Professions intermédiaires et techniciennes : ce qu’elles vivent, ce qu’elles veulent
Alimentés notamment par une profonde insatisfaction salariale, mal-être au travail et perte de sens se conjuguent pour aggraver leur sentiment de déclassement. C’est ce que démontre le dernier baromètre Ugict-Cgt/Secafi, réalisé par ViaVoice.
C’est « une alerte rouge », pour reprendre les termes d’Agathe Le Berder, secrétaire générale adjointe de l’Ugict-Cgt. Enquête après enquête, les conditions de santé mentale au travail ne cessent de se dégrader, à tel point qu’un salarié sur deux se trouve aujourd’hui en situation de détresse psychologique (1).
Rendu public le 28 novembre, le dernier baromètre Ugict-Cgt/Secafi confirme ce constat, sur la base d’un sondage réalisé par ViaVoice auprès de 1 000 salarié·es des professions techniciennes et intermédiaires, du public comme du privé : ils sont ainsi 57 % à déclarer être exposés à du stress ou à de la violence dans l’exercice de leur travail, ce qui se traduit par une augmentation des risques psycho-sociaux.
Cette situation est nourrie par une surcharge de travail qui concerne une majorité de sondés (57 %, soit 3 points de plus qu’en 2022), en lien notamment avec les organisations hybrides du travail et l’absence, pour 44 % des personnes interrogées, d’accord ou de charte pour un droit à la déconnexion.
Confrontation à la souffrance du public
La confrontation à la souffrance du public et des usagers participe également de cette dégradation, particulièrement pour celles et ceux qui travaillent dans la fonction publique : les trois quarts (contre 41 % dans le privé) affirment ainsi que ces difficultés du quotidien sont la principale source de leur souffrance au travail. Tout employeur est pourtant tenu de disposer d’un Document unique d’évaluation des risques : peu le connaissent en réalité, ce qui atteste qu’ils n’ont pas été interrogés sur les risques professionnels, qu’ils soient physiques et psychosociaux.
Perte du pouvoir d’achat
Mal-être au travail et perte de sens sont eux-mêmes alimentés par une profonde insatisfaction salariale, d’autant plus manifeste que l’inflation devrait être proche de 5 % cette année. Le salaire est la deuxième priorité exprimée, montre le baromètre, derrière l’équilibre entre vies professionnelle et personnelle. Interrogées entre le 23 octobre et le 2 novembre 2023, les professions intermédiaires et techniciennes, de plus en plus nombreuses, diplômées et féminisées, sont certes une écrasante majorité (77 %) à déclarer avoir bénéficié d’une « rémunération supplémentaire » en 2023. Pour autant, les augmentations consenties ne leur ont pas permis de maintenir leur pouvoir d’achat : celles et ceux qui l’affirment sont en augmentation de 5 points en un an.
Pas plus que la Conférence salariale, les politiques des entreprises en la matière ne répondent à l’urgence. « Elles consistent généralement à renvoyer ces catégories à des modalités de salaires individuelles, discrétionnaires et non pérennes, comme les primes », souligne Caroline Blanchot, secrétaire générale de l’Ugict-Cgt. Sans surprise, les femmes sont davantage pénalisées par ces politiques : moins bénéficiaires de primes (22 %, contre 29 % des hommes) ; moins bénéficiaires également d’augmentations individuelles. Au total, les professions techniciennes et intermédiaires sont moins de la moitié (48 %) à avoir eu une augmentation collective de salaire. Leur rémunération n’est en adéquation ni avec leur qualification, ni avec leur temps de travail (légal ou réel), ni leur implication professionnelle.
Pour une échelle mobile des salaires
C’est ce qui explique, en grande partie, leur motivation à plébisciter une augmentation automatique des salaires en fonction de l’inflation : près de neuf sondés sur dix y sont favorables. En cela, ils rejoignent une proposition de la Cgt faite notamment lors de la conférence sociale sur les salaires. Tout comme ils soutiennent (46 %) celle visant à réduire le temps de travail : ce soutien est exprimé par 55 % des 18-24 ans. Pour une écrasante majorité (83 %), la réduction du temps de travail doit être effective en diminuant le nombre de jours travaillés dans la semaine – une préférence exprimée devant le nombre de semaines travaillées dans l’année, puis le nombre d’heures sur une journée.
Dans tous les cas, ces professions aujourd’hui déclassées se déclarent prêtes à se mobiliser pour obtenir des augmentations de salaire, « ce qui constitue un élément de confiance dans leur capacité d’organisation collective », souligne Agathe Le Berder.
Pour ce qui est des modalités, la grève ou la manifestation sont envisagées par 41 % des sondés. Alors que plus de 10 000 techniciens, ingénieurs et cadres ont rejoint la Cgt depuis le début de l’année, la confiance exprimée vis-à-vis des syndicats se renforce, confirme le baromètre (30 % en 2023, contre 25 % en 2019). Ce regain est encore plus marqué en début de carrière : 36 % des 25-34 ans affirment ainsi faire confiance aux syndicats pour défendre leurs droits.
Christine Labbe et Lennie Nicollet
1. 12e édition du baromètre d’Empreinte humaine, réalisé avec OpinionWay, 28 octobre 2023.
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