Evgeni Vasiukov fut un grand joueur d’échecs soviétique, et un redoutable noceur. Il a remporté six fois le prestigieux championnat de Moscou, et sans doute beaucoup trop bu et trop fumé. Cela fera cinq ans cette année qu’il nous a quittés.
« Les plaisirs n’abondent pas au bord de la Neva comme au bord de la Seine, écrivait le musicien Ernest Lavigne à la fin du XIXe siècle. Les réunions des étudiants se font plutôt dans les chambres que dans les brasseries. À la vérité, elles ont le même objet : on fume, on boit, on chante, on discute… Ils se bercent ainsi à la fumée des papirosi, s’enfonçant en des rêves orientaux dans une paix semblable à celle du kif constantinopolitain. » Et pourtant, ça fait un mal de chien que de fumer ces ignobles clopes.
Une papirosi vous brûle, vous blesse, et pas seulement la gorge : les poumons dégustent aussi. La cigarette n’a pas de filtre, le tabac se fume brut, via un tuyau en carton. L’idée est de pouvoir fumer en hiver tout en portant de gros moufles. En 1998, dans une soirée à Moscou, j’ai essayé, pour rire. Je n’ai pas ri, j’ai toussé comme un moteur Diesel encrassé, je n’ai pas oublié, je n’ai jamais recommencé. À moins d’avoir la constitution d’un Cosaque, vous fumez ces trucs-là pendant un an et votre espérance de vie chute comme un débutant sur une piste noire.
Pour sa part, Evgeni Vasiukov adorait son poison ; il n’aurait pas échangé une papirosi contre dix cigarettes américaines. Il aimait bien boire un coup aussi et ses potes l’adoraient. Sa vie professionnelle fut aussi un amusement perpétuel. Il aimait jouer aux échecs, et il en a fait son métier. Il a remporté six fois le prestigieux championnat de Moscou. Il aimait partager, alors il enseigna également. Il s’est éteint le 10 mai 2018 à Moscou, à l’âge de 85 ans. Avec un autre mode de vie, il aurait largement dépassé un siècle d’existence ! Mais qu’importe, la sienne fut un enchantement continu. Le 5 mars 1953, le jour de la mort de Staline, Evgeni fêtait son 20e anniversaire. Quel symbole pour un homme qui embrassait alors un destin de fêtard ! C’est peut-être aussi pourquoi les Russes sont si forts aux échecs : les plaisirs n’abondent pas au bord de la Neva comme au bord de la Seine…
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