédure a duré près de neuf ans : le salarié avait été licencié le 11 mars 2015 ; il avait été débouté par le Conseil de prud’hommes de Paris (jugement du 1er juin 2018) ; la Cour d’appel de Paris avait partiellement confirmé le jugement en ce qu’il avait rejeté les demandes relatives au licenciement (arrêt rendu le 10 mars 2021) ; par un arrêt rendu le 9 novembre 2022 (supra), la chambre sociale de la Cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel, en ce qu’il déboutait le salarié de ses demandes en nullité de son licenciement, aux fins d’ordonner sa réintégration à son poste de consultant senior au sein de la société Cubik Partners et en condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 461 406 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul.
• Dans une autre affaire, une salariée avait reçu un avertissement pour « défaut d’intégration à l’équipe ». L’employeur lui reprochait son manque de participation aux festivités prévues pour Halloween. La Cour d’appel de Rouen a annulé l’avertissement (Cour d’appel de Rouen, chambre sociale, 23 janvier 2007).
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