Chronique juridique -
Mise en œuvre des congés payés acquis pendant l’arrêt maladie
Après les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (depuis le 20 janvier 2009) et l’arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 affirmant que le salarié en arrêt de travail pour maladie continue d’acquérir des droits à congés payés, de nouvelles décisions concernant la mise en œuvre de ce droit sont à connaître.
La cour d’appel de Paris met en œuvre la jurisprudence européenne telle qu’appliquée par la Cour de cassation. Des salariés licenciés obtiennent des rappels d’indemnités de congés payés.
Premier cas
Cour d’appel de Paris, Pôle 6, Chambre 9, 27 septembre 2023
Dans cette affaire, une salariée avait été embauchée le 23 octobre 2008. La salariée avait été en arrêt de travail pour maladie à compter du 28 octobre 2017, arrêt régulièrement prolongé jusqu’au 25 février 2020.
Le conseil de prud’hommes avait rejeté sa demande le 13 novembre 2020. En revanche, la cour d’appel fait droit à la demande de la salariée.
« Sur la demande d’indemnité compensatrice de congés payés
Aux termes de l’article L. 3141-3 du Code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s’ensuit que, s’agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un État membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit État (Cjue 20 janvier 2009, aff. C- 350/06, Schultz-Hoff, pt 41 ; 24 janv. 2012, aff. C-282/10, Dominguez, pt 20).
Il convient en conséquence d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L. 3141-3 du Code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du Code du travail.
En l’espèce, contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes, Madame [I] avait droit à des congés payés pour la période durant laquelle elle a été en arrêt de travail. N’ayant pas pu exercer ses droits à congés, elle a droit à une indemnité correspondante ainsi qu’elle le sollicite, pour les années 2018 à novembre 2020 inclus, soit 6.000 euros.
Il convient en conséquence d’infirmer la décision du conseil de prud’hommes sur ce point et statuant de nouveau, de fixer au passif de la société Massenadis la somme de 6.000 euros à ce titre. »
Second cas
Cour d’appel de Paris, Pôle 6, chambre 10, 12 octobre 2023
Dans cette affaire, la salariée avait été embauchée le 18 février 1991. La salariée avait été placée plusieurs fois en arrêt de travail pour maladie avant d’être licenciée.
La salariée réclamait des rappels d’indemnité compensatrice de congés payés, notamment en invoquant la convention collective des travailleurs au sol du transport aérien qui augmente le nombre de jours de congés payés au regard de l’ancienneté du salarié.
La salariée estimait ainsi qu’elle pouvait prétendre à 32 jours ouvrables de congés payés. L’employeur estimait que les calculs de la salariée étaient erronés car seules les périodes de travail effectives peuvent ouvrir un droit à congés payés et que les absences pour maladie ne permettent pas l’acquisition d’un droit à congés payés.
Infirmant le jugement prud’homal sur ce point, la cour d’appel fait droit à la demande de la salariée.
« Sur la demande d’indemnité compensatrice de congés payés
Mme [I] [T] considère donc qu’elle aurait dû bénéficier de 32 jours ouvrables au cours des trois dernières années de présence dans l’entreprise […].
La salariée a calculé qu’elle bénéficiait à la date de son licenciement de 80,5 jours de congés payés acquis qui auraient dû lui être payés à hauteur de 9.530,55 euros, alors qu’elle n’a touché que 2.193,86 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés. Elle réclame donc le solde de 7.336,69 euros.
L’employeur répond la salariée a été remplie de ses droits à indemnisation au titre de ses congés payés non pris et que les calculs de la salariée sont erronés puisque seules les périodes de travail effectives peuvent ouvrir un droit à congés payés et que les absences pour maladie ne permettent pas l’acquisition d’un droit à congés payés.
Mais, si les articles L. 3141-3 et suivants du Code du travail, subordonnent l’acquisition de droits à congé payé à l’exécution d’un travail effectif ou à des périodes assimilées à un tel travail, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la directive 2003/88/CE n’opère aucune distinction entre les salariés absents en raison d’un congé maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé et qu’en cas d’absence pour congé maladie dûment prescrit, un État membre ne peut pas subordonner le droit au congé annuel payé à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence.
En l’espèce, en l’absence d’un accord d’entreprise, d’un règlement intérieur ou de dispositions de la convention collective applicable permettant d’atteindre la finalité poursuivie par la directive, permettant d’interpréter la réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec l’article 7 de la directive 2003/88/CE et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux, qui dispose que “Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés”, il convient de laisser la réglementation nationale inappliquée.
Il sera, donc, fait droit à la demande de rappel d’indemnité de congés payés formée par l’intimée et le jugement qui l’avait déboutée de sa demande sera infirmé de ce chef. »
La Cour « condamne la société Public Joint Stock Company Aeroflot-Russian Airlines à payer à Mme [I] [T] les sommes suivantes : […] 7.336,69 euros à titre d’indemnité de congés payés ».
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