Faire des syndicats un «  levier d’action contre le racisme  »

Contre les discriminations à l’embauche, dans la carrière, contre les préjugés… Les huit principales organisations syndicales ont lancé une campagne inédite contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie.

Édition 069 de [Sommaire]

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La Cgt prône la mise en place d’un registre qui recense les candidatures reçues et les recrutements effectués. DR

Le 21 mars, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, Cfdt, Cgt, Fo, Cfe-Cgc, Cftc, Unsa, Fsu et Solidaires ont présenté une campagne de communication composée de six affiches qui déclinent le slogan «  Racisme, antisémitisme, xénophobie au travail  : c’est non  !  » Un tract précise que les syndicats invitent les victimes ou témoins à prendre contact avec elles pour les défendre. 

En juillet 2024, au lendemain du second tour des élections législatives, ces huit organisations s’étaient engagées à travailler ensemble «  contre le racisme et l’antisémitisme, contre toutes les formes de discriminations sur l’ensemble des lieux de travail  ». Cette campagne a pour but de sensibiliser les salariés mais aussi les employeurs. Elle vient surtout «  dire que les syndicats sont un levier d’action contre le racisme  » explique Sophie Binet, secrétaire générale de la Cgt, au cours d’une table ronde organisée à la bourse du travail de Paris pour l’occasion.

Enrayer une «  normalisation des ruptures d’égalité  »

En introduction, Claire Hédon, défenseure des droits, rappelle que les recours juridiques restent rares alors que les crimes et délits racistes sont en hausse. En effet, les victimes ne voient pas l’utilité de saisir la justice ou craignent des représailles. Claire Hédon dénonce une «  normalisation des ruptures d’égalité  ». Elle a récemment recommandé aux employeurs privés et publics de faire preuve de plus de rigueur dans la réalisation des enquêtes internes en matière de discrimination.

«  Les victimes qui ne saisissent pas les autorités de la justice ne saisissent pas non plus forcément les organisations syndicales, raison pour laquelle nous sommes ici  », observe Sophie Binet, qui présente cette campagne comme un signal d’alarme  : «  Ça ne peut plus durer.  » Impossible pour les syndicats d’«  accepter, les bras croisés, le renoncement des victimes à faire valoir leurs droits  », prévient de son côté Marylise Léon, secrétaire générale de la Cfdt. 

Cibler les discriminations à l’embauche

Si les différents intervenants s’accordent à dire que la législation a connu des améliorations, Sophie Binet prône que ceux qui ne l’appliquent pas soient sanctionnés. Faute de quoi «  cet arsenal juridique ne fait pas peur parce qu’il n’a pas les moyens de son effectivité  ». Elle souligne également l’importance d’engager un travail sur les discriminations à l’embauche, un «  sujet majeur qui reste pour l’instant en dehors des radars puisque les salariés ne sont pas encore dans l’entreprise  »

La Cgt prône par exemple la mise en place d’un registre qui recense les candidatures reçues et les recrutements effectués. Avant un entretien d’embauche, chaque candidat se verrait remettre un document sur lequel seraient indiquées les coordonnées de la défenseure des droits et des syndicats ainsi que les questions que le recruteur ne peut pas poser (quelle est votre religion  ? Avez-vous des enfants  ? etc.). 

La secrétaire générale de la Cgt dénonce enfin les modifications législatives «  inacceptables  » qui augmentent, pour des millions de travailleurs étrangers, le risque de se retrouver sans titre de séjour. 

Faire des syndicats des ressources pour les victimes

Des formations syndicales sur les discriminations sont désormais organisées. Patricia Devron, secrétaire confédérale de Fo, pointe en particulier l’importance de former les conseillers prud’homaux. Le président de la Cftc, Cyril Chabanier, rappelle quant à lui que les discriminations sont encore plus nombreuses dans les entreprises sans instances représentatives du personnel. 

Marylise Léon souligne l’importance de travailler avec d’autres organisations expertes du sujet, car les discriminations «  ne s’arrêtent pas aux portes de l’entreprise  ». Caroline Chevet, secrétaire générale de la Fsu, soutenait la veille, au tribunal, un enseignant victime de pressions de groupes d’extrême droite «  pour avoir réalisé un projet avec l’Ong Sos-Méditerranée  ». Si les syndicats saisissent la justice, les victimes les identifieront comme des ressources.

Pour Murielle Guilbert, déléguée générale de Solidaires, «  si on admet que l’on est tous traversés par des préjugés, il faut s’attaquer aux racines de ces préjugés  », et s’inspirer pour ce faire de la lutte contre le sexisme. Sa codéléguée Julie Ferrua invite aussi à combattre les «  discriminations légales  » que subissent les sans-papiers ou les soignants Praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue). Quant au secrétaire général de l’Unsa, Laurent Escure, il rappelle que des gens «  meurent du racisme et de l’antisémitisme  ». Il appelle à faire du «  syndicalisme primaire  ». Il faut pour cela «  fabriquer de l’entraide, recréer ces liens qui limiteront la parole, la pensée et les actes racistes  ».