Après trois années de vie active, être une femme reste un facteur discriminant
Elles sont plus diplômées, sont entrées sur le marché de l’emploi dans un contexte économique favorable, ont « bénéficié » de politiques publiques incitant à l’égalité. Et pourtant… Les jeunes femmes connaissaient, toujours en 2020, de moins bonnes conditions de travail et d’accès à l’emploi que les jeunes hommes.
Après l’enquête Génération 2010 du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), on était en droit d’espérer une amélioration des conditions d’emploi des jeunes femmes de la génération 2017 (1). Il n’en est rien. Sur de nombreux plans, les auteurs de l’enquête montrent que la situation des femmes, après trois années de vie active, ne s’est pas améliorée, voire s’est dégradée en sept ans.
Être une femme réduit toujours les chances d’être en emploi
Le maintien d’un meilleur capital scolaire n’y change rien. Les jeunes femmes de la génération 2017 avaient toujours, comme celles de la génération 2010, moins de chances d’être en emploi « stable » que les jeunes hommes. Être une femme reste un handicap. À une exception près : pour l’accès à des emplois peu qualifiés, qui s’améliore légèrement sur la période.
Ce constat démontre qu’une conjoncture économique plus favorable, comme celle de 2020, bénéficie moins aux femmes. Alors qu’en 2010, les jeunes gens subissaient de plein fouet la crise de 2008, les jeunes hommes avaient davantage été affectés par le chômage, réduisant sensiblement l’écart d’emploi entre les sexes. Sept ans plus tard, ils ont été les premiers bénéficiaires de la reprise… et l’écart s’est de nouveau creusé !
Une autre résistance perdure : le facteur parentalité, qui impacte encore – et toujours très tôt dans leurs parcours – les femmes trois ans après leur entrée dans la vie active. Être mère expose à rencontrer davantage de difficultés à trouver un emploi – sauf à rechercher un poste d’employée ou d’ouvrière peu qualifiée –, tandis qu’être père accroît les chances d’être embauché.
Des ségrégations horizontales et verticales persistantes
Bien que plus diplômées que les hommes du même âge, les jeunes femmes de la génération 2017 continuent majoritairement de se diriger vers des métiers de service et un nombre plus restreint de groupes socioprofessionnels (5, contre 7 pour les hommes), qui plus est n’appartenant pas à la catégorie cadre. Tournant le dos aux filières industrielles, elles sont employées (à 40 %) et manifestent une préférence pour les professions intermédiaires et la fonction publique. Les hôpitaux publics témoignent de cette appétence, avec plus de 80 % des emplois occupés par des femmes.
Si les cloisons de verre ont la peau dure, la ségrégation verticale ne marque pas davantage le pas. Dans les entreprises, les jeunes femmes accèdent plus difficilement aux fonctions de cadres et – lorsqu’elles y parviennent – aux fonctions hiérarchiques (21 % contre 28 % pour les hommes cadres). Une ségrégation qui questionne d’autant plus qu’entre la génération 2010 et la génération 2017, l’amélioration générale de la montée en qualification révèle un écart accru au profit des femmes. Ainsi 89 % des femmes cadres sont diplômées du supérieur long, contre 84 % des hommes (soit un écart de 5 points, contre 2 points pour la génération 2013).
Un rééquilibrage relatif de l’emploi à temps partiel
En matière de temps de travail, et singulièrement de temps partiel – plus souvent subi que choisi –, les jeunes femmes de la génération 2017 font mieux (24 % en temps partiel) que l’ensemble de leurs aînées (un peu moins d’un tiers). Ce progrès s’explique par une conjoncture économique qui s’est améliorée comparativement à celle de la génération 2010. Mécaniquement, les jeunes femmes ayant commencé leur vie active en 2017 sont davantage en emploi à durée déterminée (Edi) en 2020 et profitent, à l’égal des jeunes hommes, de l’embellie du marché du travail, avec une progression de 5 points des Edi pour les deux sexes.
Pour autant, les jeunes femmes sont toujours plus nombreuses que les jeunes hommes à travailler à temps partiel. Et si l’écart s’est réduit entre 2013 et 2020 (14 points contre 8 points), il est en partie imputable à la montée du temps partiel choisi (80 % d’un temps plein), de plus en plus revendiqué par les hommes.
Les hommes restent mieux payés
Sans surprise, le choix de filières moins valorisées et la persistance des plafonds de verre ont un impact sur la rémunération des jeunes femmes après trois ans de vie active. En 2013, l’écart entre les salaires médians des deux sexes était, tous temps de travail confondus, de 6 % en faveur des jeunes hommes (1 560 euros contre 1 470 euros). Sept ans plus tard, il était de 8 %…
Mieux – enfin pire –, l’écart entre les salaires médians des jeunes hommes et des jeunes femmes travaillant à temps plein est passé, pendant la période, de 1 % à 7 % (1 760 euros contre 1 650 euros). De quoi questionner l’efficacité des politiques publiques en faveur de l’égalité salariale, notamment la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes de 2014 !
Seul voyant au vert pour la génération 2017 : les situations de précarité économique des jeunes femmes sont en légère diminution par rapport à 2010. On le doit notamment à une baisse des emplois à temps partiel féminins, souvent subis, tandis que ceux-ci augmentaient chez les jeunes hommes, victimes à leur tour de la paupérisation d’une frange de jeunes travailleurs rémunérés en dessous du seuil de pauvreté. Voyant vert : pas si sûr…
Guillemette Tracou
1. Sont qualifiées ici de « génération 2010 » et de « génération 2017 » celles qui ont sont entrées sur le marché du travail ces années-là. Les enquêtes Génération du Céreq étudient leurs situations respectives après trois années de vie active, soit à fin 2013 et à fin 2020.
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