L'Édito -  La recherche, un bien commun menacé par l’obscurantisme illibéral

Par Caroline Blanchot, secrétaire générale de l’Ugict-CGT

En France -et plus largement en Europe- le bouleversement géopolitique mené par l’administration Trump, qui nie les savoirs scientifiques et veut empêcher leur propagation, crée une obligation : resserrer nos liens entre Européens et mener une politique de recherche ambitieuse.

Édition 067 de [Sommaire]

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La recherche scientifique, moteur essentiel de l’innovation et de l’avancement des connaissances, joue en effet  un rôle fondamental dans la résolution des grands défis auxquels l’humanité est confrontée. Du changement climatique à la transition énergétique, la lutte contre les inégalités ou la quête de nouveaux traitements médicaux, les chercheur·e·s sont en première ligne pour proposer des solutions concrètes et durables. Pourtant, malgré son impact majeur, la recherche fait face à des obstacles structurels et politiques qui compromettent son efficacité et même son avenir : sous-investissements, développement de la concurrence, faible reconnaissance professionnelle des scientifiques et désormais obscurantisme illibéral.

La recherche au service de l’humanité ou des intérêts privés  ?

Les avancées scientifiques ont, tout au long de l’histoire, façonné notre monde. Elles ont permis de vaincre des maladies autrefois incurables, d’améliorer les conditions de vie et de transformer les modes de production et de consommation. Aujourd’hui, il y a urgence. Les défis auxquels nous sommes confrontés exigent des solutions radicalement nouvelles, basées sur l’intérêt général.

Nous en sommes loin, très loin. Alors que Donald Trump est au pouvoir depuis quelques semaines, son administration a d’emblée pris pour cible la recherche. Elle a retoqué les programmes d’aide à l’inclusion dans les universités, réduit les financements de recherche et imposé une censure sur des sujets comme le genre, les femmes, la diversité, le handicap ou le changement climatique. Des articles sur des données scientifiques de grande ampleur ont été rayés des pages internet des institutions fédérales. Outre-Atlantique, ce n’est pas seulement la science qui est menacée, mais le rôle qu’elle joue dans la démocratie. Faut-il ajouter que les décisions des États-Unis en matière de santé font peser de lourdes menaces sur le progrès et la coopération scientifique mondiale  ?

Dans le même temps, la France, pays de science s’il en est, décroche en matière de recherche. Nous ne nous positionnons plus qu’au 13e rang, soit un recul de sept places en quelques années seulement. Quant aux députés et sénateurs, ils s’entendent sur une loi de désorientation agricole qui adoube l’agriculture intensive et tournée vers l’export. Un contre-sens scientifique doublée d’une erreur stratégique  ! C’est l’héritage des Lumières qui est menacé  !

Résistance  ! La science est un des contre-pouvoirs vitaux pour une démocratie

La résistance scientifique s’organise aux États-Unis. Syndicats de chercheurs, sociétés savantes ou jeunes scientifiques lancent des appels à la mobilisation, tentent de protéger les chercheurs visés par des licenciements et récupèrent les données en voie de disparition. Par exemple, le mouvement « Stand up for science » créé par une jeune chercheuse a appelé à protester partout aux États-Unis et dans le monde le 7 mars, pour défendre la science et demander la fin de la censure, la sanctuarisation des financements, la réhabilitation des chercheurs licenciés, ainsi que la remise en place des programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (lire article VG). D’autres mobilisations vont suivre la journée du 7 mars pour dénoncer sans relâche ces attaques sans précédent. En France, l’intersyndicale de la recherche et de l’enseignement supérieur s’est ainsi mobilisée le 11 mars, pour dénoncer entre autres les coupes budgétaires dans le secteur. D’autant que les ferments des mêmes politiques sont déjà à l’œuvre, ici aussi.

Entre émotion, colère et lucidité, l’Ugict et Options se préoccupent de ces enjeux. Notre  revue à paraître fin mars y consacre son dossier. Vous y trouverez des analyses et témoignages, mais également des propositions revendicatives  : placer la recherche comme bien commun pour la société, notamment en organisant un débat public éclairé  ; promouvoir une science ouverte où la coopération permet d’atteindre des résultats qui bénéficient au plus grand nombre  ; revaloriser le statut d’enseignant-chercheur  ;  instaurer une réelle politique publique de recherche qui permette enfin d’atteindre, voire de dépasser les 3 % du PIB d’investissement,  et de sanctuariser dans le temps les financements… À suivre.