Pierre Dac enfin redécouvert sous tous ses angles droits
Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme expose la vie et l’œuvre de l’humoriste, dont la géniale loufoquerie n’a jamais exclu la gravité et l’engagement aux heures les plus noires de l’histoire de France.
Sous le titre « Le parti d’en rire », plus de 250 documents – archives familiales, extraits de films et d’émissions radiophoniques et télévisées – évoquent, au Musée d’art et d’histoire du judaïsme (Mahj), la personnalité singulière et attachante de Pierre Dac (1893-1975).
Cette manifestation apparaît riche d’enseignements multiples sur l’existence d’un homme qui fut aussi amusant et populaire qu’il fut profond en son for intérieur. II est né André Isaac à Châlons-sur-Marne, dans une famille juive alsacienne. Il est mobilisé en 1914. En 1915, son frère Marcel est tué en Champagne. Lui, un éclat d’obus brise son bras gauche. Plus tard, il est brûlé à l’ypérite, le fameux « gaz moutarde ». Il est décoré de la croix de guerre.
Des textes humoristiques truffés de louchebem
Démobilisé, il cumule les petits métiers avant de commencer à écrire des textes humoristiques, souvent truffés de louchebem, l’argot des bouchers qu’il tenait de son père. Devenu Pierre Dac en 1922, il expérimente, au cabaret La Vache enragée, ses premières « Pensées » farfelues. Dix ans durant, il écume les cabarets. En 1934, il est à la Lune rousse, avec Dinah Gervyl, qui deviendra son épouse dix ans plus tard. La même année, il prend part aux manifestations antifascistes à Paris.
En 1936, il débute à Radio Cité. Il y présente le dimanche L’Académie des travailleurs du chapeau puis ce sera, sur le Poste parisien, La Course au trésor, jeu qui consiste à rapporter au studio un maximum d’objets insolites. Deux ans plus tard, il anime La Société des loufoques (Sdl), émission dans laquelle il met en boîte, avec force couplets drolatiques et sketches hilarants, la Société des nations (Sdn), ancêtre de l’Onu.
Des sketches et des chansons formidablement satiriques
En 1938, il crée l’hebdomadaire L’Os à moelle, « organe officiel des loufoques », qui fait un malheur. La parution s’arrête au numéro du 7 juin 1940. Risquant d’être arrêté par la Gestapo, Pierre Dac fuit avec Dinah Gervyl en Bourgogne puis à Toulouse, en zone sud.
En 1941-1943, au terme de nombreuses péripéties, il parvient à gagner l’Angleterre où il participe, sur la BBC, à l’émission Les Français parlent aux Français. On lui doit plus de 80 sketches et chansons formidablement satiriques, dans lesquels il ridiculise nazis et collabos.
Est reproduite sa lettre à Philippe Henriot, propagandiste antisémite de Pétain qui, sur Radio-Paris, l’avait insulté. Pierre Dac, rappelant que son frère Marcel était mort pour la France, concluait ainsi : « Sur votre tombe […] il y aura l’inscription “Philippe Henriot, mort pour Hitler, fusillé par les Français”… » Deux mois plus tard, Henriot était exécuté par la Résistance.
En 1965, il est candidat à la présidence de la République
Après la guerre, son duo avec Francis Blanche rencontre un énorme succès avec les feuilletons radiodiffusés sur Europe 1, Signé Furax et Malheur aux barbus. En 1951, Dac invente le « Schmilblick ». En 1965, il est candidat à la présidence de la République sous l’étiquette du M.O.U. (Mouvement ondulatoire unifié). Pour l’occasion, L’Os à moelle reparaît. Dac annonce Jacques Martin comme Premier ministre, Jean Yanne et René Goscinny au gouvernement. Il renonce finalement à se présenter, par respect pour l’homme du 18 Juin. En 1981, Coluche agira de même.
L’exposition se termine par la projection du fameux sketch avec Francis Blanche, « Le Sâr Rabindranath Duval ». J’en ris encore. Parmi les centaines de « Pensées » de Pierre Dac, il y a celle-ci : « Rien n’est plussemblable à l’identique que ce qui est pareil à la même chose. »
Catalogue sous la direction d’Hélène Hoog et de Jacques Pessis, ayant droit de Pierre Dac, 187 pages, nombreuses illustrations, relié, coédition Gallimard/Mahj, 29 euros.
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