Dans le bel atelier devenu musée du sculpteur Ossip Zadkine
Au 100 bis, rue d’Assas à Paris, une exposition célèbre le 40e anniversaire de cette institution, dans les murs où l’artiste et son épouse, la peintre Valentine Prax, ont vécu et œuvré quarante ans durant.
L’exposition, intitulée « Ossip Zadkine. Une vie d’ateliers » propose une sélection de ses chefs-d’œuvre et des peintures rarement montrées de Valentine Prax, qu’il épousa en 1920, ainsi que de nombreuses photographies inédites, notamment de Marc Vaux, André Kertész, Willy Maywald… Pour l’occasion, le musée de Grenoble a prêté une Tête de jeune fille, parmi les premières du genre taillées dans le marbre en 1914 à la Ruche, la cité d’artistes où Zadkine s’était installé dès 1911. Il était arrivé à Paris l’année précédente pour s’inscrire aux Beaux-Arts, école qu’il abandonna six mois plus tard. Il venait de loin.
Né en 1888 à Vitebsk, dans l’actuelle Biélorussie, Ossip Zadkine est le fils d’un professeur de lettres classiques. Sa mère est issue d’une famille de menuisiers d’origine anglaise. Très jeune, dès les années 1900-1904, il montre davantage de dons pour le dessin et le modelage que pour les études ordinaires. Il s’exerce à la menuiserie et au moulage à l’école de sa ville natale, où il rencontre Marc Chagall.
De 1905 à 1909, il séjourne en Angleterre, y achève son apprentissage chez un oncle ébéniste et auprès de menuisiers londoniens, tout en créant ses premières sculptures. C’est à Paris qu’il expose ses œuvres pour la première fois, au Salon des indépendants et à celui d’Automne. Engagé volontaire dans l’armée française, il est gazé en 1916 et réformé. Du conflit, il ramène des dessins puissants.
Les correspondances entre les vides et les pleins de la matière
L’année 1920 est celle du grand tournant. Après avoir brièvement occupé un atelier rue de Vaugirard, c’est dans celui de la rue Rousselet, à Paris 7e, qu’il organise sa première exposition personnelle et convole en justes noces avec Valentine Prax, sa voisine d’atelier. Zadkine admire Rodin de longue date, mais il devient alors, avec Jacques Lipchitz, l’un des principaux tenants du cubisme en trois dimensions. Le jeu des reliefs et des creux se juxtapose, chez lui, à la recherche des rythmes. Il multiplie les points de vue, les différences de plans et orchestre magistralement les correspondances entre les vides et les pleins de la matière.
Zadkine est naturalisé français en 1921. Son Fauve en bois, visible dans l’exposition, est de la même année. Sept ans plus tard, il emménage avec Prax au 100 bis, rue d’Assas. En 1934, ils acquièrent une maison aux Arques, dans le Lot. En 1941, il doit s’exiler aux États-Unis, en raison de ses origines juives. Il s’installe à New York, où il participe, en 1942, à l’exposition « Artists in Exile » à la galerie Pierre Matisse, avec Fernand Léger, Chagall et Lipchitz.
« Le Guernica de la sculpture » inauguré à Rotterdam en 1953
Il rentre en France en 1945 et, l’année suivante, enseigne la sculpture à l’académie de la Grande-Chaumière. En 1948, il ouvre une école d’art rue Notre-Dame-des-Champs. L’année 1950 est celle de la consécration internationale. Il reçoit le Grand Prix de sculpture de la Biennale de Venise. La ville de Rotterdam lui commande la statue monumentale intitulée La Ville détruite, son œuvre sans doute la plus célèbre, inaugurée en 1953 et surnommée parfois « le Guernica de la sculpture ». Son Grand Orphée (1956) témoignera de la même grandeur plastique, comme son monument à Van Gogh (1960) érigé à Auvers-sur-Oise.
En 1965, Zadkine, avec l’aide de son élève Gaston-Louis Marchal, entame la rédaction de ses Mémoires. Sous le titre Le Maillet et le Ciseau, le livre paraît en 1968, un an après la mort de l’artiste à Neuilly-sur-Seine. L’ouvrage, par bonheur réédité, est en vente sur place (éditions Paris Musées, format 10,5 × 19 cm, 153 pages, 14,50 euros).
La visite de l’exposition, en toute proximité avec les œuvres, suscite une singulière qualité d’émotion, dans l’exacte mesure où l’on se sent comme invité dans l’intimité du lieu de vie et de création des deux artistes, plutôt que dans un musée. Jusqu’au jardin, lequel en hiver offre tout de même un havre de paix en retrait d’une rue rébarbative.
Jusqu’au 2 avril, musée Zadkine, 100 bis, rue d’Assas, Paris 6e.
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